
A l’occasion de la journée nationale des personnes en situation du Handicap, le ministère de la Santé s’est empressé de nous rappeler le nombre de personnes handicapées au Maroc. En s’appuyant sur les chiffres de la 2ème Enquête Nationale sur le Handicap de 2014, la tutelle annonce que le taux national du handicap est de 6.8%, soit 2.264.672 personnes (6.7% chez les hommes et 6.8% chez les femmes). Ainsi, un ménage sur quatre compte au moins une personne en situation de handicap. Par la même occasion, le département de la Santé a annoncé qu’il a «élaboré à la lumière des orientations stratégiques de la politique publique intégrée pour la promotion des droits des personnes en situation du handicap et du Plan Mondial de l’OMS, le Plan d’Action National relatif à la Santé et le Handicap 2015-2021 (voir encadré) ». Selon le ministère, l’objectif de ce plan, qui comporte 20 mesures et 73 actions, est d’«assurer l’accès des personnes en situation de handicap à des services de santé promotionnels, préventifs, de prise en charge, de réadaptation, de proximité et de qualité, basés sur l’approche droit.»
En effet, selon les valeurs universelles, ainsi que les dispositions de la Constitution, les personnes en situation de handicap doivent disposer des mêmes droits et répondre des mêmes obligations que les autres. Mais, à ce jour, les Marocains qui sont dans cette situation ne jouissent pas des mêmes droits que leurs compatriotes. Premier frein à cette inclusion, le problème d’accessibilité. Nombreuses sont les personnes à besoins spécifiques, qui ne peuvent même pas accéder à certains espaces publics tels que l’école, l’administration, l’hôpital, les transports en commun… Le privé ne fait pas mieux. Rares sont les entreprises, les écoles, les logements, les restaurants… qui ont prévu cette possibilité.
Nonobstant le dispositif législatif, on continue de délivrer des permis d’habiter sans sourciller face au phénomène. Ne s’agit-il pas là d’une discrimination et une violation évidente des droits de ces personnes ? Une violation qui contraste avec les dispositions de la Constitution, du principe de l’égalité des chances, ainsi que la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIRDPH) ratifiée par le Maroc en 2008.
Le Maroc dispose depuis 2003 d’une loi qui exige de faciliter l’accessibilité aux personnes handicapées, mais il a fallu attendre 2011 avant de voir le décret d’application adopté. Cinq ans après, ce dispositif demeure un texte qui n’est pas appliqué. «Malgré la promulgation de ces textes législatifs et réglementaires, le Maroc n’a pas réalisé d’avancées importantes dans ce domaine, ces lois étant peu effectives», avait constaté le CESE.
Cela se traduit par l’exclusion d’un bon nombre de ces personnes handicapées. Le ministère rappelle que 34,1% des personnes en situation de handicap bénéficient d’un régime d’assurance maladie, dont 60,8% possèdent la carte RAMED, 15,4% sont adhérents à la CNSS, et 12,7% sont adhérents à la CNOPS. Mais d’autres chiffres révèlent que 72% des personnes en situation de handicap sont sans instruction, 88% sont sans emploi, et sans couverture sociale, avec un taux de pauvreté plusieurs fois supérieur à celui du reste de la population.
Certes, le Maroc a accompli quelques progrès en termes de sécurité sociale pour les personnes handicapées. Le Fonds d’appui à la cohésion sociale permet aux personnes à besoins spécifiques de bénéficier d’un soutien résidentiel, éducatif ou médico-social. L’extension progressive du Régime d’Assistance Médicale (RAMED) est aussi une avancée majeure pour ces personnes. Cependant, les besoins sont si importants et les attentes si grandes que les personnes en situation de handicap évoquent toujours ce ressenti d’exclusion, de discrimination. Un ressenti qui se justifie tant les attentes sont légitimes, au moment où l’on parle d’égalité des chances, du patrimoine immatériel. Le modèle inclusif de « valorisation du capital humain et de l’égalité des chances», évoqué par les institutionnels, n’est pas du tout palpable sur le terrain. Un énorme effort doit être fourni, à tous les niveaux, pour renforcer les capacités des personnes en situations d’handicap. Si l’on veut lever les obstacles à leur intégration professionnelle, cela doit commencer dès le bas âge (prise en charge médicale, scolarisation, activités sportives…). Le quota de 7% ne concerne que la fonction publique. Une aberration de plus dans un arsenal juridique où de nombreuses dispositions se limitent à de la littérature.
Plan d’Action National relatif à la Santé et le Handicap 2015-2021
- La construction et/ou équipement de cinq centres de rééducation et d’appareillage orthopédique à Rabat, Nador, Guelmim, Casablanca et Tetouan, faisant ainsi augmenter le nombre total des centres régionaux de l’appaeillage orthopédique et de rééducation à 15 au niveau national,
- La construction et équipement du centre provincial de rééducation à Errachidia ;
- Le renforcement des ressources humaines spécialisées dans le domaine de la réhabilitation: médecins physique et de réadaptation, infirmiers spécialisés en kinésithérapie, psychomotricité, orthophonie et orthoptie, avec un effectif total dépasse actuellement 925 professionnels de santé spécialisés en rééducation ;
- L’organisation de campagnes nationales de dépistage et prise en charge précoce des déficiences auditives et visuelles à l’origine du handicap, au profit des personnes RAMEDistes démunies, tous âges compris;
- L’élaboration de standards et référentiels relatifs aux établissements de prise en charge médicosociales des personnes en situation de handicap, et à la mise en place d’une filière de soins de réadaptation;
- La conception de guides de bonnes pratiques relatifs aux conseils et soins à domicile des personnes en situation du Handicap, mental neurosensoriel et moteur, concernant certains types de pathologies lourdes à l’origine du handicap, destinés aux professionnels de santé et aux associations ;
- Le lancement du processus d’implantation de la formation de base en ergothérapie.