Le président américain Donald Trump lors d'un meeting le 20 mai 2019 à Montoursville, en Pennsylvanie © GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives Drew Angerer
En pénalisant durement le géant chinois des télécoms Huawei, le président américain Donald Trump a tiré une nouvelle salve contre Pékin, les Etats-Unis voyant dans la confrontation directe la meilleure approche pour freiner la montée en puissance de la Chine.
L’administration Trump a engagé une vaste campagne contre Huawei, dont l’intensité est montée d’un cran la semaine dernière lorsque M. Trump a interdit aux réseaux de télécommunications américains de se fournir en équipements auprès de sociétés étrangères jugées à risque, une mesure ciblant clairement Huawei.
Lundi, Washington a cependant accordé un délai de 90 jours au groupe chinois et à ses partenaires américains pour s’adapter.
Washington estime que Huawei, qui est un acteur incontournable des télécoms dans le monde en développement, pose des risques de sécurité nationale et de violation de la vie privée de ses utilisateurs en raison de ses liens étroits avec le gouvernement chinois, des accusations que le groupe rejette.
Mais les inquiétudes des Etats-Unis vont bien au-delà de Huawei, et la Chine est devenue l’un des rares motifs d’unité d’une classe politique américaine ultra-divisée et d’exaspération dans le monde américain des affaires.
L’offensive contre Huawei intervient au moment où les négociations commerciales entre les deux pays piétinent, alors que M. Trump vient de faire passer de 10% à 25% les droits de douane punitifs imposés sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises.
Washington accuse la Chine de pratiques déloyales, comme le vol de la propriété intellectuelle et le piratage informatique, et lui reproche de surendetter les pays en développement avec son projet des « Nouvelles routes de la soie ».
Les Etats-Unis s’inquiètent aussi de la montée en puissance militaire de la Chine, notamment en mer de Chine méridionale et à l’égard de Taïwan. L’administration a aussi dénoncé les détentions de masse de musulmans ouïghours dans l’ouest de la Chine.
Pour Jonathan Hillman, du Centre pour les études internationales et stratégiques, la classe politique américaine a renoncé à l’espoir de voir la prospérité économique faire de la Chine un partenaire plus maniable.
« Pour faire simple, la Chine ne devient pas davantage comme nous », explique-t-il. « Ils ont profité de ce qui leur était favorable dans la mondialisation, mais l’Etat a gardé le contrôle. Et je pense que tout cela nous dirige vers une plus grande concurrence » avec la Chine.
– « Menace à long terme » –
La diplomatie américaine réfléchit à une politique détaillée sur les relations avec la Chine, selon Kiron Skinner, la directrice du service de planification politique au département d’Etat.
La Russie de Vladimir Poutine inquiète aussi Washington, mais elle est vue comme une « survivante », a expliqué Mme Skinner. « Mais la Chine, nous la voyons davantage comme une menace à long terme », a-t-elle ajouté lors d’un récent forum.
Même si le chef de la diplomatie Mike Pompeo a assuré que les Etats-Unis ne se considéraient pas comme en « Guerre froide » avec la Chine, Mme Skinner a explicitement comparé la Chine à l’Union soviétique.
L’URSS avait des armes nucléaires et une armée solide, mais son économie était « arriérée », a-t-elle expliqué. « En Chine, on a un concurrent économique et un concurrent idéologique, qui cherche à avoir une influence mondiale, une chose à laquelle nous ne nous attendions pas il y a quelques dizaines d’années à peine ».
– Relations commerciales désagrégées –
Pour Jake Stokes, qui fut le conseiller pour l’Asie de l’ex vice-président Joe Biden, l’administration Trump a tendance à voir dans les relations avec la Chine un jeu où le gagnant rafle tout, alors que l’administration Obama cherchait des domaines de coopération positive avec Pékin.
« Cela dit, je pense qu’il y a un consensus (…) selon lequel un rééquilibrage est justifié, et que c’est juste une conséquence naturelle d’un équilibre des pouvoirs modifié par la montée en puissance de la Chine », indique M. Stokes, aujourd’hui expert au centre de réflexion Institute of Peace.
Les relations commerciales avec la Chine, longtemps basées sur l’offre de main-d’oeuvre chinoise à bas prix, « se désagrègent », indique-t-il. « Une part importante et croissante de la Chine est un pays développé et elle agit comme un pays développé », ajoute M. Stokes.
LNT avec Afp