Nous sommes le 1er décembre 2017 et il est 17h30. A la salle des fête Le Manège au quartier du Neuhof à Strasbourg, les bénévoles de l’ACMN, une association culturelle, s’apprête à commémorer la naissance du Prophète de l’islam. La soirée s’annonce festive dans ce quartier habité par de nombreuses familles d’immigrés, d’origine marocaine notamment.
« Tu as vu, nous sommes dans le groupe de la mort ! » m’interpelle Ahmed. Ce marocain à l’humour ravageur vous surprend toujours par ses blagues, à la lisière de la pudeur, « à peine déballées », comme il aime bien les qualifier.
Faisant mine de ne rien comprendre, je réponds : « mais de quel groupe et de quelle mort parles-tu encore Ahmed ? » « Je te parle de ce foutu mondial de Russie. L’Iran, le Portugal et l’Espagne ? Mais qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu pour mériter ça ? »
Plus loin, c’est un autre bénévole qui s’agite face à Hmidou, le trésorier de l’association. La raison est la même : un groupe B qui n’augure rien de bon pour les Lions de l’Atlas. Hmidou, un peu excédé, fini par répondre à cet inconsolable bénévole : « Il y aura beaucoup de monde ce soir, assure-toi qu’il y ait suffisamment de merguez ! ».
A mesure que la soirée avance, mon téléphone n’arrête pas de vibrer. Sur la messagerie WhatsApp, c’est un peu le déchainement. Entre crainte, autodérision, défaitisme, résignation, les résultats du tirage au sort pour le mondial 2018 en Russie ont visiblement levé le couvert sur l’état d’esprit de toute une nation, sur sa façon de voir le sport, le monde, sur sa mémoire collective et sur la façon dont elle l’entretient, sur son passé, son identité de nation millénaire.
L’Histoire est mobilisée et l’on découvre que Abu Marwan Abd al-Malik est ressuscité et s’apprête à corriger une deuxième fois le Roi Sébastien. Des séquences de la fameuse série animée Tom et Jerry sont mises à contribution.
Parfois, le Maroc y incarne le rôle de Tom malmené par Jerry (les défaitistes), d’autres fois, il endosse le rôle du brave (ou de la brave) Jerry et devient victorieux. Les chants populaires comme DIK TIKCHBILA où encore les invocations des mamans marocaines prennent là-aussi une autre dimension. Il y a sûrement dans tous ces messages échangés des matériaux intéressants pour comprendre l’âme et l’être marocains.
Au-delà de ce tirage au sort, il faut dire que l’état des relations du Maroc avec l’Iran, le Portugal et l’Espagne ressemble à un match qui n’en finit pas. Si avec l’Iran la confrontation date notamment du changement de régime, intervenu suite à la Révolution du Khomeiny en 1979, et qu’elle est de nature idéologique, celle avec les deux voisins immédiats, le Portugal et l’Espagne, remonte à plusieurs siècles.
De ce point de vue, le tirage au sort n’a fait que remonter à la surface ce qui agite en profondeur le subconscient collectif marocain. Dans ce subconscient, la figure de l’ayatollah Khomeiny, avec sa barbe taillée en collier et sa tête enturbannée, s’invite à un flamenco à la fois sensuel et mortifère au rythme d’un fado qui tente de refermer des plaies d’un passé où résonnent encore le bruit assourdissant des canons et la charge de la cavalerie.
Face à l’Iran : occuper le terrain, tout le terrain
L’Iran, malgré une réputation sulfureuse qui lui colle au maillot depuis l’éviction du Chah, demeure un pays qui fascine. Son histoire, ses arts, sa cuisine, ses paysages évoquent une civilisation Perse toujours vivace et vivante.
Au pays de la Team Melli, le football a le statut particulier de sport « moderne ou importé », par opposition au koshti, qui est un sport de lutte pratiqué depuis des temps immémoriaux. Le football, en faisant appel à l’esprit de groupe, à la complémentarité fonctionnelle, à l’agilité et la vitesse, bouscule tout doucement depuis les années 1960 l’imaginaire culturel de la société iranienne où seule la force du lutteur est valorisée.
