La directrice générale du Fonds monétaire international , Kristalina Georgieva
Par Afifa Dassouli
La tendance de commencer une nouvelle année par l’établissement d’un bilan de la précédente, est pour 2022 inutile ! En effet, sur le plan économique les causes et conséquences aggravantes d’une crise économique se perpétuent d’une année à l’autre, soit en 2023. Il s’agit du choc géopolitique et énergétique conséquent à la guerre en Ukraine qui s’enlise en 2023 et qui sera déterminant pour les prix de l’énergie, des céréales et des métaux et impacteront ainsi l’économie mondiale.
Ainsi, le prix du gaz en Europe de 70 euros le MWh, est trois à quatre fois plus cher que pendant les deux décennies qui ont précédé la pandémie. Et une nouvelle explosion des cours à 300 euros le MWh est attendue dans le cas d’une dégradation de la situation en Ukraine. Pour le pétrole, le marché devrait se tendre sous l’effet des sanctions occidentales contre la Russie, et l’embargo européen sur les produits pétroliers russes, qui entrera en vigueur en février, même si l’OPEP ne veut pas rouvrir les vannes du brut, ce qui fait craindre une pénurie en Europe.
Le baril de Brent, en moyenne à 99 dollars en 2022, pourrait s’établir à 89,37 dollars cette année même si des analystes envisagent sérieusement qu’il dépasse les 100 dollars en fin d’année. L’inflation née en 2022 continue en 2023 poussant les banques centrales à acter un resserrement monétaire face à cette dernière. L’inflation, d’abord vue comme temporaire, s’est envolée et installée, dépassant quasiment partout les 10%.
Pour lutter contre ce nouveau phénomène, les instituts monétaires ont procédé à leurs plus importantes hausses de taux depuis les années 1980 pour la Réserve fédérale, et depuis sa création pour la Banque centrale européenne. Ce durcissement a fait plonger le marché obligataire mondial, qui a réalisé sa pire performance en 20 ans. Par ailleurs, l’impact de la politique « zéro Covid » de la Chine a accentué les tensions sur les chaînes d’approvisionnement au niveau mondial, contribuant aux pressions inflationnistes. Une sortie de sa crise sanitaire permettrait à l’économie chinoise de soutenir les autres économies et certains secteurs en particulier comme celui du luxe, très dépendant de la clientèle asiatique et de la production de matières premières.
L’économie mondiale connait une réelle dégradation, que la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, a acté dimanche, 1er janvier 2023, en annonçant que « l’économie mondiale allait connaître une année 2023 difficile, plus difficile que celle qui vient de s’écouler. Nous nous attendons à ce qu’un tiers de l’économie mondiale soit en récession », a-t-elle affirmé, « les trois grandes économies – Etats-Unis, Union européenne, Chine – ralentissant simultanément ».
Le vieux continent européen, est particulièrement vulnérable en raison de sa dépendance aux importations d’énergie. En octobre dernier, le FMI tablait sur une croissance mondiale de 2,7 % pour 2023. Il avait alors déjà prévenu que plus d’un tiers de l’économie mondiale se contracterait et qu’il y avait 25 % de chances que le PIB mondial augmente de moins de 2 % en 2023, ce qui correspond à la définition d’une récession selon le FMI.
Toutefois, les Etats-Unis pourraient éviter la récession, selon la directrice générale du FMI, notant que, grâce à un marché du travail toujours dynamique, « l’économie américaine est remarquablement résiliente ». Si cette résilience continue, les Etats-Unis aideraient le monde à traverser une année très difficile », a-t-elle estimé. Contrairement à l’UE qui est « très sévèrement touchée par la guerre en Ukraine », et « dont la moitié sera en récession en 2023 », a précisé Kristalina Georgieva au nom du FMI.
D’autant que les États européens, privés du soutien de la BCE qui arrêtent de racheter leurs dettes, vont emprunter à tour de bras sur les marchés. Leurs émissions de dette devraient dépasser les 1 200 milliards d’euros, en hausse par rapport à 2022. Alors que la fin de la crise du Covid – et donc des différentes mesures de soutien à l’économie – pouvait laisser espérer un retour à plus d’orthodoxie budgétaire, la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine a, au contraire, creusé les déficits.
La France va lever 270 milliards d’euros soit près d’un quart des émissions souveraines en zone euro et l’Allemagne, 500 milliards. De fait, les États ne peuvent plus compter sur le refinancement de la banque centrale et devront donc se tourner vers les marchés de capitaux où les investisseurs traditionnels devraient faire leur retour avec la remontée des taux souverains, même s’ils se montreront plus sélectifs que ne l’était la BCE.
Pour ce qui concerne notre pays, les déclarations de M. Jouahri, Gouverneur de Bank Al Maghrib, le 20 décembre dernier en marge de son dernier Conseil, rejoignent totalement celles du FMI et des analystes sur le plan mondial, preuve en est de la pertinence des prévisions de la Banque Centrale du Maroc. Selon lui la conjoncture économique internationale reste marquée par l’enlisement du conflit en Ukraine, l’inflation qui est globalement très élevée et un resserrement monétaire synchronisé qui s’impose, elle-même étant au second relèvement de son taux directeur à 2,5%. Quand la FED a décidé à l’issue de sa réunion des 13 et 14 décembre de relever d’un demi-point de pourcentage la fourchette cible du taux des fonds fédéraux à [4,25%-4,50%] et a indiqué qu’elle continuera à réduire ses avoirs en titres du Trésor conformément au plan publié en mai dernier.
Et que la BCE a décidé le 15 du même mois d’augmenter ses taux de 50 points de base. Concernant son programme d’achats d’actifs, elle a décidé de commencer à le réduire à partir de mars 2023. En conséquence, les perspectives de l’économie mondiale continuent de se détériorer avec une forte décélération de la croissance attendue en 2023. La croissance de l’économie mondiale qui a ralenti de 6,1% en 2021 tomberait à 3,1% en 2022 puis à 2,2% en 2023.
Pour ce qui concerne l’inflation en cause, aux Etats-Unis, elle a atteint 8% en moyenne en 2022, avant de revenir en prévision à 3,9% en 2023, dans la zone euro elle s’établirait à 8,4% en 2022 et décélérerait à 6,5% en 2023 quant au niveau national, elle a évolué à un rythme soutenu de 8,1% en octobre 2022, et ne peut que continuer sur sa lancée dans les circonstances actuelles.
Tant de chiffres pour établir qu’une crise économique est bien déjà installée pour 2023 au niveau mondial, que seule la fin de la guerre et de la flambée des prix pourrait contenir…
Afifa Dassouli