C’est l’économiste américain Arthur Laffer, gourou de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, qui avait coutume de dire : « trop d’impôt tue l’impôt ». Sans doute aurait-il dû ajouter que « trop peu d’impôt tue l’État » !
Car c’est bien de cela qu’il s’agit ces derniers mois et semaines où l’on voit la puissance publique, à travers ses différentes articulations, (Direction générale des Impôts, Administration des Douanes et des Impôts indirects, Office des Changes, CNSS, etc.), mettre en place plusieurs instruments destinés, d’une part, à assurer une meilleure rentrée des impôts et taxes, d’autre part, à moderniser les circuits économiques et commerciaux en imposant la transparence et l’obligation de respecter la législation fiscale par tous et chacun.
Alors que les salariés du secteur privé et les fonctionnaires sont depuis toujours les principaux contributeurs à l’impôt direct, que quelques milliers d’entreprises à peine respectent leurs obligations en matière d’IS, d’IR et de TVA, des catégories socioprofessionnelles, pourtant actives et dynamiques, ont pris l’habitude de faire de la fraude fiscale, de la dissimulation des revenus et de la minoration systématique des bénéfices un sport national plus couru que le football !
Et si l’on parlait depuis des lustres de l’élargissement nécessaire de l’assiette fiscale, de l’imposition du principe du respect de l’égalité et l’équité devant l’impôt, de lutte contre l’informel et l’économie souterraine, il semble bien que désormais l’Administration et le Pouvoir politique ont enfin pris le difficile parti de mettre leurs actes en adéquation avec leurs promesses !
C’est ainsi que l’on a vu ces derniers temps, le fisc se porter diligemment vers plusieurs secteurs d’activités libérales, médecins privés, cliniques, avocats, architectes, pharmaciens, avec, dans une main, une proposition généreuse d’amnistie contre régularisation des déclarations sur les quatre années antérieures et, de l’autre, la menace bien réelle d’un examen des contribuables ainsi désignés sur les dix dernières années.
En maniant ainsi la carotte et le bâton, tout en faisant preuve de souplesse et de volonté conciliatrice, les pouvoirs publics ont enclenché une dynamique qui, certes, tout en suscitant les récriminations et les cris d’orfraie des intéressés, paraît aussi irréversible que profitable à l’État, victime depuis des décennies d’un manque à gagner généré par l’impunité des « dissimulateurs-fraudeurs »…
Et que des médecins, des avocats, des pharmaciens ou des notaires se retrouvent en situation de contrôle fiscal, de redressement et de normalisation des comportements ne fera pas « pleurer dans les chaumières » tous ceux qui, contributeurs obligés, sont soumis aux impôts directs par les prélèvements à la source !
C’est la même philosophie et les mêmes objectifs qui président à la volonté de nettoyer « ces écuries d’Augias » que représentent les pratiques usuelles d’entreprises et secteurs qui ont prospéré grâce à l’informel, les fausses factures, la fraude à la TVA, la contrebande et la dissimulation systématique des bénéfices.
On a coutume, en effet, d’énoncer que le tiers au moins de notre économie nationale est immergé, souterrain, tant le « black » est courant et populaire chez nombre d’entrepreneurs, de commerçants, de grossistes.
Avec progressivité, par étapes bien définies, prudence et esprit de concertation, la puissance publique a mis en place des mesures qui tendent à imposer la bonne gouvernance, la transparence, la nécessaire et juste contribution de tous ces opérateurs à l’obligation fiscale sous toutes ses formes.
Alors que la modernité caractérise pratiquement tous les actes de la vie quotidienne, des pans entiers de l’économie demeurent dans l’ombre ou, à tout le moins, la pénombre, par des pratiques et des habitudes antédiluviennes, notamment dans la facturation, les déclarations en douane, les manifestes de transport, etc.
L’Administration, sous plusieurs formes, a mis en place les outils nécessaires à la lutte contre l’informel et la fraude fiscale. Ils sont essentiellement liés aux évolutions technologiques, à la télé-déclaration, à l’identification des opérateurs.
Nombre de ces derniers le refusent et le font savoir par des sit-in, des menaces de grève, des propos tonitruants, comme l’ont fait avant eux médecins et autres.
Le gouvernement, par le biais du ministre Moulay Hafid Elalamy, les patrons de la Douane et de la DGI, ont pris l’affaire en main pour une concertation et la prise en compte des doléances des « moul chkara » de Derb Omar (et d’ailleurs).
Mais, s’il y a volonté effective de nouer le dialogue et d’écouter les plaintes, il faut comprendre que l’opinion publique, majoritairement, ne soutiendra pas ceux qui fraudent, trichent, dissimulent quand tous les autres, les plus défavorisés parce que soumis au prélèvement à la source, constituent quasiment la seule source alimentant les Caisses de l’État par l’impôt direct.
Notre pays et notre société ont besoin de croire que les promesses de justice fiscale et d’égalité devant l’impôt seront tenues et effectives.
Le Maroc doit en finir avec l’informel et la fraude. Cela renforcera les moyens de l’État pour financer les efforts en faveur des revendications légitimes des classes populaires en termes d’équipement sociaux, d’infrastructures et de qualité de vie, pour l’Éducation, l’Habitat et la Santé notamment.
Et soyons assurés qu’il n’y aura pas de retour en arrière…
Illal Amam ! (En avant).
Fahd YATA