Perçu, du temps de Reza Chah, comme instrument de modernisation des élites, le football s’est vite transformé, avec Mohammad Reza, en un instrument de mobilisation politique. Mohammad Chah est allé même jusqu’à présenter la finale de la Coupe d’Asie des nations de 1968 contre Israël, jouée et remportée à Téhéran un an après la guerre israélo-arabe de juin 1967, comme une revanche du monde musulman.
Prenant le contre-pied du régime impérial, le Khomeynisme a mis la bride à ce qu’il considère comme un produit occidental importé dont l’objectif inavoué est d’atteindre le chiisme. En effet, ce dernier considère avec méfiance les manifestations extérieures d’émotion dénuées d’objet religieux. Elles apparaissent comme des passions malsaines.
Sur un plan symbolique, on peut y voir aussi la volonté du nouveau régime de placer la figure du Khomeiny au cœur du pouvoir.
Car contrairement au sport de lutte qui présente un seul homme, sa force et son endurance, le football met en avant tout une équipe. La révolution iranienne serait donc de ce point de vue l’œuvre d’un seul homme, Khomeyni le lutteur, et non la mobilisation de tout un peuple. Ce n’est pas un hasard si le titre de guide a vite été attribué à Khomeiny. Il est l’homme, le seul, qui a mené son peuple vers la liberté.
Le Khomeynisme, de pas sa tendance intrinsèque à l’hégémonisme, réussit à se faire des ennemis en si peu de temps. Avec l’Irak, le voisin immédiat, mais aussi avec les Etats-Unis à la suite de la prise d’otages à l’ambassade américaine à Téhéran en novembre 1979 et puis avec l’Arabie-Saoudite et ses amis, à commencer par le Maroc. Pour les dirigeants marocains et saoudiens, ce qui inquiète ce n’est pas tant la politisation de l’islam ou l’islamisation de la politique, mais certainement les intentions hégémoniques régionales de Khomeiny.
Outre les divergences doctrinaires articulées autour du schisme entre Chi’ites et Sunnites, l’Iran “révolutionnaire’’ ne reconnaît pas les Titres religieux qui distinguent nombre de chefs d’États arabes (Serviteur des Lieux Saints pour le Roi d’Arabie et Commandeur des Croyants pour le Roi du Maroc).
Les monarchies saoudienne et marocaine sont ainsi particulièrement visées. Le Maroc en accueillant le Shah déchu, provoque la réaction de l’Iran qui riposte en reconnaissant la fantomatique RASD. Les deux États interrompent alors leurs relations tout en nourrissant des litiges politiques. Hassan II, rapporte la revue Synthèse éditée par le Ministère de l’Information (1978. P. 99), disait que:« lorsque l’instabilité en Iran toucherait le Golfe et l’Arabie Saoudite, ce serait une obligation coranique d’aller faire la guerre sainte pour protéger les lieux saints ».
Il faut aussi situer cette prise de position claire et sans ambiguïté de Hassan II contre l’Iran de Khomeiny dans sa stricte dimension interne. En effet, la Révolution iranienne intervient à un moment où le mouvement de Abdessalam Yassine occupe davantage d’espace social et politique.
Aidé par Mohamed Bachiri, imam et enseignant, connu dans les milieux populaires de Casablanca, Abdessalam Yassine n’avait pas manqué de souligner certains traits, qu’il juge méritoires du khomeynisme, notamment l’éducation profonde de la population et la bravoure des troupes de la Révolution. Le Cheikh Yassine voyait dans cet évènement un espoir de réforme dans le monde arabo-musulman.
Hassan II, en se dressant contre le Khomeynisme, rappelle que la Commanderie des croyants est une et unique, exclusive à la monarchie et inaliénable. Personne ne pourrait la remettre en cause combien même cette personne serait guide d’un mouvement et rédacteur d’une admonestation au début de l’année 1974 intitulée l’islam ou le déluge.
Dans cette épître, le cheikh Yassine appelle le Roi, descendant du Prophète, à être fidèle aux ancêtres pieux. « Balaie les partis politiques, écrivait Cheikh Yassine, et viens qu’on s’assoie ensemble : toi, moi et l’armée ! » Mais quelques années plus tard, Abdessalam Yassine revient sur cet enthousiasme dans son livre Islamiser la modernité.
