
Crédits : La Nouvelle Tribune
Si l’actualité d’aujourd’hui porte sur le nouveau modèle du financement bancaire des exclus, destiné à les organiser en auto-entrepreneurs ou en toutes petites et moyennes entreprises,
Si le plan d’appui au partenariat a pour objectif de porter le financement dans le rural pour créer une classe moyenne, objectif corroboré par le nouveau plan de développement agricole, Génération Green,
Et si dans ce plan intégré, les banques et les compagnies d’assurances se sont engagé les premières à financer cette catégorie de la population marocaine à un taux maximal de 2% et les secondes à les assurer via un package décès invalidité totale, assurance-crédit, de 0,1%,
Il ne faut pas oublier que ces réformes économiques innovantes basées sur l’élargissement de l’économie à toutes les régions dans le cadre d’un autre plan ambitieux, celui de la régionalisation avancée, sont parallèles à une réforme très attendue par les opérateurs économiques pour 2021, celle de la fiscalité.
En effet, la croissance économique est faible, le Budget de l’État insuffisant et déficitaire, la balance commerciale aussi car nous importons plus que nous n’exportons, celle des paiements est déséquilibrée et les réserves en devises atteignent à peine 5 mois d’importations, il s’agit donc de relancer la croissance, condition de redressement des autres agrégats macroéconomiques.
Plus de croissance favorisera aussi les jeunes promoteurs et les TPME pour booster le plan de soutien à l’entreprenariat.
La prochaine réforme fiscale, attendue pour 2021, est censée instaurer plus de justice, être plus égalitaire par un élargissement de l’assiette fiscale et enfin plus incitative pour les investissements.
En voici les grandes lignes, destinées à induire une reprise de la confiance des opérateurs économiques, d’autant qu’ils ont besoin de motivations pour traverser l’année 2020 dite transitoire sur le plan fiscal, du fait des trois amnisties destinées à les réconcilier avec les réglementations de l’administration fiscale, de l’office des changes et de la banque centrale.
Transition active
Une période intermédiaire ou transitoire mais qui est au demeurant encadrée par la Loi de Finances 2020, la première LdF qui intervient après les Assises de la fiscalité tenues en mai dernier, lesquelles s’inscrivaient dans le cadre d’une volonté d’impulser une nouvelle dynamique à la réforme fiscale, caractérisées également par la volonté d’y associer tous les partenaires et tous ceux qui sont concernés dans ce domaine.
Lors de ces assises, c’est également la première fois que l’on a évoqué l’élaboration d’une loi-cadre post-assises qui reprendrait globalement ses recommandations.
Ce projet de loi est aujourd’hui au Secrétariat général du Gouvernement et cela exige beaucoup de rigueur et de professionnalisme pour sa finalisation, et donc du temps.
Cependant, la Loi de Finances 2020 puise sa philosophie dans les recommandations des Assises, lesquelles se reflètent au niveau du projet de loi-cadre sur la fiscalité.
En voici les principales dispositions et principes
Plusieurs axes
Ainsi, le projet de loi évoque la réforme du dispositif concernant l’Impôt sur les Sociétés, car on ne saurait parler de réforme fiscale et se contenter de mesurettes.
Aujourd’hui, à propos de l’IS, on s’inscrit dans la tendance mondiale, baissière, de l’Impôt sur les sociétés pour permettre aux entreprises marocaines d’être compétitives en termes d’IS, dans un environnement international avec lequel le Maroc compose.
En effet, il faut tenir compte des recommandations de l’OCDE, de l’Union européenne, notre premier partenaire commercial et, par conséquent, réformer l’IS, en l’inscrivant dans cette tendance baissière de son taux et en conformité avec les normes internationales.
Sauf que la baisse du taux de l’IS doit se faire dans le respect des équilibres et fondamentaux du pays et qu’il convient d’être vigilants quant aux intérêts de notre économie, ce qui implique que cette baisse se fera dans un horizon de cinq ans dans la stricte application des engagements du Maroc à l’international.
