Meryem Mahfoud et Kenza Boughaleb, Fondatrices de Inskip Maroc
Inskip Entrepreneurs a démarré ses activités à 2018 à Casablanca. Le cabinet est dirigé par Meryem Mahfoud et Kenza Boughaleb, deux jeunes Marocaines diplômées de HEC Paris. Depuis le démarrage de son activité au Maroc, InSkip Entrepreneurs accompagne de grands groupes et institutions dans le déploiement de leurs initiatives en lien avec l’innovation, l’entrepreneuriat et l’investissement.
Spécialistes de l’écosystème digital marocain et ambassadrices de la tech au féminin, elles ont accepté de partager leurs perspectives dans le cadre de notre spécial GITEX.
INSKIP Maroc a maintenant six ans. Quelles en sont les réalisations dont vous êtes le plus fières depuis sa création ?
Kenza Boughaleb : Depuis le lancement d’INSKIP au Maroc en 2018, l’écosystème marocain dans lequel nous nous ancrons s’est transformé. Sur le plan de l’écosystème entrepreneurial, le programme 212 Founders by CDG Invest est sans doute l’une de nos plus grandes fiertés. Ce programme d’accompagnement et de financement en amorçage a contribué à renforcer significativement la scène startup marocaine, à l’échelle régionale et internationale et nous a permis de travailler main dans la main avec plus de 60 entrepreneurs et de propulser des startups prometteuses comme Freterium, LNKO, DeepEcho, Saweblia, Inyad ou encore Kifal Auto. En structurant des véhicules d’innovation et en accompagnant les entrepreneurs dans leurs levées de fonds, nous avons contribué à créer un environnement propice à l’innovation et au développement des startups au Maroc.
Meryem Mahfoud: Nous avons également participé à des initiatives importantes avec des institutions et groupes de renom tels que l’UM6P, Tanger Med Special Agency, InnovX, la Banque Mondiale, l’AFD et Attijariwafa Bank. La mission que nous nous sommes fixées est d’accompagner le développement du pays en menant des actions qui stimulent sa compétitivité et son développement social. Nous sommes fières aujourd’hui de le faire avec une équipe de talents INSKIP qui sont revenus au Maroc pour contribuer à son développement.
Si le Maroc a accompli des progrès notables quant au développement de son écosystème digital, il accuse sur certains points, comme le mobile banking, un grand retard par rapport à d’autres pays africains. Quels sont les principaux freins à ce développement selon vous ?
Meryem : Avec INSKIP, nous avons la chance d’observer les progrès de l’écosystème sur le terrain. Et il est temps de déployer un discours plus éclairé, constructif et réaliste sur son évolution. Certes il y a eu un retard, mais les leçons ont été tirées et les acteurs se retroussent les manches pour le faire avancer. Aujourd’hui, il y a une prise de conscience réelle des freins à l’accélération de cet écosystème et de nombreux dispositifs voient le jour pour y remédier, tels que les initiatives du MTNRA, Tamwilcom, FM6i ou encore le Technopark.
Kenza : Nous croyons dans l’importance de créer des récits clairs et optimistes pour l’écosystème entrepreneurial. Certes, des défis comme le manque de confiance dans les solutions numériques, une infrastructure technologique insuffisante, et des réglementations parfois restrictives existent. Cependant, ces défis sont reconnus et des efforts considérables sont déployés pour les surmonter. Les avancées dans l’éducation numérique et les investissements dans les infrastructures technologiques, ainsi que l’élaboration de cadres réglementaires favorables, montrent que le Maroc est sur la bonne voie pour devenir un leader régional.
L’entrepreneuriat comme le digital sont des domaines à forte dominante masculine au Maroc. Quelles sont les solutions pour faire émerger une vraie génération d’entrepreneuses digitales ?
Kenza : Il existe de multiples leviers à actionner pour encourager l’émergence d’une génération d’entrepreneuses dans la Tech
Mettre en place des programmes de mentorat et de formation dédiés aux femmes par exemple. Le programme We-Fi Maroc, soutenu par la Banque Mondiale, auquel INSKIP est fier de participer, est un excellent d’initiative. En offrant des formations et des sessions de coaching personnalisés à 400 femmes entrepreneures dans le e-commerce, ce programme vise à renforcer les compétences et la confiance des femmes dans le domaine de l’entrepreneuriat digital.
Meryem : le sujet de l’entrepreneuriat féminin s’ancre dans le challenge plus global de la place de la femme dans le tissu économique marocain. Il est indispensable de revenir sur des fondamentaux éducatifs et culturels pour promouvoir une véritable égalité des genres au sein de nos organisations. Pour l’entreprenariat, l’enjeu est le même mais l’opportunité est forte car elle ouvre la voie à des organisations portées par des femmes, inclusives par nature. Ainsi, promouvoir des modèles de réussite féminins dans le secteur digital peut inspirer et motiver les jeunes femmes et être un exemple pour toutes les organisations existantes ou à venir. De plus, des politiques favorisant l’inclusion et l’égalité des genres dans le milieu entrepreneurial peuvent contribuer à réduire les barrières culturelles et sociales.
On entend parfois que l’un des freins au développement des startups au Maroc est le marché qu’elles adressent (manque de pouvoir d’achat, de culture du digital, d’inclusion financière). Quelle est votre lecture de la situation ?
Meryem : Il est vrai que le marché marocain présente des défis majeurs, notamment en termes de pouvoir d’achat mais surtout de taille de marché. Cependant, ces défis peuvent être transformés en opportunités en adoptant des approches innovantes et inclusives. Par exemple, des solutions adaptées aux besoins locaux et aux capacités financières des consommateurs peuvent ouvrir de nouveaux segments de marché.
Kenza : L’éducation et la sensibilisation à l’importance du digital et de l’inclusion financière peuvent également changer les mentalités et encourager une adoption plus large des technologies. Le rôle des politiques publiques et des partenariats avec des institutions financières est crucial pour créer un écosystème plus inclusif.
Par ailleurs, l’internationalisation est aujourd’hui au cœur de la stratégie des startups marocaines et les investisseurs et structures d’accompagnement l’ont bien compris. En se positionnant dans un Maroc qui devient un hub régional, elles ont également l’opportunité de rayonner rapidement à l’international.
Vous soutenez à voix haute ce que vous appelez « le momentum Maroc ». De Moroccan in Techs à The Roaring Project, comment les initiatives auxquelles vous participez s’inscrivent dans cette ambition ?
Kenza : Le « momentum Maroc » repose sur l’idée de capitaliser sur l’énergie et le potentiel des talents marocains pour accélérer la transformation digitale et entrepreneuriale du pays. À travers Moroccans in Tech, nous rassemblons la diaspora marocaine œuvrant dans le secteur des technologies pour créer des synergies et des opportunités de collaboration et donner envie à ces talents de s’impliquer de plus en plus dans les sujets structurants du Royaume.
Meryem : The Roaring Project vise à permettre aux talents du Maroc et du monde qui souhaitent contribuer au développement du pays de le faire en donnant plus de lisibilité aux opportunités existantes au sein du nouveau paysage marocain et en poussant les organisations à s’adapter aux nouvelles attentes des talents. Ces initiatives sont conçues pour renforcer la nouvelle économie marocaine, infuser une culture plus entrepreneuriale et favoriser l’émergence d’une nouvelle génération de leaders et d’innovateurs. Nous croyons fermement que le Maroc a tous les ingrédients pour écrire son propre nouveau récit, et les jeunes talents doivent y contribuer.
Propos recueillis par Selim Benabdelkhalek