Le ministre français des Finances Bruno Le Maire (G) avec le Secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, au G20 qui a examiné les possibilités de taxer les activités numériques, le 8 juin à Fukuoka, au Japon © AFP TOSHIFUMI KITAMURA
Les principaux ministres des Finances des pays du G20, réunis ce week-end au Japon, ont convenu de l’urgence de réformer la taxation des géants du numérique (Gafa), comme Google et Facebook, tout en s’opposant sur la méthode.
« Nous devons nous dépêcher! », a lancé le ministre français Bruno Le Maire à l’occasion d’un symposium sur le sujet de la fiscalité internationale, avant le coup d’envoi officiel des sessions de travail entre grands argentiers à Fukuoka (sud-ouest).
« La réalité, c’est la digitalisation de l’économie et des grandes entreprises du numérique qui font des profits considérables grâce à la valorisation des données », tout en payant leurs impôts dans des pays aux taux plus favorables, a-t-il souligné plus tard auprès de l’AFP.
Cette volonté de bâtir ensemble « un système fiscal international qui soit plus efficace et plus juste », ses homologues l’ont aussi formulée.
Le système actuel est « perçu par les citoyens comme une grave injustice », a estimé le ministre britannique des Finances, Philip Hammond.
– « Impulsion » –
Taxer Facebook, Google et autres multinationales du numérique non plus en fonction de la présence physique, de là où se situent leurs bureaux, mais de là où elles enregistrent leurs revenus: voilà l’idée.
Le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, a salué « des progrès significatifs », avec l’adoption la semaine dernière par 129 pays d’une feuille de route ouvrant la voie à la conclusion d’un accord « d’ici à 2020 ».
Les divergences restent toutefois fortes sur les moyens d’application.
« Sur le fait de se dépêcher, je ne suis on ne peut plus d’accord », mais « ce sont des questions compliquées », a réagi le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, soucieux de ne pas « discriminer » le secteur technologique.
Il a ainsi manifesté son désaccord vis-à-vis de la décision de la France et de la Grande-Bretagne d’imposer unilatéralement les Gafa sur leur chiffre d’affaires.
« Les Etats-Unis ont de grandes inquiétudes » par rapport à ces initiatives, a affirmé le responsable américain. « Mais c’est tout à leur honneur d’avoir fait de telles propositions dans le sens que cela a créé un sentiment d’urgence » et « une impulsion » pour prendre le problème à bras le corps.
Parmi les trois pistes soumises à l’OCDE, celle de Washington se veut beaucoup plus large et ambitieuse et ne se limite pas à l’économie numérique. Elle s’étendrait à tous les groupes qui « ont de la distribution » dans des autres pays, comme les entreprises du luxe françaises aux Etats-Unis, ou les firmes américaines en Europe.
M. Le Maire s’est lui dit « ouvert » à l’idée américaine, répétant que la France retirerait ses propres mesures de taxation dès qu’une solution internationale serait trouvée.
Il a aussi insisté sur l’importance de mettre en place un taux de taxation minimum sur les multinationales, « pour éviter qu’elles puissent délocaliser leurs profits vers des paradis fiscaux ou des pays où l’imposition sur les sociétés est plus faible ».
Dans un communiqué publié en amont de la réunion, l’ONG de lutte contre la pauvreté et les inégalités Oxfam a évoqué une « chance unique de mettre un terme à l’évasion fiscale des multinationales et au nivellement par le bas de l’impôt sur les sociétés ».
« Les gouvernements ne doivent pas laisser passer cette opportunité quand on sait que les multinationales transfèrent dans les paradis fiscaux jusqu’à 40% de leurs bénéfices réalisés à l’étranger », a insisté Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France.
– « Très, très important » –
Autre sujet incontournable, les tensions commerciales entre les Etats-Unis et leurs partenaires ont connu un petit répit.
Washington et Mexico sont parvenus à un accord sur l’immigration, levant ainsi la menace de droits de douane sur les produits mexicains brandie par le président américain Donald Trump.
A Fukuoka, M. Mnuchin s’est aussitôt félicité de cet accord « très, très important ».
« L’incertitude demeure sur le front du commerce, mais c’est une très bonne nouvelle », a renchéri le gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), Haruhiko Kuroda.
Du côté de la Chine, les Etats-Unis, par la voix de M. Mnuchin, ont laissé la porte ouverte à la reprise des discussions.
« Nous étions en passe de conclure un accord historique. S’ils veulent revenir à la table et signer selon les termes que nous étions en train de négocier, ce serait très bien. Sinon, comme le président l’a dit, nous irons de l’avant avec les droits de douane », a averti M. Mnuchin.
Donald Trump décidera après le sommet du G20, prévu fin juin à Osaka où il doit rencontrer son homologue chinois Xi Jinping, s’il met à exécution sa menace de surtaxer la quasi totalité des importations venues de Chine.
Face à lui, la Chine ne plie pas, montant au combat et le gouverneur de la Banque populaire de Chine, Yi Gang, présent à Fukuoka, avait cité vendredi dans un entretien avec Bloomberg TV une série d’instruments de politique économique pour faire face à la guerre commerciale avec les Etats-Unis.
LNT avec Afp