Photo d'archives du 10 juillet 2023 de l'ancien président gabonais Ali Bongo et de sa femme Sylvia Bongo
Trois semaines après le coup d’Etat qui a renversé le président gabonais Ali Bongo Ondimba, un de ses fils, et des proches du cabinet du chef de l’Etat déchu ont été mis en examen et incarcérés notamment pour « corruption ».
En tout, dix personnes ont été inculpées mardi « selon les cas » de « troubles des opérations d’un collège électoral », « contrefaçon et usage des sceaux de la république », « falsification et usage d’imprimés officiels d’une institution », « remise et obtention de sommes indues », « corruption », « détournement de deniers publics », « blanchiment de capitaux », « usurpation de titres et de fonctions », a déclaré lors d’une conférence de presse le procureur de Libreville André-Patrick Roponat, précisant que sept ont été placées sous mandat de dépôt.
Interrogé par l’AFP, le procureur a notamment confirmé que Noureddin Bongo Valentin, le fils aîné d’Ali Bongo, et Jessye Ella Ekogha, l’ancien porte-parole de la présidence, « ont été mis en examen mardi et placés en détention provisoire » notamment pour « corruption ».
Ils avaient été arrêtés le jour du coup d’état avec quatre autres jeunes hauts responsables du cabinet de l’ex-président Ali Bongo et de son épouse Sylvia Bongo Valentin, et soupçonnés notamment de « haute trahison ». Ce chef d’inculpation n’a toutefois pas été retenu, a déclaré à l’AFP une source proche du parquet.
« D’autres interpellations sont en cours », a ajouté M. Roponat lors de la conférence de presse.
Le 30 août, moins d’une heure après l’annonce en pleine nuit de la réélection d’Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009 et accusé de fraudes massives, les militaires, menés par le général Brice Oligui Nguema, l’ont renversé, accusant notamment son régime de « détournements massifs » de fonds publics.
Les perquisitions aux domiciles de certains de ces jeunes hauts responsables du cabinet de l’ex-président Mme Bongo Valentin, retransmises abondamment par la télévision d’Etat, les montraient aux pieds de malles, valises et sacs débordants de liasses de billets de banque.
L’ex-première dame du Gabon est en résidence surveillée à Libreville « pour sa protection » selon la présidence. « Nous n’avons aucune nouvelle de Mme. Valentin qui est maintenue au secret en dehors de tout cadre légal. Cette situation est injustifiable et incompatible avec un Etat de droit. Nous avons déposé plainte contre les responsables de ce qui apparait comme une prise d’otage », a déclaré mercredi à l’AFP l’un de ses avocats à Paris, Me François Zimeray.
Comme le faisait l’opposition depuis plusieurs années, les putschistes ont accusé Sylvia et son fils Noureddin d’avoir été les « véritables dirigeants du pays » et au coeur d’un gigantesque réseau de corruption, en manipulant notamment le chef de l’Etat victime d’un AVC en 2018 qui, lui, n’a pas le statut de détenu.
Ali Bongo, d’abord placé en résidence surveillée à Libreville, la capitale du Gabon, est « libre de ses mouvements » et peut « se rendre à l’étranger », avait annoncé le général Oligui le 6 septembre.
– « biens mal acquis » –
Le 13 septembre, le général Brice Oligui Nguema, désigné président de transition, a annoncé une commission d’enquête sur les marchés publics pour traquer les « fraudes ».
Après le putsch, l’ancien aide de camp d’Omar Bongo, qui avait dirigé le pays d’une main de fer pendant plus de 40 ans, avait immédiatement sommé les patrons pratiquant la « surfacturation » contre des rétrocommissions versées aux hauts responsables du pouvoir déchu de « stopper ces manœuvres » dans les passations de marchés publics, lors d’un discours menaçant devant 200 à 300 chefs d’entreprises gabonaises « convoqués » à la présidence.
Quelques jours plus tard, il tançait publiquement des centaines de hauts fonctionnaires et cadres du secteur public: « Venez de vous-même restituer les fonds détournés sous 48 heures sinon nous viendrons vous chercher et vous verrez la différence », avait-il déclaré.
A la suite d’une plainte d’ONG en 2007, des juges anticorruption parisiens se sont penchés sur des soupçons de détournements de fonds publics ayant permis notamment à la famille Bongo d’acquérir un patrimoine considérable en France.
Plusieurs membres de la famille Bongo, d’Omar le défunt père à Ali le fils, en passant par d’autres proches, notamment sa fille Pascaline, sont suspectés d’avoir bénéficié d’un important patrimoine immobilier « frauduleusement » acquis et évalué par la justice « à 85 millions d’euros ».
Neuf enfants d’Omar Bongo sont mis en examen en France, notamment pour recel de détournement de fonds publics dans le cadre de l’enquête sur les « biens mal acquis ».
Le Gabon, dirigé par la famille Bongo depuis 1967, où Ali Bongo avait succédé à son père Omar à sa mort en 2009, est souvent dénoncé pour l’ampleur de la corruption qui s’y pratique. Le pays est classé 136e sur 180 pour la perception de la corruption par Transparency International (2022).
LNT avec Afp