Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, institué par la Loi n° 76-20 du 31 décembre 2020, sous forme de société anonyme détenue par l’État, est déjà dynamique !
Tout particulièrement, il vient de lancer en décembre dernier un appel à manifestation d’intérêt adressé aux sociétés de gestion de capital investissement. En tant que nouvelle structure publique d’investissement, il interpelle celles qui parmi ces dernières, veulent lever un fonds dont la stratégie consiste à investir dans les PME, l’industrie et d’autres axes de développement.
Il semblerait que pas moins de 100 sociétés auraient retiré un dossier dans ce sens dont certaines sont étrangères. Le fonds Mohammed VI, est censé examiner ces dossiers à travers des critères, de la taille du fonds, du montant de l’investissement prévu, leurs performances antérieurement réalisées, la qualité des équipes, à travers un « track record » qui retrace la vie de la société de gestion.
Sur cette base, le Fonds M6I devrait sélectionner certaines sociétés de gestion, les meilleures selon ces critères, pour les accompagner dans leurs investissements. Les résultats de cet appel à manifestation sont attendus dans les jours qui viennent.
En effet, il faut savoir que l’une des raisons fondamentales de la création du FM6I est de développer l’industrie du capital investissement dans notre pays pour renforcer le capital et les fonds propres des entreprises et leur permettre d’assumer leur croissance.
Il compte intervenir en tant qu’investisseur fort dans des fonds de capital investissement afin de les pousser à privilégier la PME. Sachant que les sociétés de gestion de capital investissement, pour lever un fonds, cherchent des engagements de souscriptions des investisseurs, le FM6I, s’engage à les suivre en tant qu’investisseur à la recherche de rendement, à la condition d’investir dans des PME dument sélectionnées.
Cette démarche rejoint l’intention du Fonds de contribuer à hauteur de 30% des fonds en question levés, d’autant qu’il détient pour ce faire des moyens financiers importants, à savoir 15 milliards de dirhams budgétisés.
L’autre ADN du FM6I est d’être un catalyseur pour les investissements privés. Comme dans nombre de pays, c’est une institution publique qui lance le capital investissement, comme c’est le cas de Bpifrance, une banque publique d’investissement ! Au Maroc, il nous manquait un véhicule institutionnel du genre et c’est l’une des raisons d’être du Fonds Mohammed VI pour l’investissement. Ce véhicule permet à l’État d’intervenir entre autres, dans des fonds aux côtés d’autres investisseurs privés marocains et étrangers, qui créeront un effet de levier, multipliant les investissements par trois à 45 MMDHS.
En particulier, les investisseurs étrangers seront confortés par l’accompagnement de l’État dans leurs investissements au Maroc, d’où la notion de partenariat public privé ! Son intervention est ainsi motivée tout particulièrement par l’attrait d’investisseurs étrangers en diminuant le risque Maroc et en les rassurant sur l’importance des projets.
Selon un gestionnaire de fonds d’investissement de la place, « l’initiative du fonds Mohammed VI pour l’investissement, va permettre au Maroc d’aller sur la scène des grands investisseurs institutionnels internationaux ».
Toutefois, ce Fonds d’investissement public a d’autres orientations que celles de soutenir les sociétés de capital-investissement. Sa stratégie s’étend au financement de grands projets de l’État, d’infrastructure de soutien de certains secteurs d’activités comme l’agriculture, l’hôtellerie, le green, etc.
Par ailleurs, la question de savoir si la profession du capital investissement au Maroc est la mieux indiquée pour l’investissement et le renforcement des capitaux propres des PMEs, s’impose. Certes, il s’agit d’une activité pointue, peu connue du grand public qui propose des financements alternatifs au financement bancaire. Aujourd’hui, la majorité des volumes levés par le capital investissement sont étrangers et viennent notamment des institutions financières comme le FMI, la Berd, la BM, Proparco, etc. D’autant que les investisseurs marocains sont frileux à l’égard du capital investissement et surtout ne soutiennent pas le financement d’un projet sur le long terme.
Cette activité représentée par une association professionnelles, l’AMIC, est aussi relativement récente. Le lancement du capital risque au Maroc date des années 2000 et la majorité des sociétés de capital risqueurs dans l’investissement sont aujourd’hui indépendantes, après avoir été essentiellement filiales de banques. Le paysage de cette activité a ainsi beaucoup évolué avec 65% de sociétés de gestion indépendantes quand la norme à l’international est de 70 à 75%. Son autre nouveauté relève du constat que les récentes sociétés de gestion appartiennent aux équipes gestionnaires marocaines ou étrangères.
Et la profession grandit à travers des performances réalisées par le Maroc qui s’impose au niveau du continent africain. Et M. Hatim Ben Ahmed, Président de l’AMIC (Association marocaine des investisseurs en capital), de rappeler que « le capital investissement est à l’origine de toutes les success-stories entrepreneuriales marocaines. Précisément, tous les groupes nés après 2000 ont été soutenus par le capital investissement marocain : CFG, Kitea, Dolidol, Akdital, TGCC, ODM, HPS, Intelcia, Outsourcia… ». Il ajoute : « C’est en cela que le capital investissement diffère du capital risque, il consiste à faire des investissements de croissance, dans des montants de 50 Mdh, 100 Mdh voire 300 MDh et plus, pour renforcer les capitaux propres des sociétés ». Le capital-risque prend plus de risque que les banques mais apporte énormément de valeur ajoutée par la présence au Conseil d’Administration des sociétés, et contribue à leur développement aux côtés des entrepreneurs en intervenant sur tous les sujets stratégiques.
Le capital-investissement accompagne également dans l’entreprise le savoir-faire, impose la transparence, la mise en place de la gouvernance de règles environnementales, etc. Dans le monde, toute économie dynamique s’appuie sur une industrie de capital investissement forte.
La sélection en cours qui sera opérée par le Fonds Mohammed VI pour l’investissement deviendra un label pour les sociétés de gestion du capital-investissement. Elles s’en prévaleront pour lever plus facilement des fonds, en particulier à l’étranger, fortes de l’argument de poids que constituent la présence et la participation de l’État à leurs côtés !
Afifa Dassouli