La Fondation Attijariwafa bank organise, dans le cadre de son cycle de conférences « Échanger pour mieux comprendre », une série de conférences digitales pour analyser les multiples impacts de la crise sanitaire du Covid-19 sur le Royaume.
Diffusée mardi 21 avril, la première rencontre digitale avait pour thème : « La société marocaine face au Covid-19 : impacts et premiers enseignements », et a connu la participation de Dr. Jaafar Heikel, Épidémiologiste et Infectiologue, Dr. Allal Amraoui, Chirurgien et Ancien Directeur régional de la Santé et Ahmed Ghayet, Président de l’association Marocains Pluriels.
Dans son intervention, Dr. Heikel a appelé la population marocaine à plus de prudence et à un respect strict du confinement.
« Nous sommes arrivés à une phase intra-foyer avec une situation qui est encore en pleine croissance et qui n’a toujours pas atteint le pic épidémique », a affirmé l’épidémiologiste.
Ce dernier s’est penché sur 2 chiffres importants : l’évolution accélérée au Maroc du nombre de cas détectés au cours de la dernière semaine, avec plus de cent par jour, et le taux de létalité qui est aux alentours de 5,7%.
Une situation qui reste préoccupante
« La situation épidémiologique n’est pas dramatique en termes de nombre, grâce notamment à toutes les mesures prises par le Royaume, mais nécessite beaucoup de prudence. Nous avons évolué vers des phases qui montrent aujourd’hui que notre taux de production de nouveaux cas reste préoccupant », a souligné Dr Heikel.
Dr Allal Amraoui a soutenu, pour sa part, l’avis du Dr Heikel concernant l’importance de la prise des mesures assez tôt. « Cette initiative nous a permis de mieux nous préparer et d’être mieux armés pour pouvoir affronter d’éventuelles vagues qui peuvent arriver à n’importe quel moment. C’est pour ça qu’il faut redoubler de vigilance et respecter les mesures de confinement », a-t-il souligné.
Concernant le taux de létalité que beaucoup considèrent élevé au Maroc par rapport à d’autres pays, le Dr Jaafar Heikel a expliqué qu’il est dû à plusieurs paramètres.
« Ce n’est nullement une question de compétence du corps soignant mais le résultat de tout un système dont le délai d’arrivée des patients, la gravité du cas du patient au moment du diagnostic, la rapidité du dépistage des patients et le fait de les traiter rapidement, etc. », a expliqué le spécialiste. Et d’ajouter : « Le niveau de létalité au Maroc est inférieur à celui de l’Italie ou de l’Espagne et plus élevé que la Corée du Sud et l’Allemagne. Ce sont beaucoup de critères qui jouent dans l’interprétation de ce taux. Heureusement que l’Etat marocain a pris les mesures rapidement et avec courage. En l’absence de ces mesures, nous aurions enregistré beaucoup plus de décès. »
Le docteur a appelé à une relativisation des chiffres, et à un diagnostic plus précoce en insistant sur la prudence, rappelant l’augmentation ces derniers jours du nombre de cas : « Il est vrai que le Maroc a pris des mesures drastiques et a été plus réactif que beaucoup d’autres pays mais cela devrait nous inciter non pas à un relâchement mais à rester extrêmement vigilants ».
Pour ce qui est de l’impact du confinement sur l’évolution du nombre de cas de contamination au coronavirus, Dr. Allal Amraoui a rappelé que le confinement est la meilleure riposte contre cette épidémie.
« Le confinement, à travers l’expérience mondiale, a montré l’importance des mesures prises très tôt et comment les chaines de contaminations ont été cassées », a-t-il affirmé. Et d’ajouter : « Le confinement tel qu’il a été réalisé au Maroc, a été plus strict que dans d’autres pays avec notamment la fermeture des frontières et la réduction des déplacements entre les villes, mais il faut reconnaitre que ce que dernier a ces limites ».
Pour le chirurgien, le confinement connaît une limite sociale. Selon lui, l’annonce de bonnes nouvelles est synonyme de relâchement des citoyens. Il y a aussi les limites économiques avec l’impact sur certaines couches sociales, etc. « Il est vrai qu’aujourd’hui le confinement nous a évité une situation dramatique mais en même temps cela ne peut pas durer indéfiniment. Heureusement qu’il y a des pays qui sont en avance sur nous au niveau de l’épidémie et on a des choses à apprendre d’eux. On doit également réfléchir avec beaucoup d’intelligence au déconfinement », a-t-il conclu.
Concernant le nombre de test réalisé au Maroc le Dr. Jaafar Heikel estime qu’on devrait en faire au moins 30 fois plus.
« Le Maroc a tout bien fait pour contrer cette pandémie, la seule chose qu’on devrait améliorer c’est le nombre de dépistage. C’est la question cruciale », a-t-il affirmé. Pour lui, le dépistage rapide des cas permet de les sortir de la chaine de transmission, et de renforcer encore plus confinement. « Aujourd’hui, le nombre de cas dépistés au Maroc reste trop faible, et c’est crucial pour nous à cette phase d’effectuer plus de dépistage », a souligné l’épidémiologiste. Et de conclure : « Si nous voulons redonner du souffle social et économique, nous devons, nous professionnels de la santé, aider à stopper l’épidémie, parce que celle-ci a des conséquences au-delà du monde médical. Cette crise ne devrait pas durer et c’est pour ça qu’il faudra penser intelligemment à toutes les mesures et en particulier élargir le dépistage. »
Plus de tests !
Un avis partagé par le Dr. Amraoui, qui a expliqué que la généralisation des tests est essentielle au déconfinement, affirmant que le Maroc ne dispose pas des moyens pour effectuer des tests massifs et rappelant que les moyens de dépistage sont aujourd’hui une denrée rare partout dans le monde.
« Il y a plusieurs pistes à étudier pour les tests de dépistage pour le déconfinement, mais ce qui est sûr c’est qu’on ne pourra pas disposer d’un nombre élevé de dépistage comme fait aujourd’hui l’Allemagne. Cependant il faut préciser qu’au Maroc, même avec un nombre restreint de tests, mais avec un bon ciblage, on a pu contrôler l’épidémie », a-t-il expliqué. En mot de la fin, il a ajouté que « pour sortir du confinement, on aura certes besoin de tests à plus grande échelle, mais on en aura pas autant que d’autres pays. À nous de trouver d’autres moyens pour arriver à cerner les choses et rentabiliser au maximum les moyens dont on disposera. »
A. Loudni