Dans ce sens, aujourd’hui, avec la progressivité du taux d’IS, l’impôt est tout à fait correct pour les PME et les TPME, à 10% lorsque le bénéfice ne dépasse pas trois cent mille dirhams et à 20% quand celui-ci se situe entre trois cent mille et un million de dirhams, contre 17,5% auparavant.
Et pour la moyenne entre les 10% et les 20%, pour des résultats entre 300 000 et 1 000 000 de dirhams, l’IS se situe entre 15 et 16% tandis qu’au-delà d’un million, l’IS de 31% a été réduit à 28%.
Il faut préciser que cette progressivité de l’IS, qui n’est pas courante à l’échelle internationale, concerne donc la majorité des entreprises nationales, les PME et TPME étant, bien entendu, la grosse majorité du secteur entrepreneurial.
L’augmentation du taux de l’IS pour la tranche de bénéfice entre
300 000 et un million de dirhams, de 17,5% à 20% relève des recommandations des Assises selon lesquelles il s’agit d’harmoniser l’IS à 20%.
Et donc, le taux d’IS de 31% doit diminuer progressivement pour rejoindre ce même taux de 20%.
Le secteur industriel et le secteur agricole ont entamé ce processus et ils sont soumis à 20% d’IS à partir d’un seuil de 5 millions de dirhams depuis le 1er janvier 2020.
Haro sur les fraudeurs
La loi édicte les règles et les principes et ne peut aller au-delà des considérants pour lesquels elle a été créée.
Cela veut dire que la problématique est celle du comportement des contribuables, ou du moins de certains d’entre eux.
La Loi de Finances 2020 traduit une phase transitoire après les Assises, qui s’appuie sur le principe que le contrôle fiscal n’est pas une fin en soi et que l’Administration doit incarner une dimension pédagogique.
Il s’agit d’accompagner les gens, leur inculquer les valeurs exprimées par l’Article 39 de la Constitution qui énonce que chacun doit contribuer à l’impôt selon ses capacités.
Cette philosophie de l’impôt doit être très bien expliquée, ce qui nécessite cette phase transitoire.
Mais demain, il n’est pas exclu que l’on passe à la pénalisation de la fraude, que l’on resserre l’étau sur les fraudeurs, sachant que l’Administration fiscale a désormais tous les moyens de déceler les fraudes et notamment celles des fausses factures.
D’ailleurs, les amnisties contenues dans la Loi de Finances 2020, n’en sont pas dans le vrai sens du terme, elles sont plutôt des mises en garde qu’il faut comprendre comme un avertissement que cela ne pourra pas continuer de la sorte, que chacun doit avoir la conscience de payer ses impôts, conformément aux dispositions constitutionnelles et au Code général des Impôts.
L’assiette fiscale et son élargissement
L’élargissement de l’assiette fiscale repose sur deux volets.
Le premier consiste à intégrer ceux qui opèrent dans l’informel, c’est-à-dire en relevant leur existence, les identifiant et les conduisant à se conformer à la taxe professionnelle, l’ex-patente, pour les lister.
Le second volet concerne ceux qui se sont identifiés juste pour la forme, sachant qu’une bonne partie de leurs opérations et de leurs résultats sont réalisés en dehors de leur comptabilité.
Il faut savoir qu’avec la digitalisation de la Direction générale des Impôts, les services du Fisc sont de plus en plus informés grâce aux banques de données, aux data produites par ses partenaires qui détiennent l’information digitalisée, comme l’Office des Changes, la Douane, et d’autres encore.
Mais la chose sur laquelle il faut insister, c’est qu’il convient de construire le citoyen qui assume ses responsabilités à l’égard de la communauté, du Trésor public, et qui paye ses impôts en ayant la conscience d’accomplir un geste positif, normal et nécessaire, avec civisme !
