C’est une véritable et scandaleuse cacophonie à laquelle on assiste depuis le début de cette année, essentiellement liée à la volonté affirmée et pleinement légitime de la Direction générale des Impôts, d’accomplir son devoir légal, tel que prescrit à la fois par différentes lois de Finances, (notamment celle de 2018) et plusieurs articles du Code général des Impôts.
Pire encore, ce vaste branle-bas de combat contre le Fisc et ses hommes, mené tout à la fois par des catégories socio-professionnelles, des corps de métiers et des partis politiques (qui songent déjà aux élections de 2021 !), est proprement inacceptable parce que d’abord anticonstitutionnel.
En effet, la Constitution du 1er juillet 2011, votée par une écrasante majorité de Marocaines et de Marocains, fait obligation à tout citoyen de se conformer à son devoir fiscal.
Le Ministère des Finances, à travers ses directions générales comme la DGI et la Douane, est donc parfaitement dans l’accomplissement des missions qui lui sont dévolues, et ce, d’autant que « l’urgence sociale », mise en exergue par plusieurs et successifs discours royaux récents, lui fait également obligation de donner aux caisses de l’État les moyens de financer cette nécessité impérieuse.
Aujourd’hui, pourtant, ce sont 50 milliards de dirhams qui manquent annuellement à l’appel fiscal du fait de la dissimulation, la fraude, la contrebande, etc.
En récupérer ne serait-ce que la moitié permettrait à la fois de financer l’effort social en faveur des plus démunis, de réduire les inégalités, d’assurer une meilleure couverture sanitaire, éducationnelle, etc., mais aussi d’alléger la pression fiscale qui pèse sur les salariés qui subissent le prélèvement à la source pour l’IR, et les entreprises (trop rares) qui respectent les prescriptions légales en matière d’IS, de TVA, de CNSS et d’IR.
Mais, au lieu d’inviter les citoyens à agir en « bonus pater familias », de mener campagne pour sensibiliser sur les dangers qui pèsent sur la paix sociale du fait de l’incapacité de l’État de répondre rapidement aux attentes légitimes des populations, exprimées parfois avec force (Al Hoceima, Jerada, etc.), on assiste à une dérive comportementale qui vise à défendre l’informel, la sous-facturation, la fraude à la TVA et à l’IS.
Haro sur la norme !
Il se trouve aujourd’hui, des hommes politiques, des parlementaires qui osent demander une Loi de Finances rectificative, pour céder aux doléances des commerçants, quand il ne s’agit pas, tout simplement, d’exiger l’abrogation d’articles du Codes des Impôts, (Art 41 et Art 145), ou encore la cessation des opérations de contrôle de la Douane sur les routes et autoroutes, mais aussi dans les dépôts clandestins où sont amassées des tonnes de marchandises de contrebande, très souvent périmées, mais « rajeunies » grâce à des machines à étiqueter pour en modifier les dates de péremption !
Au lieu de se battre pour conforter le secteur formel, la légalité, dans un objectif d’équité fiscale et de justice sociale, certains, au PAM et au RNI, par exemple, demandent que l’on revienne sur la facturation électronique et l’ICE, alors que ces mesures étaient déjà prévues par la Loi de Finances 2018 et qu’elles sont toujours inapplicables parce que dépourvues de décret d’application !
Mais qu’importe, l’essentiel n’est pas de convaincre du bien-fondé de ces mesures de transparence fiscale, destinées d’ailleurs aux grossistes, ces repus qui déclarent, majoritairement, tout juste 4200 dirhams par an de bénéfices !!!!
L’important n’est pas de communiquer sur les exonérations qui concernent les détaillants et les petits commerçants, qui, jusqu’à 1 million de dirhams de chiffre d’affaires par an, ne sont pas tenus de tenir une comptabilité ou qui, jusqu’à 2 MDH annuels, sont exonérés de TVA.
Non, ce qu’il convient de faire, selon ces « politiques », c’est de caresser les contrevenants dans le sens du poil, de les conforter dans leurs actes illicites, de tuer le secteur formel, la libre concurrence et la compétition, au profit d’un secteur informel qui menace, avec son extension voulue par populisme et démagogie électoraliste, les fondements financiers mêmes de l’État !
Que dire, également, de ces autres « politiques », du PJD pour le nommer, formation partisane qui dirige une coalition majoritaire, gouvernementale et parlementaire, et dont le « primus inter pares », M. El Othmani, décide de la non-applicabilité de dispositions légales, contenues notamment dans la Loi de Finances ?
C’est, également, la même tentation électoraliste qui l’anime, celle de se ménager, à l’avance, le soutien de milieux économiques qui opèrent en marge de la loi, puissants et riches, dont les moyens sont issus de la fraude et de la contrebande et qui usent de leur influence sur des secteurs entiers d’activités. Qu’importe donc leur incivisme s’ils accomplissent leurs devoirs religieux, sans doute !
Ennemis de l’État et du Peuple
Et contre qui cela se retourne-t-il ?
D’abord, contre l’État et la collectivité, premières victimes de ces comportements délictueux car privés des moyens légitimes d’action.
Contre l’Administration ensuite qui, faite de fonctionnaires patriotes et consciencieux, applique les directives légales qui lui sont dévolues.
Contre des millions de citoyens encore, salariés des secteurs privé et public et qui, prélevés à la source, représentent 95 % des montants collectés de l’IR, mais aussi contre les quelques milliers d’entreprises qui se conforment à la loi, contrairement à des centaines de milliers d’autres !
Contre la volonté clairement exprimée par le Souverain enfin, celle de mettre en place un nouveau modèle de développement économique et humain, lequel assurément, comporte un volet équité fiscale incontournable.
Voilà pourquoi il ne saurait y avoir de retour en arrière dans la démarche entreprise pour mettre les fraudeurs et les dissimulateurs au pas.
Et comme écrit il y a quelques semaines, Illal Amam !
Fahd YATA