La réduction progressive de l’écart entre l’emploi industriel des femmes par rapport à celui des hommes au Maroc pourrait aboutir à des progressions sensibles du PIB industriel, selon l’étude « Coûts économiques des inégalités de genre dans le marché du travail au Maroc », présentée vendredi lors d’un webinaire.
Une réduction complète de l’écart des niveaux d’activité entre les hommes et les femmes, générerait une hausse du PIB par habitant de 39,5% comme effet maximal, relève-t-on des conclusions de cette étude réalisée par la Direction des Études et des Prévisions Financières (DEPF) relevant du ministère de l’Économie et des Finances, en partenariat avec le Centre d’excellence pour la budgétisation sensible au genre (CE-BSG) et ONU Femmes.
S’exprimant lors de ce webinaire, le Directeur des Études et des Prévisions Financières (DEPF), Mounssif Aderkaoui, a précisé que le Maroc a connu une baisse tendancielle du taux d’activité des femmes dans les deux dernières décennies qui est passée en l’espace de deux décennies de 30,4% en 1999 à 19,9% en 2020. « Au delà des inquiétudes qu’elle soulève, cette baisse peut être interprétée aussi comme révélatrice de l’existence de réserves de croissance économique non encore utilisées, que notre pays pourrait mobiliser pour qu’il parvienne en réunissant les conditions requises pour régler les multiples dysfonctionnements qui entravent la mobilisation du potentiel des femmes », a affirmé M. Aderkaoui. Et de souligner que durant les deux dernières décennies, le Maroc s’est engagé de manière « délibérée » et « volontariste » dans un vaste chantier de réformes multidimensionnelles, permettant d’ouvrir des perspectives prometteuses, y compris en matière de promotion de l’égalité des genres en particulier la nouvelle Constitution qui a consacré cette égalité dans l’accès aux droits politiques, économiques, sociaux et culturels et environnementaux.
Les programmes stratégiques et les stratégies sectorielles s’inscrivent dans la même perspective et affiche désormais un intérêt particulier pour la valorisation du rôle de la femme. Cependant, si les efforts consentis jusqu’à présent demeurent encourageants et prometteurs, ceci ne devrait pas perdre de vue la persistance de certaines insuffisances liées particulièrement aux contraintes d’accès des femmes aux opportunités économiques.
De son côté, la représentante du Bureau Multipays de l’ONU-Femmes pour le Maghreb, Leila Rhiwi, a fait observer que plusieurs obstacles subsistent face à l’intégration des femmes au marché d’emploi. Cependant, les femmes continuent à travailler plus, appelant à diminuer les obstacles systémiques qui empêchent les femmes de participer de manière égale dans les secteurs public et privé.
Ces inégalités entre les femmes et les hommes au niveau de l’accès au marché du travail impactent directement la croissance économique du pays, a-t-elle insisté, faisant observer que « la majorité des femmes continuent à avoir un emploi précaire et informel ».
Et d’ajouter que malgré des avancées enregistrées en la matière, des défis persistent encore, particulièrement, ceux liés à la faiblesse de l’accès des femmes aux opportunités économiques, induisant des pertes en points de croissance sous l’effet de la sous-utilisation de l’ensemble des potentialités humaines dont dispose le Maroc.
La réduction de ces inégalités d’accès à l’emploi, a-t-elle poursuivi, appelle à la réalisation de deux prérequis économiques. Il s’agit d’une part du renforcement d’un modèle du développement économique générateur d’emplois suffisants et adaptés aux compétences et qualifications des citoyennes et des citoyens, et d’autre part de la mise en place de politiques socio-économiques efficaces et adéquates dans les secteurs clés tels que l’éducation, la santé, la sécurité sociale. Quant au Directeur de l’Agence Française de Développement (AFD) au Maroc, Mihoub Mezoughi, il a souligné la nécessité d’instaurer une culture genre au sein de l’administration et de l’entreprise marocaines en se basant sur des approches intégrées et des objectifs assez clairs.
Abordant la Budgétisation Sensible au Genre (CE-BSG), M. Mezoughi a indiqué qu’il s’agit d’une politique inédite et originale qui assure un cadre pour formuler des politiques publiques qui encouragent et facilitent l’accès des femmes aux services publics et un accompagnement de l’administration. Elle instaure aussi un cadre de redevabilité donnant lieu à un engagement durable et réel.
Selon le directeur de l’AFD, ladite étude ressort, chiffres à l’appui, que la réduction des inégalités de genre dans le marché du travail est intimement liée à la promotion de la croissance économique du pays, notant que l’accès des femmes aux opportunités économiques s’avère un puissant levier de développement et un gage d’édification d’une société inclusive qui valorise l’ensemble de ses membres.
L’étude s’est appuyée sur l’analyse de l’évolution de la participation des femmes à la population active, au cours des deux dernières décennies, au Maroc et dans d’autres pays, en procédant à des croisements avec les performances économiques de ces pays. L’objectif étant de situer le Maroc par rapport à d’autres pays en termes de réduction des inégalités de genre, particulièrement, en matière d’accès au marché de travail. Elle s’est, également, intéressée à l’analyse de la répartition de l’emploi féminin et masculin par secteur d’activité, tout en mettant l’accent sur les facteurs qui déterminent l’accès des femmes à l’emploi au Maroc.
Réalisée en partenariat avec le CE-BSG avec l’appui de l’AFD et de l’Union Européenne, cette étude mène une analyse et une estimation des bienfaits en termes de points de croissance économique que pourrait générer l’accroissement de l’intégration des femmes dans le marché du travail au Maroc.
LNT avec MAP