Durant son règne, Feu Hassan II a su et a pu occuper le terrain de la confrontation avec l’Iran des mollahs. Il faut dire qu’il a été aidé par l’affaiblissement de l’Egypte qui sort complètement isolée de la Ligue Arabe après ses accords signés avec Israël en 1978.
Hassan II ne s’arrêta pas au soutien à Saddam dans sa guerre contre l’Iran, il parvient au Sommet arabe de Fès de 1982 à dissiper les craintes des monarchies du Golfe à l’égard du parti Baâth irakien et les exhorter à contribuer financièrement à l’effort de guerre de Bagdad contre Téhéran.
Sur le plan interne, les Oulémas avaient été sollicités pour appuyer théologiquement la politique étrangère conduite par le Roi contre l’Iran. En 1982, ils se réunissent à Casablanca pour déclarer Khomeini apostat. Plus tard, Hassan II n’hésite pas à accuser l’Iran d’avoir fomenté les émeutes urbaines contre la cherté de la vie. Février de la même année,
il déclare dans une interview accordée au Figaro « si Khomeini est musulman, alors je ne le suis pas ».
Hassan II avait en effet des raisons de s’opposer à la volonté des iraniens d’exporter leur modèle y compris au Maroc. Les craintes de Feu Hassan II sont d’ailleurs avérées encore aujourd’hui.
A Tanger comme au sein de la communauté marocaine en Belgique l’expansion du Chiisme prend une ampleur réelle. Au sein du MUR, certains membres n’hésitent pas à parler de pandémie qui menace la sécurité spirituelle des marocains. Cheikh Nahari a même demandé que soit promulguée une loi interdisant le prosélytisme chiite au Maroc.
Mais la ligne de démarcation reste moins visible entre le prosélytisme et le respect des droits des minorités religieuses. La Déclaration de Marrakech de 2016 exhorte les Oulémas à engager une réflexion non plus sur l’appartenance religieuse, mais sur la citoyenneté qui unit « Les différentes communautés religieuses unies par le même lien national ». La Déclaration affirme également qu’« il n’est pas autorisé d’instrumentaliser la religion aux fins de priver les minorités religieuses de leurs droits dans les pays musulmans ».
Face au Portugal : occuper le milieu du terrain comme au temps de Abdelmalik
Quarante cinq mille soldats à bord d’une armada de deux cents navires larguent les amarres le 25 juillet 1415. Leur objectif, conquérir Ceuta, le port le plus riche du Maroc des Mérinides, véritable carrefour des routes de caravanes qui alimentent le commerce fleurissant de l’or et des esclaves en provenance d’Afrique noire, des épices et de la soie en provenance d’Orient.
Ceuta était aussi le port où blé, sel et cuivre s’exportent vers le Portugal et l’Europe. Ils débarquent le 15 août de la même année et le soir même la ville tombe. Porto, Lisbonne, les armateurs de Galice, la noblesse traditionnelle du Portugal se sont associés à la conquête de Ceuta. L’essor économique des pays européens de l’Atlantique nécessite des matières premières et de la main d’œuvre.
Or dès le départ, les portugais étaient confrontés à ce dilemme : soit conquérir des terres au Maroc qui deviendraient aussitôt la nouvelle frontière du Portugal outre-mer dans le prolongement d’Algavre (de l’arabe Al-Gharb), soit établir un pont maritime ponctué de positions militaires stratégiques qui permettront d’assurer l’approvisionnement à la source.
C’est probablement la raison pour laquelle on parle de présence portugaise au Maroc et non de domination. L’essentiel pour les portugais était les routes commerciales. De Ceuta, leur intérêt s’est porté sur Massa au Souss, ils occupent Safi et puis établissent la forteresse de Mazagan. Ils rayonnent jusqu’à Marrakech avec une habileté politique qui leur a permis de nouer des alliances avec les chefs indigènes (Yahya Ben Tafouft, chef local des Doukkalas).
La concentration sur les points névralgiques des routes commerciales se veut aussi une expérimentation des stratégies de déploiement militaire. Au lieu d’envahir tout un pays (avec le risque de ruiner le Trésor), ne vaudrait-il pas mieux y concentrer l’effort sur quelques positions stratégiques ?
