Le président américain Donald Trump (c), le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et l'ambassadeur russe aux Etats-Unis Sergueï Kisliak, le 10 mai 2017 à la Maison Blanche, à Washington © RUSSIAN FOREIGN MINISTRY/AFP/Archives
Les accusations visant le président américain Donald Trump, qui aurait divulgué des informations hautement sensibles à des responsables russes, soulèvent la question de savoir s’il a commis un délit et quelles pourraient en être les conséquences judiciaires.
– Quelles informations partagées? –
Selon le Washington Post et d’autres médias, Donald Trump a divulgué des informations classifiées sur un projet de l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) d’armer des ordinateurs portables susceptibles d’exploser à bord d’un avion, et a nommé une ville en Syrie où une source aurait collecté ces informations.
– Trump a-t-il commis un délit? –
Le président a le pouvoir de déclassifier des informations, selon les experts. Certains affirment qu’en divulguant des informations classifiées, le président de fait les déclassifie et ne commet donc pas de délit.
« Je ne pense pas qu’il ait fait quelque chose d’illégal. Le président a généralement le pouvoir de déclassifier des documents. Mais on peut arguer qu’il a été imprudent. Ce n’est pas parce que vous êtes investi d’un pouvoir de faire quelque chose que vous avez raison de le faire », explique Cristina Rodriguez, professeure invitée à la Colombia Law School.
– Quelles règles Trump a-t-il enfreintes ? –
D’autres experts affirment qu’exposer des informations sensibles à un pays ennemi comme la Russie, alors qu’elles n’ont même pas été partagées avec des alliés, pourrait constituer une violation du serment présidentiel.
Le président jure de « préserver, protéger et défendre » la Constitution américaine. Or le partage d’informations sensibles avec Moscou, accusée par les services américains de renseignement d’ingérence dans l’élection présidentielle ayant porté M. Trump au pouvoir, pourrait représenter une rupture de cet engagement solennel.
Une telle imprudence pourrait être considérée comme « des crimes et délits de haute importance », avancent des spécialistes.
« Cela pourrait très bien aller jusqu’au délit justifiant une destitution. Vous n’avez pas besoin d’avoir commis un délit pour être destitué, vous pouvez être destitué pour abus de pouvoir ou pour avoir outrepassé la confiance de l’opinion », explique Mme Rodriguez.
– Qui pourrait enquêter? –
Toute enquête sur une éventuelle procédure en destitution doit être lancée par le Congrès. Mais comme ces informations ont été divulguées à de hauts responsables russes, et que les démocrates réclament la nomination d’un procureur spécial sur l’ingérence russe, ce procureur – s’il est nommé – pourrait aussi se pencher sur cette affaire.
David Golove, professeur de droit à la New York University, affirme que c’est une chose si Donald Trump a « juste bavardé dans son style inimitable » – ce qui pourrait être considéré comme de l’imprudence -, mais c’est autre chose s’il l’a fait comme un « signe de bonne foi » pour réchauffer les relations américano-russes. « Cela pourrait être considéré comme une décision de commandant en chef, même si ça semble stupide ou erroné », explique-t-il.
– Le Congrès va-t-il destituer Trump? –
Les républicains sont dans l’ensemble fidèles au président. Il y a donc peu de chance pour qu’une procédure en destitution soit lancée.
Mais la colère de l’opinion pourrait mettre la pression sur le chef de file des républicains au Sénat, Mitch McConnell, qui devra peser cette éventuelle décision avec les intérêts de son parti. « Tant que Donald Trump sera protégé par les républicains, il n’y a pas vraiment de comptes à rendre », selon M. Golove.
– Quel impact sur le renseignement ? –
Les opposants de Donald Trump craignent que les alliés de l’Amérique ne soient désormais réticents à partager des informations sensibles de peur qu’elles ne tombent dans de mauvaises mains. Selon le New York Times et d’autres médias, les informations sur l’EI ont été fournies par Israël, et transmises à la Russie, grande alliée de l’Iran qui est l’ennemi juré de l’Etat hébreu.
D’autres craignent aussi que la Russie n’exploite ces informations pour retrouver la source elle-même et l’empêcher qu’elle soit utilisée contre ses propres intérêts en Syrie.
« Hormis la question de la légalité, il y a une tradition de longue date (au sein du renseignement) selon laquelle personne ne doit compromettre d’aucune manière ses sources », rappelle Mark J. Rozell, doyen de la Schar School of Policy and Government à l’université George Mason.
LNT avec Afp