Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy devant le Parlement, le 11 octobre 2017 à Madrid © AFP JAVIER SORIANO
L’Espagne célébrait jeudi sa fête nationale, symbole de l’unité du pays menacée par la crise entre la Catalogne et Madrid qui lui a donné jusqu’au 19 octobre pour revenir sur sa déclaration d’indépendance si elle veut éviter la suspension de son autonomie.
Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy et le roi Felipe VI doivent assister à la traditionnelle parade militaire dans les rues de Madrid pour commémorer la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492.
A Madrid, où de nombreux drapeaux espagnols ornent les balcons, les forces armées doivent descendre le boulevard du Paseo de la Castellana situé en plein centre-ville.
Et pour la première fois depuis 30 ans, la police nationale est conviée à défiler, moins de deux semaines après avoir été accusée d’être intervenue trop durement lors du référendum d’autodétermination, pour reconnaître son rôle après les attentats jihadistes meurtriers du mois d’août en Catalogne.
A l’occasion de la fête nationale, le ministère de la Défense a publié une vidéo montrant notamment des avions de combat en action avec le haschtag #OrgullososdeserEspanoles, signifiant: fiers d’être Espagnols.
A Barcelone, deux manifestations pour l’union de l’Espagne sont également prévues.
Mais l’humeur n’est pas franchement à la fête en Espagne, confrontée à sa plus grave crise politique depuis le retour de la démocratie en 1977, il y a quarante ans, avec la volonté des indépendantistes au pouvoir en Catalogne de forcer le divorce.
Mercredi, Madrid a enclenché le compte à rebours en donnant au président séparatiste catalan Carles Puigdemont jusqu’à lundi 10H00 (08H00 GMT) pour « clarifier » sa position sur l’indépendance.
Si le leader catalan persiste, ou ne répond pas, le gouvernement lui accordera un délai supplémentaire jusqu’au jeudi 19 octobre à 10H00 pour faire machine arrière, avant de prendre le contrôle de la Catalogne comme le lui permet l’article 155 de la Constitution.
– ‘Mandat’-
La suspension de l’autonomie, sans précédent depuis 1934, serait considérée par beaucoup de Catalans comme un affront. Elle pourrait déclencher des troubles dans cette région très attachée à sa langue et sa culture et qui avait récupéré son autonomie après la mort du dictateur Francisco Franco (1939-1975).
« On demande le dialogue et on nous répond en mettant le 155 sur la table. Entendu », a réagi Carles Puigdemont mercredi soir dans un tweet, ajoutant dans un second message: « Ils ont plus peur du dialogue que de la violence ».
La tension entre les deux camps monte depuis l’organisation d’un référendum d’autodétermination interdit et contesté qui s’est tenu le 1er octobre dernier, émaillé de violences policières.
Les séparatistes disent l’avoir remporté avec 90% des voix et une participation de 43%, des chiffres invérifiables en l’absence d’une commission électorale indépendante.
M. Puigdemont a déclaré mardi soir devant le Parlement régional avoir reçu un « mandat des citoyens de Catalogne » pour déclarer unilatéralement l’indépendance de cette région de 7,5 millions d’habitants pesant 19% du PIB de l’Espagne.
Le leader séparatiste, qui a ensuite signé le texte sans qu’il ait été soumis au vote, a suspendu la déclaration pour laisser une chance au dialogue.
Sans surprise, Mariano Rajoy a rejeté la demande de dialogue de Carles Puigdemont. « Il n’y a pas de médiation possible entre la loi démocratique et la désobéissance, l’illégalité », a répondu M. Rajoy, qualifiant la séquence au Parlement catalan de « lamentable ».
Déjà secouée par le Brexit, l’Union européenne, suit la crise avec inquiétude et affiche sa solidarité avec Madrid.
– ‘Prudence’-
Le gouvernement espagnol a également reçu le soutien du Parti socialiste, principal parti d’opposition, avant d’enclencher l’article 155 de la Constitution.
Les deux partis ont par ailleurs trouvé un accord pour étudier dans les mois à venir une réforme de la Constitution afin de tenter de résoudre la crise.
« L’article 155 est une disposition qui est assez large, on peut la moduler et c’est certainement ce que le gouvernement va faire dans une action qui est toujours guidée par la prudence et la proportionnalité », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Alfonso Dastis jeudi sur la chaîne française CNews, ajoutant: « nous espérons qu’il n’y aura pas besoin d’utiliser la force ».
Une arrestation de Carles Puigdemont et de son entourage dans le cadre d’une enquête judiciaire déjà ouverte pour sédition n’est pas exclue non plus, même si M. Dastis a dit espérer « ne pas arriver à cela ».
Madrid a déjà pris en septembre une mesure exceptionnelle en mettant sous tutelle les finances de la Catalogne, alors que de nombreuses entreprises, inquiètes de l’insécurité juridique, ont déménagé les sièges sociaux de leurs sociétés hors de la région.
LNT avec Afp