Le Forum des Droits de l’Homme du Festival d’Essaouira, organisé conjointement avec le CNDH, s’est prolongé ce samedi 1 juillet autour de la thématique « Créativité et politiques culturelles à l’ère du numérique ».
Le premier panel de cette matinée, modéré par Ikram Haddaji, consultante en communication, traitait de « l’émergence de nouvelles disciplines artistiques ». Youness Atbane, co-fondateur du collectif d’art numérique Pixilone a d’abord expliqué que « l’art numérique est une permanente remise en question » et échappe pour le moment à la catégorisation propre aux arts classiques.
Mais, cette nouvelle forme d’expression artistique commence à intéresser, à l’image de « Alluha », première oeuvre numérique commandée par une institution publique, l’ONDA et qui est exposée de manière permanente au nouveau terminal de l’aéroport de Fès.
Le second panéliste, Mohamed Allam, artiste visuel égyptien, est directeur de Medrar for Contemporary Art. Pour lui, « les arts numériques regroupent toutes les formes d’arts, cinématographiques, audiovisuels, traditionnels etc ». Mais surtout, cette forme d’art permet une interactivité nouvelle et forte avec des publics très différents comme en témoigne une installation numérique réalisée simultanément entre l’Egypte et la ville de Dresde en Allemagne grâce au digital.
Nawal Slaoui, galerie et fondatrice de CulturesInterface, a partagé son expérience dans l’accompagnement d’artistes numériques en insistant sur la liberté que confère le numérique à la création tout en notant que l’expérience du spectateur demeure personnelle à travers le digital.
Ce premier panel a permis également de soulever la problématique de l’enseignement de l’art à l’école ou encore la question du financement des artistes et de leurs oeuvres qui reste épineuse.
Le 4ème et dernier panel de ce Forum, très attendu et modéré par Sanaa El Aji, écrivaine et chroniqueuse, s’est intéressé à la question « Quelles politiques publiques et quelles actions de l’ensemble des acteurs? ».
Nabil Bayahya, associé exécutif chez Mazars, spécialiste des politiques publiques et auteur du livre « Les politiques culturelles à l’ère numérique : l’exemple du Maroc » (Editions Descartes), annonce la couleur dès le début de son intervention : « Le numérique a bouleversé les politiques culturelles d’une part et de l’autre, l’art s’est toujours inséré dans cette dialectique entre l’autorité et l’Homme ».
Si le numérique « permet à des artistes nouveaux d’émerger, d’être accessibles, de produire facilement » mais « l’Etat doit rester présent, et jour un rôle pour rendre l’outil technologique accessible à tous, car si l’on éduque pas les citoyens aux codes culturels d’internet, le risque est que l’art numérique soit réservé à une élite ». L’Etat doit donc légiférer, encadrer, encourager et pérenniser l’art à travers le digital.
Zaïnab Guedira, Directrice générale de la Fondation Hiba, appelle quant à elle au renforcement de l’éducation culturelle, préalable à toute politique culturelle publique. Pour elle, au Maroc, « le ministère de la Culture doit vraiment avoir une action transversale, dans nombre de ministères mais aussi au niveau des collectivités ». De fait, « l’Etat tarde à s’adapter aux nouvelles pratiques et la seule solution actuelle à la propagation de la culture sont les Partenariats Public Privé ».
Elle ajoute que « si la fracture culturelle et sociale se réduit considérablement grâce au numérique, pour mener une politique intelligente, il faut d’abord former les gens parce que le digital n’est qu’un outil. »
Autre acteur, non étatique, Hassan Ezzaim, directeur de la Villa des Arts de la Fondation ONA, a donné un exemple concret d’action visant à améliorer l’accès à la culture, à travers la présentation du Musée virtuel de son institution. Grâce à cet outil, interactif et numérique, « toutes les expositions sont numérisées et défilent sur les écrans du musée virtuel », permettant notamment de faire voyager des collections présentes physiquement dans de grands musées de part le monde et de les rendre accessibles à de nouveaux publics.
C’est Mohamed Ikoubâan, Fondateur et directeur de Moussem en Belgique, un centre d’art nomade qui monte des projets et les présente dans différents musées, qui a conclu ce panel en rappelant que « l’art en soi n’est pas élitiste, c’est l’accès à l’art qui peut l’être ».
Les politiques publiques et les différents acteurs doivent donc oeuvrer à travers le numérique à assurer la diffusion et l’accessibilité à tous de l’art, sous toutes ses formes.
Zouhair Yata