Benguérir, la capitale de R’hamna, est située dans une région connue pour l’aridité de ses sols. L’agriculture, ici, n’apporte pas grande chose. Se trouvant à quelques 70 km de Marrakech, cette ville fut jadis l’endroit préféré des fans de la ‘‘Chowaya’’. A vrai dire, la qualité de la viande de la région est bonne, voire irrésistible. Idem pour les tagines et autres plats à base de poulets ‘‘Beldi’’ aux ingrédients et épices savoureux. Et avec les légumes et fruits saisonniers du terroir, particulièrement les pastèques, le melon et la fameuse figue de barbarie, le menu est bel et bien au complet. Un vrai délice aux prix des plus abordables.
A noter que les régions agricoles avoisinant Benguérir notamment, Gisser, Labrouj, Sidi Bouâtaman et Sr’aghna, sont connues pour l’élevage de moutons de race Essardi, l’une des meilleures.
Cet écosystème avait fait de Benguérir le carrefour idéal et la halte obligée pour les voyageurs, les automobilistes, les touristes et autres chauffeurs de camions et poids lourds, à la recherche d’une bonne restauration purement marocaine.
Malheureusement, cette dynamique n’est plus ce qu’elle était auparavant. Avec l’autoroute Casa-Marrakech, l’activité commerciale des cafés et autres lieux de restauration a beaucoup baissé impactant négativement l’écosystème socio-économique de toute la région de R’hamna. Le gain-pain devient ainsi plus difficile et compliqué pour la population de Benguérir. L’emploi se fait de plus en plus rare. Surtout pour la gent féminine.
Face à une situation pareille, un groupe de femmes Rahmaniates passe outre. Déterminées à surmonter les différents obstacles, elles ne veulent surtout pas céder à la déprime. Il faut vivre…quoi ! Mais dignement. Car, ici, on reconnait que le gain « halal », lequel est un parcours difficile nécessitant beaucoup de patience, de sacrifice et d’abnégation.
En 2009, l’association Al Bouchra spécialisée dans la pâtisserie et la boulangerie traditionnelles voit le jour. Des femmes de la région y adhérent dans le principal objectif de subvenir à leurs besoins. En 2012, et dans le cadre de l’INDH, ladite association devient la Coopérative Al Bouchra pour le Développement.
Situé dans le quartier Arrahma 1, un espace périphérique de la ville de Benguérir, le projet de boulangerie de la Coopérative emploie environ 14 femmes dont certaines sont dans une situation de divorce. Les autres sont célibataires, orphelines et sans emploi. Agées entre 20 et 50 ans, elles sont toutes de Benguérir.
Nous sommes partis à leur rencontre dans leur petit local d’environ 70 m2. Et autour d’un plateau de gâteaux, Ghizlane Khastaf, co-présidente de la Coopérative, a préféré commencer par nous rassurer sur l’évolution de leur projet : ‘‘ Ça va Al HamdoLillah…Et comme dans partout, il y a des hauts et des bas ’’. Et de revenir sur les obstacles que la Coopérative rencontre au quotidien, notamment le financement, le transport, le local et les coûts élevés des charges et la commercialisation des produits.
Comme pour Ghizlane, ses collègues Leila, Sabah, Khadija, Fatiha, Hind ou encore Meryem invitent les responsables à davantage de soutien financier, de formation et d’accompagnement : ‘‘ En plus des 14 femmes engagées, nous avons aussi deux collaborateurs, Ahmed et Zakaria, qui assurent la livraison de nos marchandises, sachant que nous avons un point de vente à Sissan au loyer mensuel de 1800 Dhs’’.
Aussi pour ces femmes, il est aujourd’hui important de se doter d’un local plus spacieux avec des équipements modernes. Idem pour la problématique du transport aussi bien du personnel de la Coopérative que des marchandises: ‘‘ L’emplacement de notre local nous pose un vrai problème car le transport ici est quasiment inexistant sachant que nous sommes toutes des femmes obligées souvent de rester à une heure tardive le soir ’’.
Malgré toutes ces problématiques évoquées par ces femmes de la Coopérative Al Bouchra, l’ambition d’aller de l’avant reste de mise : ‘‘ On veut développer notre activité, s’équiper d’ordinateurs pour mettre en valeur nos produits, mais on a besoin de formation et d’accompagnement dans leur commercialisation’’. Et pour l’avenir, ces femmes rêvent de devenir ‘‘Traiteur’’.
Par ailleurs, on reconnaît que grâce à ce projet, il a été possible de réaliser une autonomie financière et acquérir un savoir-faire dans le métier de boulangerie et pâtisserie. A reconnaître également que ces femmes qui ne possédaient pas un diplôme, ni un revenu permettant de subvenir à leurs besoins, touchent actuellement un revenu mensuel… minime soit-il ! Est-ce à dire que l’entreprenariat social escompté par la philosophie de l’INDH est en bonne marche dans le cas échéant ? A en croire, de visu, les conditions dans lesquelles opèrent ces Rahmaniates, l’on peut en déduire qu’il y a tout à la fois des belles avancées et un succès probant mais aussi encore bien du chemin à parcourir…