Des migrants en famille tentent de rejoindre les Etats-Unis avant qu'expire une mesure facilitant leur arrivée, et traversent le Rio Grande depuis Matamoros au Mexique, le 11 mai 2023
L’incertitude règne vendredi à la frontière des Etats-Unis avec le Mexique, après l’expiration d’une mesure qui verrouillait depuis trois ans l’accès au territoire américain, semant la confusion chez de nombreux migrants et faisant craindre aux autorités un afflux « chaotique ».
Cette mesure, le « Titre 42 » visant à contrer la pandémie, a expiré jeudi à 23H59 (03H59 GMT vendredi).
Face aux républicains qui exigeaient son maintien et dénoncent une potentielle « invasion », le gouvernement du président démocrate Joe Biden, à nouveau candidat pour 2024, a rappelé que de nouvelles restrictions au droit d’asile ont été adoptées.
« Je veux être très clair: notre frontière n’est pas grande ouverte. Les personnes traversant notre frontière illégalement et sans fondement légal pour rester seront immédiatement (…) expulsées », a dit le ministre de la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas.
Toutefois, « nous sommes lucides sur les défis auxquels nous allons probablement faire face dans les jours et semaines à venir et nous sommes prêts à y répondre », a-t-il ajouté, notant qu' »un nombre élevé d’arrivées » avait déjà été observé « dans certains secteurs ».
M. Biden lui-même a récemment affirmé que la situation serait « chaotique pendant un moment ».
L’Etat fédéral s’est préparé, avec plus de 24.000 agents et forces de l’ordre à la frontière en plus de 4.000 militaires.
– Restrictions à l’asile –
Certains migrants se sont dépêchés de passer la frontière de quelque 3.000 km avant la levée du « Titre 42 » pour demander l’asile, de crainte que le changement de règles ne les empêche de le faire pendant cinq ans.
Le « Titre 42 », censé limiter la propagation du Covid-19, conférait la possibilité aux autorités américaines de refouler immédiatement tous les migrants entrés dans le pays, y compris les demandeurs d’asile. En trois ans, il a été utilisé à 2,8 millions de reprises.
De nouvelles restrictions au droit d’asile, finalisées par les ministères de la Justice et de la Sécurité intérieure, sont immédiatement entrées en vigueur jeudi soir.
Avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d’asile, sauf les mineurs isolés, devront désormais avoir obtenu un rendez-vous sur une application téléphonique centralisant les demandes, « CBP One », ou s’être vu refuser l’asile dans un des pays traversés.
Sinon, leur demande sera présumée illégitime et ils pourront faire l’objet d’une procédure d’expulsion accélérée, leur interdisant pendant cinq ans l’entrée sur le sol américain.
Confrontés aux changements des dispositifs migratoires, aux rumeurs propagées par les passeurs et à une procédure en ligne complexe, les migrants qui s’entassent dans le Nord du Mexique témoignent d’un casse-tête, amplifié par les bugs fréquents de l’application.
– Pleurs et frustrations –
A Brownsville, ville du Texas frontalière du Mexique, quelque 22.000 personnes campent du côté mexicain de la frontière, a assuré aux journalistes le sénateur républicain de cet Etat, Ted Cruz. Il s’est dit « en colère » face à une décision « délibérée » de l’exécutif démocrate « d’ouvrir la frontière à ce qui n’est rien moins qu’une invasion ».
Le sénateur républicain du Kansas Roger Marshall a déclaré sur Fox News que la situation à la frontière était un « désastre ».
« La menace numéro un pour notre sécurité nationale se trouve juste ici dans le Sud du Texas jusqu’à l’Arizona », a-t-il dit, « ce n’est pas l’Amérique dans laquelle j’ai grandi ».
Le représentant démocrate de Californie Mike Levin a accusé les républicains de jouer « au football politique » avec les difficultés du système d’immigration et de chercher à « marquer des points plutôt que travailler concrètement à le réparer ».
A Brownsville, l’AFP a vu des dizaines de véhicules de police déployés du côté américain du pont qui relie la ville à Matamoros côté mexicain.
Un peu plus loin, des équipements de terrassage étaient visibles avec des employés préparant l’installation de barbelés.
Dans les rues de la ville, Gabriel Landaeta, 22 ans, fait partie de ceux qui dorment dehors. « Si un jour quelqu’un fait un documentaire, qu’il dise que des Vénézuéliens au bon coeur sont venus ici en quête de bonheur », dit-il à l’AFP.
Avec leur mauvais anglais, lui-même et d’autres migrants tentent de se renseigner. « Le Titre 42 est terminé », leur dit un policier.
A El Paso (Texas), des centaines de personnes entrées jeudi ont vu leur dossier traité et pu déposer une demande d’asile. Mais beaucoup d’autres ont été retenues par les garde-frontières, parmi lesquels semblait régner une certaine confusion. « On ne sait pas », répond l’un d’eux lorsqu’on lui demande ce qui va arriver aux migrants qui ont pu passer.
Côté mexicain, à Ciudad Juarez, Agustin Sortomi explique que lui-même, son épouse et leurs deux enfants ont tenté plusieurs fois de se rendre aux autorités américaines mais ont chaque fois été refusés.
« Beaucoup de gens reviennent déjà en disant qu’ils ne laissent passer personne. Je ne sais que faire », dit-il à l’AFP. « Nous n’avons pas accompli notre rêve. Dieu seul sait quand nous le ferons ».
LNT avec Afp