La directrice générale du Fonds monétaire international , Kristalina Georgieva
“Merci, Président Macron, d’avoir accueilli ce Sommet et d’avoir apporté une énergie aussi incroyable à ces questions importantes que sont la dette, le climat et le financement du développement. Et merci d’avoir réuni le nouveau président de la Banque mondiale, Ajay Banga, et moi-même sur scène pour la première fois dans nos nouveaux rôles. Je suis convaincue que nous serons d’excellents partenaires dans le prochain chapitre de la collaboration de nos institutions dans un monde en mutation rapide et déséquilibré.
Permettez-moi de commencer par dire que le FMI et la Banque mondiale ont été créés en 1944 et que depuis lors, le monde a radicalement changé. A cette époque, il y avait 99 pays. Maintenant, il y a plus du double de ce nombre – le FMI compte 190 membres – donc sur cette seule base, les institutions de Bretton Woods sont radicalement différentes de ce qu’elles étaient lors de leur création. Dans le même temps, la population mondiale a plus que triplé et l’économie mondiale, mesurée par le PIB, a plus que décuplé. Ce simple calcul montre que le revenu moyen par habitant a plus que triplé. Donc, aujourd’hui le monde est plus riche, mais connait d’énormes déséquilibres.
Premièrement, nous avons des jeunes à certains endroits et des capitaux à d’autres. À moins que nous ne construisions un pont pour que les capitaux circulent là où se trouvent les jeunes [pour créer des emplois et la prospérité], non seulement nous saperions les perspectives de croissance, mais nous saperions également la stabilité mondiale.
Deux, en ce qui concerne le climat. Les sources d’émissions – historiquement et aujourd’hui – se trouvent principalement dans les économies avancées et les grandes économies de marché émergentes. Mais, tragiquement, le plus fort impact se trouve dans des pays qui n’ont rien fait pour créer le problème. Nous devons là aussi, construire un pont pour aider à corriger ce déséquilibre.
Troisièmement, les ressources financières pour faire face à un monde en évolution rapide et sujet à des chocs importants, sont aussi plus importantes à certains endroits qu’à d’autres. Et donc – nos institutions ont une énorme responsabilité, celle de faire ce qui est nécessaire pour que le monde d’aujourd’hui et le monde de demain soient mieux adaptés.
Ainsi pour le Fonds monétaire et la Banque mondiale, cela se traduit par l’impératif d’un changement de mentalité. Nous devons reconnaître qu’à la base, nos mandats sont les mêmes, mais la façon dont nous mettons en œuvre ces mandats devrait changer radicalement. Pour le FMI, nous avons une mission claire : stabilité macroéconomique et financière, croissance et emploi. Mais mettre en œuvre cette mission dans le monde que j’ai décrit – avec les déséquilibres auxquels nous sommes confrontés – nous oblige à adopter une vision beaucoup plus globale. Cela signifie concrètement adopter une vision plus globale de la résilience des personnes – pour s’assurer qu’elles sont éduquées, en bonne santé et bénéficient d’une bonne protection sociale. Cela signifie une vision plus globale de la résilience de la société – pas seulement dans le secteur bancaire – car lorsque la société est injuste, l’économie ne peut pas offrir les meilleurs fruits à tous. Et bien sûr, une vision plus globale de la résilience de notre planète.
Une telle approche plus holistique et plus globale de notre mandat, nous oblige à examiner comment nous travaillons, quelles sont nos priorités et quels instruments nous déployons. Nous devons adopter un multilatéralisme revigoré et doté de ressources suffisantes.
Il est clair qu’une priorité absolue pour la Banque et le FMI est de mobiliser davantage de financements concessionnels et de dons en raison des déséquilibres que j’ai décrits. Commençons par le Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et la croissance (PRGT). Nous avons presque atteint les ressources nécessaires pour répondre à la demande. Pourtant, la demande est plus élevée, les taux d’intérêt sont plus élevés – nous avons donc besoin de plus de ressources de subvention pour combler la différence entre les taux du marché reçus par les prêteurs et les taux inférieurs au marché, et que donc il faut que nous nous engagions à offrir à nos emprunteurs les plus vulnérables. Cet écart de subventions s’élève à 1,2 milliard de dollars EU. Mon appel à ce Sommet est de combler ce fossé.
Le président Banga et moi-même, nous rendrons au Maroc pour les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale en octobre. Ce sera la première fois depuis un demi-siècle que les rencontres auront lieu sur le continent africain. Nous irons là-bas pour se rapprocher de l’Afrique et pour ce faire renforcer l’ Association internationale de développement (IDA) et un PRGT fort.
Nous avons également promis d’aider à redistribuer les droits de tirage spéciaux (DTS). Donc, si les pays en position de réserves fortes qui reçoivent des DTS n’en ont pas besoin, ils devraient prêter leurs DTS à d’autres – par l’intermédiaire du FMI ou des banques multilatérales de développement. L’objectif de cette réorientation a été fixé à 100 milliards de dollars américains. Et je peux annoncer aujourd’hui que nous avons atteint cet objectif, mais il nous faut continuer dans cette voie.
Concernant le transfert des DTS, nous avons commencé par demander aux pays de le faire à hauteur de 20 % de leur allocation de 2021. Ensuite, nous sommes passés à 30 %. Et maintenant, nous passons à une demande de 40 %. Aujourd’hui, nous avons près de 60 milliards de dollars de promesses de dons à acheminer par le biais du Resilience and Sustainability Trust (RST) et du PRGT. Je suis très fier d’annoncer RST a levé plus de 40 milliards de dollars US – s’approchant de notre objectif initial. Je profite de cette réunion pour demander que nous rehaussions notre ambition de 20 milliards de dollars supplémentaires, car nous avons la preuve d’utiliser le bon concept, sachant que sept pays en bénéficient déjà et nous espérons que 10 autres pays en bénéficieront l’année prochaine.
Il est certain que si la demande pour le RST a été très forte, c’est parce c’est la première fois de notre histoire, que nous offrons un financement à long terme avec une période de remboursement de 20 ans et une période de grâce de 10 ans. Et que nous offrons des financements aux pays vulnérables à revenu intermédiaire à des conditions concessionnelles.
Dans la mise en œuvre du Resilience and Sustainability Trust, RST, nous travaillons en étroite collaboration avec la Banque mondiale. Ce sont les analyses de la Banque mondiale, telles que les rapports nationaux sur le climat et le développement, qui sous-tendent les deux tiers de nos programmes. Et aujourd’hui, nous annoncerons comment le RST travaille avec d’autres institutions, telles que la Banque européenne d’investissement, la Banque africaine de développement et la Banque interaméricaine de développement démontrant que nous tenons ce que nous nous sommes engagés à faire de sorte que nous agissions ensemble…”