Depuis 2017 et encore en 2018, les investisseurs institutionnels initient des actions pour faire remonter les taux d’intérêts !
Ils se positionnent à des niveaux hauts, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de demande au niveau du marché obligataire, et exercent une certaine pression à la hausse sur le marché des adjudications.
Mais, à ce jour, on constate que les taux longs n’ont à peine pris que 0,30 point de base, mettant ainsi en échec les tentatives des investisseurs.
Certes, on a pu constater, début février, qu’une augmentation de 0,60 point des taux américains avait engendré un krach boursier à Wall Street, se propageant en Asie et en Europe, mais nous savons que chez nous les mêmes mécanismes ne produisent pas le même impact, et surtout pas avec la même spontanéité et rapidité.
La transmission de la politique monétaire ne se fait pas de la même façon sur nos marchés.
Les variations de taux qui impactent le marché obligataire ne se répercutent sur l’économie qu’après six mois !
Et les banques ne les traduisent pas sur les taux des crédits à l’investissement aussi rapidement.
Cette « petite » hausse des taux constatée depuis le début de cette année, indolore pour l’instant, nous interpelle sur la question de savoir si le Maroc s’achemine vers une augmentation des taux et si celle-ci serait logique et cohérente.
Il est évident qu’elle se justifierait tout d’abord par un retour d’inflation, lequel est attendu du fait de la flexibilité du régime de change qui, naturellement, va générer de l’inflation, sachant que le Maroc importe deux fois plus qu’il n’exporte.
Sauf que, par ailleurs, un retour à la surliquidité est tout aussi prévisible pour différentes raisons. La première relève du constat que les flux en devises s’améliorent. La seconde tient du programme de remboursement de la TVA annoncé par le gouvernement, lequel va aussi créer de la liquidité sur le marché par le biais du cash que les banques vont donner aux entreprises, ce qui alimentera en boucle le système bancaire. Il s’agit d’un crédit de TVA d’une trentaine de milliards qui reviendra au fur et à mesure dans le système bancaire.
Si les liquidités influencent le niveau des taux, rappelons que le déficit de liquidités qui se situait à -80 milliards de dirhams, est passé aujourd’hui à -40 milliards.
Il s’est résorbé de moitié en une année et les sources d’alimentation citées plus haut sont d’abord destinées à le rétablir avant toute surchauffe des taux.
L’autre question qui se pose, a trait à la hausse de la croissance économique, de 1% en 2016, à 4,7% en 2017, peut-être autant en 2018 avec les bonnes perspectives agricoles actuelles et son impact sur les liquidités.
Précisons cependant que la croissance n’est pas forcément créatrice de liquidités, car la consommation qui en découle se traduit chez nous par plus d’importations, lesquelles détruisent de la liquidité tout en créant éventuellement de l’inflation si les prix aux importations augmentent.
Toutefois, le recours au financement extérieur du Trésor, annoncé dans la Loi de Finances 2018, et le remboursement par les banques du crédit de TVA aux entreprises, peuvent créer une situation de surliquidité.
D’autant que des rumeurs persistantes annoncent pour 2018 des flux importants d’investissements étrangers, voire même de dons, générateurs d’accroissement des liquidités.
Donc, anticiper une hausse des taux aurait du sens en raison de la prévision d’un retour de l’inflation et compte tenu de l’impact de la croissance des liquidités.
Mais, Bank Al-Maghrib ne l’actera par une augmentation de son taux directeur que si la croissance se confirme, accompagnée d’une inflation.
De son côté, le Trésor, lui aussi, n’acte pas une hausse des taux qui finirait par avoir des effets sur le marché.
Il continue de résister à une tendance haussière en faisant appel à ses autres leviers pour éviter de constater une hausse des taux et continuer dans l’optimisation de la charge de sa dette.
D’où l’orientation de son financement à l’extérieur, où les taux sont encore bas et où il bénéficie d’un spread qui s’est amélioré.
Le seul risque qu’il prend est celui de change. La hausse des taux au Maroc n’est donc pas pour demain …
Afifa Dassouli