Avant de parler de l’obligation de payer des impôts, il convient de faire intégrer aux citoyens une bonne dose de pédagogie fiscale !
Il faut que les gens comprennent la philosophie de l’impôt, pourquoi le payer, à quoi sert-il, quelle est sa contrepartie pour le citoyen-contribuable.
Car nombre d’entre eux contestent le comportement de contribuable responsable, alors qu’ils vivent dans la sécurité, circulent sur des routes et autoroutes, voyagent grâce aux ports et aéroports, disposent d’écoles et d’hôpitaux, de stades, etc…
Il faut que l’Administration réussisse à expliquer aux réfractaires qu’elle veut être un partenaire et qu’elle n’exige rien d’autre que l’impôt réellement dû et rien de plus.
Ces « amnisties » signifient donc dans un tel contexte qu’il faut trancher avec les comportements antérieurs et que cette chance ne se reproduira plus.
Il ne s’agit donc pas d’amnistie au sens premier du terme, mais de déclaration rectificative qui apure le passé et qui établit à partir de ce moment-là un lien de confiance entre l’Administration fiscale et le contribuable pour l’avenir.
l’IR, trop lourd et disparate…
Lorsqu’on évoque l’IR, il y a deux catégories de contribuables.
Pour les salariés, il y a ceux qui payent et ceux qui ne paient pas.
En ce qui concerne ces derniers, il s’agit de ceux qui sont exonérés, après les abattements, les 20% de frais d’emploi, et d’autres aménagements tels ceux de la retraite, la Sécurité sociale, etc.
Ceux-là représentent aujourd’hui une grosse partie, soit beaucoup plus de 50%.
Donc, un éventuel aménagement des tranches de l’IR ne concerne que ceux qui l’acquittent et donc les premiers ne pourront voir leurs salaires s’améliorer par une baisse de l’IR qui se répercutera sur les salaires nets.
Parler donc de l’IR, c’est évoquer la problématique de la cible.
Il faut aussi savoir que dès que l’on touche aux tranches de l’IR, cela coûte cher à l’État.
Une baisse, même minime, occasionne en effet une perte de plusieurs milliards de dirhams pour les caisses publiques.
C’est la raison pour laquelle les recommandations des Assises ont conditionné la baisse du taux de l’IR concomitamment à l’élargissement de l’assiette fiscale.
Donc, dans les cinq ans d’application de la réforme fiscale, l’élargissement de l’assiette permettra une baisse de l’IR.
La TVA et sa neutralité
La réforme fiscale contient le dispositif de l’IS, l’IR et la TVA marquée au sceau de la neutralité conformément à un principe universel.
Il ne faut pas que la TVA soit un impôt destiné, par exemple, à résoudre les questions de disparités sociales.
Car, lorsqu’on veut arranger les prix de certains biens ou services, la réduction des taux de TVA profite à tout le monde, les riches comme les pauvres.
C’est pourquoi, la TVA ne peut être un argument de politique sociale.
Donc, conformément aux recommandations des Assises, on s’acheminera vers deux taux, et le supplément que devront supporter certaines couches sociales sera compensé par des solutions à partir des impôts directs.
Il n’est pas possible aujourd’hui d’aller vers un taux unique de 20%, parce que les répercussions sociales seront lourdes.
L’objectif de neutralité implique les mêmes taux, en amont et en aval.
Réforme fiscale et PME
Dans le texte provisoire de la loi cadre en question, il y a tout un chapitre réservé à la simplification de la fiscalité et notamment en faveur de la PME.
La DGI est en train d’établir des normes, des standards pour définir la PME.
Et lors des dernières Assises, tous les partenaires ont été écoutés, ce qui a permis de comprendre qu’il était nécessaire de simplifier le « mille-feuilles » fiscal.
Déjà, pour les PME, les petits commerces et les petits contribuables aux revenus modiques, il est prévu d’essayer de mettre en place une fiscalité à impôt unique.
