Le secteur immobilier va (toujours) mal. Le constat ne date évidemment pas d’aujourd’hui. Depuis quelques années déjà, y compris même bien avant la pandémie Covid-19, ce secteur souffre, notamment de manque de visibilité. Et il semble qu’actuellement, la relance tant escomptée tarde toujours à venir et apparemment, rien ne présage d’une quelconque possibilité d’amélioration de la situation.
En effet et pour beaucoup, 2022 reste jusqu’à présent une année peu prometteuse. La hausse des prix des matériaux de construction met à mal les chantiers de construction et freine souvent le cours normal de certains. La conjoncture inflationniste y est certainement pour quelque chose, avec la guerre en Ukraine qui n’a fait, elle, qu’aggraver la situation de ce marché où la dynamique évolue au rythme de l’inflation et de la hausse des prix des carburants et de la logistique. On le sait, les matériaux tels que le béton, l’acier, la ferraille, le ciment et autres briques… connaissent aujourd’hui une flambée de prix sans précédent. Pour l’acier, l’un des matériaux les plus importants pour le béton armé, le kilo a atteint 12 Dhs, alors qu’il était aux alentours de 10 Dhs, voire 9 Dhs, avant la guerre en Ukraine. Selon l’Association Marocaine des sidérurgistes (AMS), le prix de la tonne est actuellement fixé entre 10.500 et 11.000 Dhs, alors qu’il était de 9.000 à 9.500 Dhs une année plus tôt. Pour la ferraille, utilisée par la majorité des producteurs de rond à béton, son prix a également augmenté en raison de la hausse des tarifs du minerai de fer. Au niveau du marché marocain, ce produit, qui se vendait à 2.600-2.700 Dhs la tonne, se vend aujourd’hui à 4.200-4.500 Dhs la tonne, car à l’international son prix est passé de 250 euros la tonne à presque 500 euros. Le rond à béton a pour sa part atteint 13.000 Dhs la tonne, alors qu’il était à 6.200 Dhs la tonne avant la crise sanitaire. Même constat du côté des prix du bois et du ciment. Le prix de la brique est passé à 2 Dhs, alors qu’elle était à 1,20 Dhs. Outre cette flambée des prix des matériaux de construction, le secteur des constructions est également confronté à la pénurie de certains produits, notamment le verre et l’aluminium.
Du côté des professionnels, l’inquiétude monte d’un cran. Dans un communiqué, la FNPI prévoit un ralentissement de l’activité de plus de 50% après les fêtes du Ramadan. Par la même, elle déplore la flambée des prix des matériaux de construction. Cette situation jugée « inédite » par la FNPI, met en jeu l’intérêt des acquéreurs, la préservation des centaines de milliers d’emplois et l’équilibre de tout le secteur.
Ceci a contraint la FNPI à entreprendre une série de mesures. Sur le plan judiciaire et institutionnel, une réunion d’urgence devra être tenue avec le ministère de tutelle, une plainte documentée sera également portée au Conseil de la concurrence ainsi qu’une demande d’enquête qui sera introduite auprès du Conseil économique, social et environnemental et auprès du HCP. En vue d’obtenir une « dimension administrative et d’aide à l’acquéreur », le communiqué de la FNPI inclut une demande de prolongation des conventions du logement social de 2 années, compte tenu de la difficulté d’approvisionnement et de la montée des prix, dixit le communiqué. La fédération a demandé également l’arrêt de l’application de la taxe sur les terrains non bâtis et la prorogation d’un an du délai des autorisations de construire compte tenu du manque de visibilité des opérateurs sur le secteur.
La FNPI réclame, de surcroît, la réduction de 50% des frais d’enregistrement et de conservation foncière au profit des clients et acquéreurs dont le pouvoir d’achat a été considérablement impacté ces dernières années, lit-on dans le communiqué. In fine, afin de lutter contre les ententes et les spéculateurs, la FNPI affirme avoir engagé un processus de création d’une centrale d’achat qui permettra de mutualiser les approvisionnements des opérateurs du secteur de la construction immobilière à des conditions d’achat et de règlement totalement optimisés et transparents, tant auprès des fournisseurs marocains que des importations directes de l’étranger.
En attendant, il est permis de garder espoir, car même en période de pandémie où la menace pèse sur l’ensemble des activités économiques, l’emploi et l’impact certain sur le pouvoir d’achat en général des ménages, l’appétence de ces derniers pour l’acquisition d’un toit décent demeure intacte ! Reste à savoir si les prix de l’immobilier ne s’envoleront pas en réponse au retour de la demande…
L’intervention du ministère de l’Habitat avec des mesures incitatives à tous les niveaux reste ainsi et sans aucun doute une urgence dans le grand espoir de stimuler la reprise du secteur. La vraie. Autrement, la crise risque de s’amplifier, rendant ainsi difficile le droit d’accès des Marocains à un toit décent.
Hassan Zaatit