On ne pouvait terminer ce mois sacré de Ramadan sans publier la dernière chronique de notre excellent ami Saad Khiari qui, pour l’occasion (finale), nous propose de fortes intéressantes digressions sur les éternuements et les bâillements. Car, comme il l’écrit lui-même: « Bâiller ou éternuer », telle est la question !
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Nous avons décidé, pour égayer quelques moments de ce mois sacré, de proposer à nos lecteurs une approche particulière de certains hadiths sujets à caution, en y mettant un brin de fantaisie et de légèreté, dans le but avoué de faire pièce au discours étriqué des nouveaux prédicateurs et de nous habituer à moins de crispation lorsque nous abordons les thèmes religieux.
Grand bien nous fît, si l’on en juge par le succès remporté par nos trois chroniques des trois semaines précédentes et qui nous ont valu beaucoup d’encouragements.
Un grand merci à tous.
Pour clôturer cette série, nous avons décidé de voir un peu plus clair dans les interprétations de certains hadiths relatifs au bâillement et à l’éternuement par exemple, en gardant toutefois un œil sur l’avis scientifique. Nous avons eu le nez creux car nous sommes restés bouche bée devant certaines inepties.
Qu’on en juge :
Dans le hadith n°6226 rapporté par al-Bukhârî, on lit : « Certes Allâh aime l’éternuement et blâme le bâillement ».
Sans être irrévérencieux à l’égard d’un des plus grands spécialistes des hadiths et à moins qu’il ne s’agisse d’un hadith qodsi indiscutable, comment peut-on savoir ce que Dieu aime ou n’aime pas dans une source autre que le Coran ?
Autrement dit, a-t-on le droit de se satisfaire de ce genre d’affirmation péremptoire quand on se prévaut comme nous de l’esprit critique ? Certes non et raison suffisante pour en savoir plus.
A propos du bâillement, que la faculté et le dictionnaire définissent comme « un signe de fatigue ou d’ennui qui peut aussi être déclenché par l’anxiété ou le manque de sommeil et qui intervient aussi quand on a trop mangé », les exégètes de l’islam s’appuyant, sur quelques hadiths nous proposent une explication plutôt inattendue.
Ils considèrent que le bâillement intervient quand on a mangé à satiété et quand on est exposé aux assauts de Satan qui cherche à s’introduire en nous par la bouche. Exit donc la fatigue, la faim, le manque de sommeil, l’ennui etc…
Tel est le contenu de l’énoncé du hadith n°6226 : « Quant au bâillement, il est provoqué par Satan », appuyé par cet autre hadith rapporté par Ibn Sa’îd : « Si l’un d’entre vous bâille, à n’en pas douter Satan entre [dans sa bouche] ».
Décidément, ce Satan ne nous lâche pas d’une semelle et si en plus on doit s’arranger pour bâiller en gardant la bouche fermée, il est clair que même en mettant la main (droite) devant, c’est encore lui qui emportera le morceau puisqu’on ne peut bâiller sans ouvrir grand la bouche et qu’il peut s’introduire par le moindre interstice, dixit les imams.
A propos d’éternuements
Si l’on se réfère à La Faculté et au dictionnaire, « L’éternuement est un mécanisme de défense permettant de nettoyer le nez de ses impuretés en les expulsant et en évitant ainsi qu’elles passent dans les poumons. Ce sont des neurones sensitifs, excités par les impuretés, qui déclenchent le réflexe d’éternuement ».
Or les transmetteurs de hadith ne semblent pas tout à fait du même avis puisqu’un hadith affirme que : « l’éternuement résulte de la digestion et procure plus d’énergie ».
Faudrait se mettre d’accord !
Quant à la sternutation (série d’éternuements à répétition ), le traitement que lui réserve Cheikh Al-Albani dans le hadith n°684 est assez singulier : «Quand l’un d’entre vous éternue, que ceux qui l’entourent invoquent Allâh pour lui, et s’il éternue plus de trois fois c’est qu’il est enrhumé, et dans ce cas l’invocation n’est plus nécessaire».
En langage publicitaire cela donnerait « un atchoum, ça va. Trois atchoums, débrouille-toi ».
Plus sérieusement, on pourrait comprendre que notre compassion et nos invocations ne vont pas à ceux qui sont enrhumés, ce qui est impensable bien évidemment.
Voilà donc un petit aperçu de l’environnement religieux que nous proposent les islamistes ; une espèce de catalogue de faits et gestes courants dont le moins qu’on puisse penser est qu’ils ne nous proposent aucun contenu spirituel ou philosophique qui pourrait renforcer la foi du croyant. Bien au contraire, tout est apparence, interdiction et automatisme.
C’est l’angoisse et le stress garantis pour le fidèle dans son cheminement vers la rencontre de Dieu au lieu du recueillement et de la sérénité qui s’imposent dans une mosquée.
Il doit veiller à rentrer du pied droit dans la mosquée, à aligner ses doigts de pieds au cordeau avec ceux des autres prieurs, à ne pas laisser d’espaces libres par lesquels Satan ( encore lui ) pourrait s’introduire, à porter sa main ( droite ) devant sa bouche grande ouverte dirigée vers le ciel et en silence s’il bâille, à ne pas éternuer plus d’une fois, à ne pas lever les yeux vers le ciel, à ne pas les fermer non plus, à attendre que son voisin ait fini de prier avant de passer devant lui pour quitter la mosquée…du pied gauche.
Et Dieu dans tout ça, nous dirons-nous ?
Saad Khiari
Cinéaste-auteur