Au lieu qu’il y ait l’IR, la taxe professionnelle, (la patente), une taxe communale, etc., tout cela sera remplacé par un seul impôt, dans un souci d’unification, de rationalisation et de simplification.
A la précision près cependant qu’en ce qui concerne les PME, la majorité d’entre elles sont déficitaires, et ne payent donc pas d’IS
Leur accompagnement ne sera pas de nature fiscale puisqu’elles sont déjà, très majoritairement, défiscalisées et dans le pire des cas, soumises au taux de 10% d’IS.
La loi-cadre, elle, propose d’autres simplifications de la fiscalité des PME.
Par exemple, la taxe professionnelle calculée sur la valeur locative des immobilisations, ne le sera plus.
Désormais, il est suggéré de réformer la fiscalité des collectivités locales afin que la taxe professionnelle ne soit pas calculée sur la valeur locative des moyens de production, car cela revient, en quelque sorte, à pénaliser l’investissement.
Des mesures d’assouplissement sont donc en cours d’examen pour l’adosser à une base beaucoup plus rationnelle.
La loi-cadre de réforme fiscale et l’incitation à l’investissement
L’investissement, c’est d’abord un ensemble de règles que les investisseurs veulent que l’État revoie afin de leur permettre d’enjamber, de dépasser certaines difficultés pour le dynamiser.
Dans cet objectif, les leviers nécessaires pour l’investissement sont possibles à travers son financement par l’augmentation de l’épargne, mais aussi en apportant une souplesse à la législation.
Par exemple, pour les groupes de sociétés ou holdings avec de nombreuses filiales, il était permis à un certain moment à ces sociétés filiales de transférer leurs biens corporels en neutralité fiscale. Celle-ci sera étendue au transfert des actifs financiers et des immobilisations incorporelles. C’est ce qui a été fait au niveau de la LdF 2020.
L’épargne est également un levier à travers les plans d’épargne entreprises et les plans d’épargne actions, qui sont défiscalisés pour permettre notamment de dynamiser la bourse et de dégager de nouveaux moyens de financement pour l’investissement.
C’est pourquoi leur plafond a été porté de 600 000 dirhams à deux millions de dirhams selon les stipulations de la Loi de finances 2020.
Il n’est donc pas prévu à ce stade une fiscalisation incitative de l’investissement dans la Loi de Finances 2020, mais au niveau de la loi-cadre, il est prévu la mise en œuvre d’une vision stratégique des politiques fiscales qui devront tenir compte de plusieurs priorités et parmi lesquelles, l’incitation à l’investissement productif créateur d’activités et d’emplois.
Et, au fur et à mesure de son déroulement sur cinq ans, celle-ci portant réforme de la fiscalité, les déclinaisons s’appliqueront progressivement, notamment en termes de mesures fiscales incitatives.
La réduction du taux de l’IS à 20% est d’ailleurs un encouragement en soi à l’investissement dans le secteur industriel.
La réforme de l’Administration
Il s’agit de la gouvernance de l’Administration fiscale qui doit elle-même évoluer.
Et la loi-cadre lui réserve tout un chapitre qui énonce la poursuite du processus de modernisation et de dématérialisation, de la professionnalisation et du renforcement du capital humain, mais encore du renforcement des relations institutionnelles avec les partenaires et également la réduction des marges d’interprétation des lois qui seront plus claires et lisibles.
Il est également prévu le renforcement de l’assistance aux contribuables.
L’amélioration des moyens de communication et d’information figure aussi au menu de cette loi-cadre en vue d’inciter les contribuables à s’acquitter spontanément de leurs contributions fiscales, comme exposé plus haut, ainsi que l’évaluation systématique de l’Administration fiscale dans ses relations avec le contribuable.
Car l’objectif principal de la loi-cadre de réforme fiscale consiste en l’introduction dans le système national des principes et des valeurs de droit et de civisme fiscal.
Afifa Dassouli