Le HCP a organisé, mardi 10 juillet un point de presse pour mettre en lumière la situation économique nationale en 2018 et ses perspectives en 2019. Grosso modo, l’organisme a remarqué un léger ralentissement de la croissance économique à 2,9% en 2019 au lieude 3,1% en 2018 et 4,1% en 2017.
Les prévisions de la croissance économique pour l’année 2018, établies initialement dans le budget économique prévisionnel publié au mois de Janvier de l’année en cours, sont révisées à la hausse sous l’effet conjugué des bons résultats de la campagne agricole 2017-2018 et de la reprise des activités secondaires et tertiaires. Toutefois, l’année 2018 connaitrait une légère accentuation des déficits interne et externe.
Le secteur agricole se porte bien
Le secteur agricole devrait évoluer sous de bonnes perspectives en 2018, malgré le retard des précipitations qui a caractérisé le début de la campagne 2017/2018. Les conditions climatiques favorables, avec un cumul pluviométrique de 370 mm vers la fin du mois d’avril, permettrait une augmentation de la production agricole et l’amélioration du niveau des barrages.
La récolte des 4,5 millions d’hectares emblavés en céréales principales est estimée ainsi à 98,2MQx, en augmentation de 23% par rapport à la campagne précédente selon le ministère de l’agriculture. Le secteur agricole serait marqué également par une bonne production des autres cultures, notamment les cultures maraichères et l’arboriculture fruitière ainsi que par une progression des activités de l’élevage.
Compte tenu de l’amélioration de 5,1% des activités de la pêche maritime, après une baisse de 8,3% enregistrée en 2017, la valeur ajoutée du secteur primaire devrait afficher une hausse de 3,1% en 2018 après une forte croissance de 13,2% en 2017, contribuant ainsi pour 0,4 point à la croissance du Produit Intérieur Brut après 1,6 point une année auparavant.
De leur côté, les activités non agricoles poursuivraient leur tendance haussière, passant de 2,8% en 2017 à 3,1% en 2018, sous l’effet conjoint de la reprise des activités secondaires et tertiaires.
Le BTP en légère amélioration
Le secteur du bâtiment et travaux publics serait marqué par une légère amélioration de sa valeur ajoutée, avec 1,5% en 2018 après 0,7% en 2017. Ceci s’explique notamment par l’amélioration prévisible du secteur des travaux publics qui devrait bénéficier de la poursuite de plusieurs programmes et projets d’infrastructures. Toutefois, le secteur du bâtiment demeure caractérisé par un stock de produits toujours difficile à écouler, en plus de la persistance de plusieurs contraintes relatives essentiellement à l’accès au financement, au foncier et à la fiscalité.
Dans ces conditions, et compte tenu d’une évolution notable de 3,1% des impôts et taxes sur produits nets de subventions, le PIB devrait enregistrer une croissance en volume de 3,1% en 2018 au lieu de 4,1% réalisée en 2017. Cette croissance devrait évoluer dans un contexte économique caractérisé par une reprise de l’inflation intérieure. Ainsi, le niveau général des prix, appréhendé par l’indice du prix implicite du PIB augmenterait d’environ 1,7% au lieu de 0,8% enregistré en 2017.
Moins d’emploi, plus de chômage
Le ralentissement de la croissance économique se traduirait par de faibles créations nettes d’emploi en 2018. Avec l’hypothèse d’une légère baisse du taux d’activité, le taux de chômage se situerait, ainsi, à 10,4% au lieu de 10,2% enregistré en 2017.
Les finances publiques devraient clôturer l’année 2018 sur un déficit budgétaire en légère accentuation, après une période de rééquilibrage qui a permis d’alléger ce déficit de 5,1% du PIB en 2013 à 3,4% en 2017. Cette situation serait due d’une part au recul du rythme d’accroissement des recettes ordinaires, et d’autre part à la rigidité à la baisse des charges budgétaires notamment celles de la masse salariale.
Ainsi, les recettes ordinaires devraient être limitées à 21% du PIB en 2018, au lieu d’une moyenne de 22,1% entre 2013 et 2017. Ceci est le résultat essentiellement du repli des recettes fiscales qui atteindraient 18,7% du PIB et des recettes non fiscales, qui continueraient d’évoluer sur une tendance baissière pour atteindre 1,9% du PIB en 2018 au lieu d’une moyenne de 2,9% du PIB durant la période 2013-2017. La baisse des recettes non fiscales serait attribuable, notamment, au recul des recettes de monopoles et des dons reçus des pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG).
Le secteur touristique continuerait d’afficher une bonne performance avec une croissance de 6,8%, bénéficiant d’une conjoncture mondiale favorable et plus particulièrement de la reprise économique prévue dans les principaux pays émetteurs. Le secteur devrait aussi tirer profit des efforts consentis en matière de promotion de la destination marocaine auprès des opérateurs asiatiques émergents (Chine, Inde) et celle des marchés traditionnels, ainsi que de la mise en place de nouvelles liaisons aériennes.
Au plan des dépenses publiques, les actions de rationalisation devraient maintenir les dépenses ordinaires en biens et services à 15,4% du PIB en 2018 au lieu de 16,2% durant la période 2013-2016. Les charges courantes de la dette publique seraient limitées par rapport au PIB à 2,5% au lieu de 2,6% entre 2013-2017. De même, les dépenses budgétaires de la compensation devraient se contenir aux environs de 15 milliards de dirhams en 2018, pour représenter 1,3% du PIB.