C’est la thèse défendue par l’historien lisbonnais Rafael Moreira pour qui le Maroc était : « le champ d’expérimentation de l’architecture militaire extra-européenne le plus intéressant, véritable laboratoire d’expérimentations et de solutions pour adapter l’art de la guerre de la Méditerranée à d’autres latitudes, où seront testées, retenues et perfectionnées les futures formes destinées à dominer le monde »
Mais c’est sans compter sur l’émergence au Souss du pouvoir des chérifs Saadiens qui s’emparent d’Agadir, puis de Safi, Azemmour, Asilah (Arzila). Les portugais ne conservaient que Ceuta, Tanger et Mazagan. A cette poussée des Saadiens, un jeune Roi du nom de Sébastien entreprend une sorte de croisade afin de ramener ce Maroc infidèle et insolent dans le giron du Portugal. Le 4 août 1578, les deux armées amassées à Oued al-Makhazin, entre les villes de Larache et Ksar el-Kébir livrent bataille.
Mal préparé et mal commandé, « le corps expéditionnaire ne constitue alors qu’une armée faible, indisciplinée et inorganisée », raconte l’historien Antonio Henrique Rodrigo dans Histoire du Portugal et de son empire colonial.
Visiblement, le jeune Roi Sébastien rallié par Al Mutawakkil qui voulait prendre sa revanche, a sous-estimé la force de frappe de l’armée marocaine sous le commandement du Roi Abu Marwan Abd al-Malik. Epaulé par son successeur au trône Ahmad al-Mansur al-Dahabi, Abd al-Malik élabore une stratégie qui ne manque pas d’intelligence : il « pousse Sébastien et ses hommes à s’enfoncer à l’intérieur des terres marocaines les privant ainsi de voies de ravitaillement et de retrait sûres et rapides ». La défaite des portugais assure à l’armée du Maroc « une réputation d’invincibilité jusqu’au milieu du XIXe siècle ».
Les FAR contre le REAL : le match qui n’en finit pas
L’étude monographique des rapports entre les deux pays ne saurait être complète en l’absence d’une vision globale qui situe l’Espagne dans son contexte de pays du Nord, membre d’un espace européen intégré et dont la richesse nationale dépasse celle de son voisin du sud, le Maroc. Cette étude, cependant, ne sous-estime pas le rôle des points de convergence et de la dynamique politique interne de l’Espagne post-franquiste dans le rapprochement des deux pays.
La situation de flux et reflux entre les deux peut laisser parfois perplexe. Mais « Ce qui nous unit à l’Espagne, disait Hassan II dans Le Défi, est infiniment plus grand, plus intime, plus durable que ce qui risque de nous séparer ». Bien qu’on ne puisse guère comparer les deux Couronnes du point de vue du volume du pouvoir et de son effectivité, force est de reconnaître que cette nature du régime a cependant participé, de par son prestige en Espagne et sa consistance politique au Maroc, au rapprochement des deux pays.
Toutefois que le différend territorial demeure le talon d’Achille des relations entre les deux pays. Ses effets ne se limitent pas aux seules questions cruciales du Sahara, des enclaves de Ceuta et Melilla et les îles connexes, îles Jaafaria (en arabe) dites Zaffarines. Il s’étend différents à domaines en rapport direct avec la souveraineté. C’est le cas notamment des richesses halieutiques, du contrôle des flux migratoires, de la coopération en matière de sécurité.
Si, s’agissant du Sahara, l’Espagne continue d’adopter une politique de “neutralité active’’, force est de constater toutefois un réel décalage entre la définition donnée à cette neutralité active par le gouvernement et une large partie de l’opinion publique espagnoles. Ce décalage est visible compte tenu du nombre important d’associations abritées en Espagne et ralliées aux postures indépendantistes du Polisario, et des opérations de vote des élus du Pays Basque et de l’Andalousie en faveur de « l’indépendance du peuple sahraoui ».
C’est surtout par réalisme que le Maroc n’aborde pas la question des enclaves avec la même énergie qu’il déploie pour défendre le Sahara. La difficulté à gérer à la fois différents fronts (Sahara, Ceuta, Melilla, les îles) et à faire face à plusieurs interlocuteurs (Espagne, Polisario, Algérie) impose une sorte d’hiérarchisation des revendications légitimes du Maroc. José Maria Aznar, alors Premier Ministre, reconnaît lui-même que Hassan II tenait à aborder la question des deux villes (Ceuta et Melilla), mais qu’il était conscient de certaines limites.
