La police anti-émeutes arrête une femme (C) durant une manifestation à Hong Kong pour protester contre un projet de loi criminalisant tout outrage à l'hymne national chinois, le 27 mai 2020 © AFP ISAAC LAWRENCE
Un important dispositif policier a été déployé mercredi à Hong Kong autour du Parlement local pour dissuader les militants pro-démocratie de manifester contre l’examen d’un projet de loi criminalisant tout outrage à l’hymne national chinois.
Des militants qui scandaient des slogans dans un quartier commercial ont été dispersés par des tirs de gaz poivré.
Le débat devant le Conseil législatif (LegCo) de ce texte, accusé par le mouvement pro-démocratie de porter atteinte à la liberté d’expression, intervient après la décision de la Chine d’imposer à Hong Kong une loi sur la sécurité nationale.
Cette annonce a été faite vendredi par Pékin après des mois de manifestations monstres et parfois violentes dans le territoire semi-autonome.
Le mouvement pro-démocratie avait appelé à une vaste mobilisation mercredi, à l’occasion du débat au Parlement de ce projet de loi qui vise à punir le non respect de l’hymne national chinois. Ce délit serait passible de trois ans d’emprisonnement.
Des barrières ont été disposées autour du bâtiment et, pour décourager toute action de grande ampleur, la police a procédé à de nombreux contrôles et fouilles.
Quelques rassemblements spontanés ont eu lieu dans les quartiers de Causeway Bay, Central et Mogkok, avant d’être dispersés par des tirs de billes de gaz poivré irritant.
La police a annoncé avoir arrêté 240 personnes pour avoir pris part à un rassemblement illégal. Des images diffusées en direct ont montré que nombre des personnes arrêtées étaient des adolescents.
« C’est comme (…) un couvre-feu », a déclaré à l’AFP Nathan Law, une figure du mouvement pour la démocratie.
– « Loi martiale » –
« Il y a des policiers à chaque coin de rue, c’est comme si la loi martiale était en vigueur », a ajouté une femme, Bean, après avoir été fouillée.
Dans un communiqué, la police a affirmé « respecter le droit de la population d’exprimer pacifiquement ses opinions mais (…) dans un cadre légal ».
Les rassemblements de plus de huit personnes dans l’espace public sont interdits dans le cadre des mesures contre le coronavirus même si l’épidémie semble maîtrisée.
En vertu du principe « un pays, deux systèmes », Hong Kong jouit depuis sa rétrocession à la Chine en 1997 et jusqu’à 2047 de certains droits inconnus ailleurs en Chine, notamment la liberté d’expression et un système judiciaire indépendant.
Cette disposition a contribué à faire de Hong Kong une place financière internationale majeure qui offre à la Chine une porte d’entrée économique sur le monde.
Le président américain Donald Trump a mis en garde Pékin, menaçant de faire perdre à Hong Kong son statut économique spécial.
Mais Pékin semble plus que jamais déterminé à mettre fin à l’agitation politique qui secoue la ville depuis des années.
L’an dernier, au début du mouvement de contestation contre un projet de loi sur les extraditions vers la Chine, depuis abandonné, des manifestants avaient pénétré dans le LegCo et saccagé ses locaux.
L’exécutif local, aligné sur Pékin, s’est engagé à adopter la loi sur l’hymne national dès que possible.
« En tant que Hongkongais, nous avons la responsabilité morale de respecter l’hymne national », a expliqué à la presse avant le débat Matthew Cheung, adjoint de la cheffe de l’exécutif local Carrie Lam.
Les fans de football hongkongais en particulier huent l’hymne national pour exprimer leur colère à l’égard de Pékin.
– Criminaliser toute dissidence –
Pour l’opposition pro-démocratie, ce texte est une nouvelle tentative de criminaliser toute dissidence.
Mi-mai, des heurts avaient éclaté dans l’hémicycle au sujet de ce texte, auquel ont fait obstruction des mois durant les députés pro-démocratie qui ne sont pas majoritaires au Parlement partiellement élu au suffrage universel.
Les élus pro-Pékin ont pris début mai le contrôle de la commission qui passe en revue les projets de loi avant leur examen.
Une deuxième lecture du texte était au menu de la session mercredi, une troisième doit se tenir la semaine prochaine à l’issue de laquelle ce projet devrait devenir une loi s’il est approuvé.
La Chine n’a cessé de décrire la contestation hongkongaise comme un complot subversif orchestré depuis l’étranger pour déstabiliser le régime.
Pour les militants pro-démocratie, manifester est l’unique moyen de faire entendre leur voix dans une ville sans véritable suffrage universel.
La semaine dernière, Pékin a pris la décision d’imposer une loi sur la sécurité qui vise à interdire le terrorisme, la sécession, la subversion et l’ingérence étrangère.
Ce texte, un moyen pour Pékin de contourner le Parlement hongkongais, comprend une mesure permettant pour la première fois à la Chine d’autoriser les services de sécurité et la police secrète à s’implanter ouvertement à Hong Kong.
Le projet, qui sera examiné jeudi à Pékin, suscite l’inquiétude des investisseurs étrangers et des gouvernements occidentaux, comme l’a illustré vendredi le plus fort décrochage de la Bourse de Hong Kong en cinq ans.
LNT avec Afp