
Edoh Kossi Amenounve, Directeur général de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières d'abidjan
Dossier spécial du blog Afifa Dassouli : Les financements alternatifs des infrastructures et des PME
- À l’initiative de l’AMMC, les régulateurs africains et arabes se réunissent à Rabat
- Prendre le relais des pouvoirs publics
- Comment financer la PME par le marché des capitaux, pistes et réflexions
Lors de la quarantième réunion du Comité régional Afrique-Moyen-Orient de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs, tenue à Rabat le 25 janvier dernier, à l’invitation de l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux, l’assistance a pu apprécier les analyses de panélistes de haut niveau portant sur « l’accès des Pme au financement des marchés financiers ».
En effet, selon les intervenants, une telle problématique pose un constat de grande importance, selon lequel il ne faut pas confondre les petites et moyennes entreprises avec les grandes entreprises. Et c’est le financement des PME qui constitue véritablement la question cardinale.
Partager les rôles
Partant de cette évidence, le panel évoqué plus haut a mis en exergue plusieurs nécessités et solutions.
Ainsi, du fait que les PME ont des besoins de financement à court, moyen et long terme, les banques, en intervenant sur le court terme, peuvent parfaitement jouer leur rôle de financement de leurs besoins en fonds de roulement, BFR, à charge pour les marchés de se concentrer sur les financements à moyen et long termes.
Pour ce faire, la solution première serait de leur destiner un compartiment de la bourse de valeurs.
Le ministre de l’Économie et des Finances a d’ailleurs évoqué l’annonce prochaine d’un compartiment PME à la Bourse de Casablanca.
Mais, pour que les PME s’inscrivent à la cote, il ne s’agit pas seulement de leur alléger les critères d’introduction ou de leurs accorder des avantages fiscaux, lesquels n’ont d’ailleurs pas donné leurs fruits au Maroc.
Il faut donc trouver de nouvelles approches.
Le bon sens ivoirien
Le Dr. Edoh Kossi Amenounve, Directeur général de la Bourse Régionale d’Abidjan, (BRVM), de Côte d’Ivoire, l’un des intervenants de ce second panel, considère à juste titre qu’il s’agit d’accompagner les PME vers le marché boursier en leur inculquant, elles qui sont souvent des entreprises familiales, que leur introduction en bourse leur permet de s’inscrire dans une certaine pérennité et d’assurer leur développement sur le long terme.
Il s’agit donc de les accompagner vers un changement de mentalité car aujourd’hui, elles ont du mal à partager leurs entreprises en cédant une partie du capital et surtout en déléguant le management.
Et les régulateurs doivent s’associer à ce travail de migration des PME vers le marché financier.
L’autre outil d’accompagnement des PME vers le marché financier reste, comme c’est le cas dans les pays occidentaux, les fonds de private equity ou capital risque.
Le capital-risque permet en effet de développer les PME et doit également faciliter l’entrée en bourse des entreprises ainsi mises à niveau.
Pour ce, il s’agit de définir des méthodes d’évaluation des entreprises détenues par ces fonds, de les rendre publiques et donc connues d’avance.
Enfin, le financement des PME sur le marché des capitaux doit se faire, certes, par le marché financier, mais aussi par des émissions obligataires, ce qui suppose un marché des obligations, privé, réglementé et surtout liquide.
Et M. Amenounve de recommander de dédier à la PME un marché obligataire spécifique où les émissions peuvent être directes où par titrisation interposée, prenant l’exemple de l’Italie où les » mini bonds » ont eu beaucoup de succès.
Enfin, Il faut absolument distinguer les startups des Pme classiques en créant un marché dédié à la première catégorie car il s’agit de deux risques différents.
Celui des startups est par nature plus grand et deux types d’investisseurs différents caractérisent la startup et la PME classique.
La voie marocaine, pas très réussie !
Pour le Maroc, M. Karim Hajji, Directeur général de la Bourse de Casablanca a présenté le programme ÉLITE, mis en place avec l’assistance de son partenaire, le London Stock Exchange. Ce programme se décline en trois phases.
La première, Get Ready, consiste en la préparation des entreprises en les aidant à définir une stratégie de croissance.
La seconde, Get Fit repose sur une meilleure organisation interne et une gouvernance appropriée à la stratégie définie et son financement.
La troisième, Get Value, consiste à présenter la PME aux investisseurs avec une certification Elite à la clé.
La Bourse de Casablanca a réuni 48 entreprises dans ce programme depuis 2016, mais malheureusement, quatre seulement ont l’intention de s’introduire à la cote.
C’est dire qu’il en faut plus pour accompagner les entreprises marocaines à s’introduire en bourse.
Peut-être faudrait-il s’inspirer des recommandations de l’intervenant ivoirien citée plus haut ?
Et Mme Ana Florella Carvajal, Expert Capital Markets à la Banque Mondiale, de rebondir sur l’importance des fonds de capital-risque pour les PME, affirmant que ces derniers sont les mieux placés pour connaître cette catégorie d’entreprises, sachant que l’on a besoin d’informations sur les PME pour les financer.
L’autre question qui se pose, selon Mme Carvajal, c’est d’engager la complémentarité entre la levée de fonds et leur affectation aux besoins des PME.
L’exemple chilien
Ainsi, au Chili, la Banque Mondiale a mis en place une plateforme dédié à la levée des fonds pour les PME, s’adressant ainsi directement aux investisseurs et fonds qui s’y intéressent.
Par ailleurs, il s’agit de trouver le juste équilibre entre les procédures pour que les investisseurs soient informés. Le risque évalué doit être celui de l’activité et non celui de l’information, même si celle-ci doit être de qualité sans être fournie en quantité.
Les commissaires aux comptes doivent jouer le rôle d’intermédiaire entre les entreprises, les marchés et les investisseurs. Ce qu’ils ne font malheureusement pas.
In fine, chacun aura compris que la bourse doit être un moyen, voire un acteur de pérennisation des entreprises.
Elle consacre les plus belles histoires des entrepreneurs, d’autant que chacun sait que les PME offrent de meilleures rentabilités que les grandes entreprises …
Afifa Dassouli