A deux reprises depuis l’année 2000, la tension est montée dangereusement entre le Maroc et l’Espagne. Au cours de l’été 2002 éclate la crise de l’îlot Leila (Perejil). Une crise brutale et sans précédent dans laquelle les deux pays frôlèrent l’affrontement militaire alors qu’ils étaient liés par un Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération signé le 11 juillet 1991. En novembre 2007, la visite controversée du Roi d’Espagne Juan Carlos à Ceuta et Melilla provoque une « véritable levée de boucliers patriotique » selon la formule du journal L’Opinion.
Ce différend territorial non résolu nourrit les imaginaires de part et d’autre de la Méditerranée. Du côté marocain, il est appréhendé comme la continuité d’un vieux réflexe colonialiste de l’Espagne. Du côté espagnol, il est une preuve de la menace que fait peser le voisin du sud de la méditerranée sur l’Espagne.
Dans sa majorité, l’opinion espagnole continue à percevoir le Maroc comme une menace. Si cette perception s’inscrit dans une perception globale qu’incarne le Sud dans l’imaginaire du Nord ; il n’en demeure pas moins que le Maroc reste pour l’opinion publique espagnole la première source d’inquiétude. Une étude publiée par le Centre d’Investigation Sociologique (CIS), en février 2002, signalait que 17% des espagnols ressentaient ou percevaient une menace extérieure pour la sécurité de l’Espagne.
Mais il faut relever que près de la moitié d’entre eux mettaient le Maroc au premier plan, tandis que 25 % désignaient les pays arabes et musulmans. Dans ce même sens, seuls 13 % répondaient qu’ils avaient une bonne opinion de leurs voisins du Sud. La perception de menace a une teneur martiale plus marquée dans les zones espagnoles en contact géographique avec le Maroc comme Ceuta, Melilla et les Canaries, ce qui nourrit l’alarmisme fondé, non pas sur des faits, mais sur des intentions prêtées aux marocains.
Cette perception de menaces réciproques et continues plonge dans la suspicion les relations entre les deux pays. Des secteurs pourtant porteurs de dynamisme, comme la coopération économique ou la coopération en matière de sécurité, restent tributaire de cette méfiance. Les stéréotypes et les regards négatifs ont eu, dans le passé une incidence sur les relations bilatérales et les conflits militaires.
La défaite du Barranco de Lobo et la défaite d’Anoual ont tatoué des mémoires. L’image satirique et burlesque du Marocain s’est associée avec celle de l’ennemi à écraser ou du traître à abattre. Aujourd’hui, cette image négative contamine des thèmes sensibles tels l’immigration, l’agriculture, la pêche, les possessions territoriales, la délimitation des espaces maritimes ou le Sahara et le terrorisme.
S’agissant de ce dernier thème, depuis les attentats de Madrid le 11 mars 2004 et les attentats en Catalogne le 17 août 2017, une parole raciste visant les marocains semble se libérer en Espagne. Consulats et mosquées sont la cible de tagues xénophobes. Les réseaux sociaux pullulent de messages incitant à la violence et à la haine raciale. Même les principaux journaux espagnols comme El Mundo ou El Pais n’ont pas échappé au déchainement d’une haine anti-marocaine.
En sport comme en politique, il faut toujours savoir tirer profit des lacunes de l’adversaire et saisir les opportunités. Face à un Iran hégémonique, la bataille idéologique s’annonce rude mais le Royaume dispose d’autant d’atouts pour l’emporter à condition d’occuper tout le terrain.
Face au Portugal et à l’Espagne, une partie de match se jouera en Afrique, comme par le passé. Le Maroc semble bien intégrer cette donne et se déploie intelligemment grâce à une politique africaine pragmatique menée par le Roi Mohammed VI.
Le Maroc gagnera donc à occuper le milieu du terrain. Il deviendra ainsi cette nouvelle Sublime Porte incontournable pour les pays européens en quête de marchés africains florissants.
Hamid DERROUICH – Docteur en Science Politique