Coup de théâtre en France: les législatives ont placé dimanche l’alliance des partis de gauche en tête selon les premières estimations, devant le camp présidentiel d’Emmanuel Macron et l’extrême droite en troisième position, aucun des blocs n’obtenant la majorité absolue.
L’extrême droite française du Rassemblement national (RN) entre en force à l’Assemblée, avec un nombre historique de députés élus (entre 115 et 155), mais reste loin du pouvoir en enregistrant un score décevant par rapport à sa poussée du premier tour.
La France, pays pilier de l’Union européenne, se retrouve plongée dans l’inconnu, sans certitude sur son futur gouvernement à trois semaines de l’ouverture des Jeux Olympiques.
Avec 172 à 215 députés selon les premières estimations des instituts de sondage, l’alliance de gauche du Nouveau front populaire (NFP), composée de partis en désaccords sur nombre de dossiers, créé la surprise en devenant la première force du pays.
Un mois après une dissolution en forme de coup de poker décidée par Emmanuel Macron, le camp présidentiel fait preuve d’une résilience inattendue, avec 150 à 180 élus, contre 250 en juin 2022.
Cette tripartition jette la France dans le brouillard, au terme d’un scrutin qui a fortement mobilisé les électeurs (participation autour de 67%), la plus forte depuis 1981. Car faute d’atteindre la barre de 289 députés, synonyme de majorité absolue, ou même de s’en approcher, aucun bloc n’est en mesure de composer seul un gouvernement.
En attendant les chiffres consolidés, les prises de position des grands leaders et les intenses tractations à venir, l’identité du prochain gouvernement reste incertain.
Mais le « front républicain », bâti entre les deux tours de ce scrutin pour limiter la vague RN qui devait déferler dans l’hémicycle, semble avoir porté ses fruits, après 210 désistements de candidats du camp présidentiel ou de gauche.
Au RN, le sentiment est forcément mitigé. Côté pile, le parti à la flamme et ses alliés engrangent de nouveaux élus à un niveau historique. Côté face, il voit s’évaporer le rêve de hisser son chef Jordan Bardella à Matignon, porté par une majorité absolue qui lui semblait atteignable au soir du premier tour. Une victoire qui aurait pavé la voie de la conquête du pouvoir par Marine Le Pen à la présidentielle de 2027.
Reste une foule de questions.
Les partis de gauche et le camp macroniste trouveront-ils un improbable accord politique, après deux ans à ferrailler pied à pied ? Quelle place dans le prochain dispositif pour La France insoumise (gauche radicale) de Jean-Luc Mélenchon ? L’union de la gauche, qui paraît si fragile, survivra-t-elle à ce scrutin ?
La question se pose aussi de la stratégie des Républicains (LR, droite), plongés dans la tourmente après le ralliement de leur chef Eric Ciotti au RN, mais qui conservent un contingent d’élus plus que suffisant (57 à 67) pour se présenter comme un pivot à l’Assemblée.
A trois semaines de l’ouverture des JO, qui propulseront la France sous les projecteurs du monde entier, le pays pourrait aussi s’orienter vers un gouvernement technique, comme celui qui avait sauvé l’Italie de la crise de la dette en 2011. A condition de parvenir à un consensus sur des personnalités.
Dans des conditions si floues, Emmanuel Macron pourrait aussi être amené à temporiser alors que son actuel Premier ministre, Gabriel Attal, s’est déclaré disponible pour assurer la continuité de l’Etat « aussi longtemps que nécessaire ».
Le chef de l’Etat sort affaibli de cette séquence malgré le résultat honorable de son camp. Lui qui avait dissous au nom d’une nécessaire « clarification » n’aura pas permis de dégager une majorité claire. Et la campagne éclair des législatives se sera déroulée dans une atmosphère tendue, marquée par des nombreuses agressions de candidats et militants, révélatrices d’une France divisée.
Mais le président aura-t-il à défaut « réussi à crever l’abcès » du RN, comme l’espère un de ses intimes ? Et parviendra-t-il à préserver l’unité de sa propre majorité qui lui reproche sa décision de convoquer ces élections anticipées ?
Attendu mercredi au sommet de l’Otan, il devra en tout cas s’employer à rassurer les partenaires et les milieux financiers sur la stabilité de la France.
Alors qu’il a réuni comme à l’accoutumée les chefs de la majorité dimanche en fin d’après-midi à l’Elysée, l’entourage du président avait indiqué à l’AFP avant les premiers résultats qu’il ne prendrait pas la parole à l’issue du scrutin.
La semaine qui se profile va produire son lot d’âpres négociations pour les postes clés à l’Assemblée, avant l’ouverture le 18 juillet de la nouvelle législature.
Les élections législatives françaises ont été scrutées avec attention et certains partenaires européens, en premier lieu l’Allemagne, ont manifesté à plusieurs reprises leur inquiétude face à la montée de l’extrême droite.
D’autres comme l’Italie de Giorgia Meloni ou la Russie de Vladimir Poutine ont exprimé plus ou moins ouvertement leur satisfaction.
LNT avec AFP