Dans ces conditions et compte tenu de la hausse des dépenses d’investissements des administrations publiques, représentant 6,1% du PIB en 2018, le déficit budgétaire devrait se situer à 3,9% du PIB en 2018, en accentuation par rapport à 3,4% enregistré en 2017.
Pour couvrir ce déficit, l’Etat fait recours aux emprunts extérieurs et intérieurs. Ainsi, le taux d’endettement global du trésor passerait de 65,1% du PIB en 2017 à 65,7% en 2018, dépassant largement le seuil de 58,1% du PIB enregistré durant la période 2010-2015. De ce fait, et en tenant compte de la dette extérieure garantie, le taux de la dette publique globale devrait s’accentuer davantage pour atteindre 82,6% du PIB en 2018 au lieu de 82% en 2017 et 81,6% en 2016 et 70,6% en moyenne durant la période 2010-2015.
Dans l’ensemble, l’économie nationale connaitrait en 2018 une accentuation des besoins en financement. En effet, l’accroissement du PIB à prix courant de 4,8%, face à un accroissement de la consommation finale nationale de 5,3%, dégagerait une épargne intérieure de l’ordre de 22,8% du PIB en 2018.
Le marché monétaire, de son côté, devrait afficher une situation de liquidité bancaire peu favorable, marquée par la poursuite de la baisse du niveau de disponibilité en réserves internationales entamée en 2017. Ces dernières s’établiraient à près de 232,5 MMDH en 2018, ce qui assurerait la couverture de plus de 4,8 mois d’importations de biens et services au lieu de 5,4 mois en 2017.
Par ailleurs, les crédits bancaires, après l’évolution positive à deux chiffres enregistrée durant la période 2008-2012, ont entamé une série de décélérations. Leur rythme d’accroissement qui est passé à 3,6% entre 2013-2017 ne dépasserait pas 3% en 2018. Les réductions successives du taux directeur par la Banque Centrale ne sembleraient pas devoir améliorer cette tendance.
Dans ce contexte, et en prenant en compte les perspectives de croissance économique en 2018, la masse monétaire connaitrait une hausse de près de 5,1% en recul par rapport à 5,5% enregistrée en 2017.
Sur la base de ces hypothèses, le PIB devrait enregistrer, une hausse de 2,9% en volume en 2019 au lieu de 3,1% estimée pour 2018. Ce ralentissement de la croissance économique serait attribuable au léger recul de la valeur ajoutée du secteur primaire, malgré la consolidation des activités non agricoles.
Les activités non agricoles devraient poursuivre leur tendance haussière entamée depuis 2016 pour enregistrer un rythme de 3,2%, attribuable notamment à l’amélioration conjointe des activités secondaires et tertiaires respectivement de 3,3% et 3,1% en 2019.
Le secteur primaire, en dépit du recul prévisible de la production des cultures céréalières, continuerait de bénéficier de la consolidation des autres cultures agricoles et de l’élevage. Il dégagerait, ainsi, une valeur ajoutée en légère baisse de près de 0,3% après les bons résultats réalisés durant les deux dernières années, ce qui témoigne d’une tendance à une relative résilience des activités agricoles par rapport aux conditions pluviométriques.
Les perspectives de l’économie nationale en 2018 et 2019 s’inscrivent dans la tendance des dernières années concernant la situation macroéconomique et qui est caractérisée par une maitrise des équilibres financiers, interne et externe, et une évolution modérée de l’inflation, mais marquée par un ralentissement de la croissance économique autour de 3% en moyenne. Cette situation est encore fragilisée par le contenu de la croissance en emploi qui n’a cessé de régresser, conduisant à une tendance à la hausse du taux de chômage qui serait à 10,4% en 2018. Ce dernier aurait pu être plus accentué si ce n’était la baisse continue du taux d’activité qui a baissé de 50% en 2009 à 46,7% en 2017. A titre illustratif, le taux de chômage aurait pu se situer en 2018 à 16% si le taux d’activité était maintenu à son niveau de 2009.
Certes, l’effort de rationalisation a permis de contenir le besoin de financement du Trésor, mais il est à craindre, qu’avec le rétrécissement des marges de manœuvres dans ce compartiment, que le déficit budgétaire ne reprenne une tendance à l’accentuation en présence de dépenses d’investissement en augmentation et de recettes courantes en perte de vitesse, sous l’effet du ralentissement de l’activité économique. Les recettes de l’impôt direct sur les sociétés et de l’impôt indirect, dont l’évolution est fortement liée à l’activité économique, ont perdu respectivement 0,7 et 1,1 point en pourcentage du PIB depuis 2012, date où ce ralentissement de la croissance économique nationale commençait à se manifester.
De même, la baisse du déficit externe a été réalisée grâce à une décélération des importations en relation avec le ralentissement qu’a connu la demande intérieure. Certes, avec des recettes d’exportations en amélioration et celles des transferts courant consolidant leur niveau par rapport au PIB, ce déficit a pu être contenu à des niveaux soutenables. Mais, « il est à souligner qu’avec une demande intérieure rigide à la baisse et potentiellement sujette à l’augmentation, particulièrement la consommation des ménages et de l’investissement productif, les importations sont susceptibles de reprendre leur tendance à la hausse en présence d’une structure économique nationale incapable de satisfaire les besoins de la demande domestique et par conséquent d’accentuer les besoins de financement de l’économie nationale », a conclu le HCP.
LNT