En marge de la 26ème édition du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde, une rencontre-débat a été tenue sous la thématique ‘’ l’Architecture et le Sacré’’. Par rapport à ce sujet, le président de la Fondation Esprit de Fès, Abderrafia Zouitene, a indiqué que la ville de Fès regorge une panoplie de magnifiques monuments qui révèlent l’existence de cette relation entre l’homme et Dieu, en témoigne la Mosquée Al Qarawiyyines qui illustre une parfaite symbiose architecturale et spirituelle : ‘’ Cette édition est l’occasion d’un voyage à travers le Monde et le Temps. De quoi explorer comment les hommes de toutes les confessions ont exprimé par l’architecture leur quête du sacré. L’exploration des édifices religieux parmi les plus emblématiques du monde nous transporte dans ce long et riche dialogue des hommes avec le divin. Une histoire où les synagogues, les églises, les mosquées, les temples, ne sont d’ailleurs pas simplement la matérialisation de croyances, mais ils sont aussi le témoignage de grands mouvements historiques, comme les migrations, les conquêtes, les révolutions philosophiques, artistiques et architecturales’’.
Pour l’universitaire Driss Khrouz, l’architecture constitue une empreinte, un repère, un cadre et un cheminement des croyances, des religions et des spiritualités : ‘’ Toutes les civilisations et toutes les cultures qui les portes, expriment, donnent sens, vivent et inventent des mythes et des symboles liés aux différentes formes et expressions de leurs sacralités par et à travers des créations architecturales’’, explique-t-il, tout en précisant que les lieux de cultes (grottes, cavernes, temples, synagogues, églises, chapelles et mosquées) sont des constructions ou des aménagements faits pour des cultes où les humains conçoivent des bâtisses et leurs espaces de vie en parfaite conformité avec ce qui détermine et constitue leur sacralité. Driss Khrouz tient à préciser que depuis les gravures rupestres, les temples incas, mayas, aztèques jusqu’aux bâtisses extravagantes des différentes catégories de pratiques culturelles, les humains ont toujours cherché à donner des finalités surnaturelles et supranaturelles à leurs croyances.
Dans son intervention, l’universitaire espagnole Susana Calvo Capilla, s’est penchée sur la question des ‘’ Mosaïques aux Muqamas : l’évocation du sacré à la travers la décoration dans l’architecture islamique’’. Pour elle et en plus des conceptions architecturales qui exprimant l’attachement de l’homme au sacré, il existe aussi différentes formes d’expressions artistiques et décoratives mettant en valeur cette relation entre les humains et Dieu. L’universitaire madrilène revient ici sur les lumières, les mosaïques, la beauté des lettres teintes de couleurs dorées. La mosquée de Cordeau en Espagne en est un exemple parmi tant d’autres : ‘’ La lumière est un attribut divin symbole de la justice et de la révélation. La luminosité produit la beauté de l’art islamique’’.
Sur un autre registre, les différents intervenants lors de cette rencontre ont souligné l’importance de l’architecture dans les villes et les agglomérations humaines où la vie des communautés est souvent rythmée par les espaces sacrés : ‘’ La Médina de Fès est une des illustrations parfaites de cette imbrications entre les lieux de cultes, les mausolées, les cimetières… Fès est habitée par ses esprits. Il y a les magnifiques appels à la prière. Il y’ a aussi toutes les médersas, toutes les calligraphies et décorations qui citent, rappellent et suggèrent des références de I’Islam’’.
Loin de Fès, Casablanca est une ville, parmi tant d’autres du Maroc, qui rappeler l’existence, en un seul espace, d’une architecture spécifique à chaque croyance religieuse, notamment musulmane, chrétienne et juive. Une belle illustration de cohabitation à la fois religieuse et architecturale. En effet avec la Mosquée Ould Hamra, la synagogue Ettedgui et l’Eglise San Buenaventura de los Franciscanos, c’est l’histoire de la cohabitation spirituelle qui se raconte à l ‘ancienne médina de la métropole. Plus ancienne église de Casablanca, l’église San Buenaventura fascine depuis 1881 par son architecture d’inspiration andalouse. Quelques mètres plus haut, la synagogue Ettedgui, entièrement rénovée, donne à lire l’histoire du Mellah et de la communauté juive de Casablanca. Enfin, la mosquée Ould Hamra, érigée en 1880 sous Moulay Hassan Ier, séduit avec le charme minimaliste de ses tuiles vertes et de ses Zellijes.
Il s’agit de trois mémoires vivantes, côte à côte, et un symbole d’un espace urbain bâti sur la tolérance, le respect mutuel et le partage. Un véritable hymne à une cohabitation religieuse et architecturale.
H.Z