
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban à Budapest le 24 novembre 2016 © AFP/Archives FERENC ISZA
La Hongrie de Viktor Orban durcit le ton contre les organisations non-gouvernementales soutenues par George Soros: enhardi par l’arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, le gouvernement veut faire le ménage parmi les défenseurs des droits « sous influence de l’étranger ».
« Un nouveau palier dans le dénigrement des ONG a été franchi », s’inquiète auprès de l’AFP Marta Pardavi, qui copréside la branche hongroise du Comité d’Helsinki, l’une des organisations de défense des droits de l’homme les plus actives du pays.
En cause: les propos détonants d’un des dirigeants du parti conservateur Fidesz, la formation du Premier ministre Orban, selon lequel un certain nombre d’ONG doivent « être nettoyées » du pays.
Au premier rang des cibles ainsi désignées la semaine dernière par Szilard Nemet figurent « les pseudo ONG de l’empire Soros », ces organisations de la société civile financées par le milliardaire américain George Soros, l’une des bêtes noires de Viktor Orban dont les études à Oxford ont pourtant été financées par le magnat d’origine hongroise lorsqu’il était un espoir de la dissidence libérale.
Mais le numéro deux du Fidesz a également cité d’autres ONG en vue: Transparency International, l’Union hongroise pour les libertés civiles (TASZ) et le Comité Helsinki, autant de « groupes non élus » qui veulent « influencer les politiques nationales », a déploré M. Nemeth.
Au pouvoir depuis 2010, Viktor Orban a fait l’objet de nombreux rapports critiques sur les atteintes portées par son gouvernement à l’action des groupes issus de la société civile.
L’un des derniers en date, publié en novembre par la Fédération internationale des droits de l’homme, souligne la complexité croissante des procédures d’enregistrement administratif des ONG et la difficulté d’accéder aux fonds publics.
– Une loi sur la « transparence » des ONG –
L’accusation « d’ingérence dans la politique hongroise » n’est pas nouvelle non plus, comme l’avait illustré en 2014 le bras de fer entre Oslo et les autorités hongroises qui avaient enquêté sur plusieurs organisations des droits soutenues par la Norvège.
Tant l’Union européenne (UE) que l’administration Obama aux Etats-Unis avaient à l’époque haussé le ton contre un recul de l’Etat de droit.
Mais l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine, dont s’est ouvertement félicité Viktor Orban, « ouvre une nouvelle ère », assure à l’AFP le porte-parole du gouvernement hongrois Zoltan Kovacs.
« Avec la nouvelle administration américaine, les pseudo-activités du secteur civil ne seront plus le moteur de la politique internationale », ajoute-t-il.
Une loi sur la « transparence » du financement des ONG doit être discutée au Parlement en avril.
Le nouveau texte sera « conforme au cadre de l’UE et au droit international », a voulu rassurer M. Kovacs, affirmant encore à l’AFP que « l’Etat de droit sera respecté ».
Mais, ajoute-t-il, « nous avons besoin de changements car nous ignorons actuellement le niveau d’argent étranger et d’influence étrangère derrière les ONG ».
La Russie, pour laquelle M. Orban ne cache pas son admiration, a voté en 2012 une loi obligeant les ONG qui reçoivent un financement étranger et ont une « activité politique » à s’enregistrer en tant qu' »agent de l’étranger ».
La soixantaine d’ONG soutenues en Hongrie par la fondation Open society (OSF) de Georges Soros, 86 ans, sont engagées dans la lutte contre la corruption et les discriminations ainsi que pour l’investigation journalistique ou le soutien aux réfugiés, dans un pays dont le gouvernement affiche ouvertement son hostilité aux migrants.
« Soros a décidé qu’il était l’adversaire de Viktor Orban et appartenait à l’opposition politique hongroise, (…) les gens ont le droit de savoir à travers quelles organisations il agit », a estimé la semaine dernière Janos Lazar, le chef de cabinet d’Orban.
En décembre, Viktor Orban avait souhaité sur un site internet hongrois que l’année 2017 soit celle de l' »expulsion » hors des pays de l’UE des organisations soutenues par George Soros, par ailleurs important contributeur du camp démocrate aux Etats-Unis.
« Nous ne sommes pas l’opposition, ni en Hongrie, ni ailleurs. Nous sommes des promoteurs d’un débat ouvert », a réagi le président de l’OSF Christopher Stone, qui assure n’avoir aucune intention de quitter la Hongrie.
Mais toutes ses critiques pourraient faire peur aux petits donateurs, s’inquiète Marta Padavi du Comité d’Helsinki, dont la douzaine d’avocats oeuvrent quotidiennement pour le droit des migrants.
LNT avec Afp