Hassan Boubrik, Président de l’ACAPS
La loi 64.12 portant création de l’ACAPS, Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale, a été publiée le 04 mars 2014.
Le 06 février 2016, intervenait la nomination de son Président, M. Hassan Boubrik, précédemment Directeur de la DAPS (Direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale – Ministère de l’Economie et des Finances), laquelle cédait la place à la nouvelle Autorité de tutelle du secteur des assurances et de la prévoyance sociale au Maroc.
Le 14 Avril 2016, se tenait le premier Conseil de l’Autorité, après que l’ensemble de ses membres aient été désignés ou nommés comme les trois membres indépendants, sur décret du Chef du gouvernement.
Sur les sept membres du Conseil de l’ACAPS, on compte trois femmes, Mmes Fouzia Zaaboul, Directrice du Trésor et Finances Extérieures, Nezha Hayat, Présidente de l’AMMC et Imane El Malki, Magistrat près la Cour de Cassation. Depuis cette date, plusieurs de chantiers internes et externes ont été lancés et ont progressé de façon significative.
Sur les deux années écoulées, le Conseil de l’Autorité s’est réuni huit fois, autant dire que le rythme de travail de l’Autorité s’est fait à une allure soutenue.
Et de fait, il fallait rapidement préparer et mettre en place les outils internes de travail que sont le statut du personnel, l’organisation interne et l’organigramme. Par la suite, différents chantiers ont été entrepris et sont en cours de réalisation, essentiellement ceux de la mise à niveau des systèmes d’information.
Tout au long de sa première année d’existence, l’ACAPS a recruté 70 personnes, juristes, contrôleurs, actuaires et financiers du métier des assurances, des informaticiens, dont nombre viennent du secteur privé. Alors que la DAPS comptait un effectif de 100 personnes l’ACAPS dispose aujourd’hui de 170 ressources humaines.
En tant que régulateur, l’ACAPS a su s’adjoindre les talents nécessaires pour la réalisation de ses missions dans les meilleures conditions. Parmi les projets réalisés par l’Autorité, ceux qui touchent à la digitalisation de ses services que ce soit en matière de traitement des réclamations ou de déclarations des états réglementaires des entités soumises à son contrôle.
On signalera à cet égard, l’application « Web’Inter », qui fait office de guichet unique pour les déclarations des intermédiaires d’assurances et les actes administratifs (changement d’adresse, etc.).
Cette application a été finalisée et mise en action en décembre 2017 afin de permettre à l’Autorité de disposer des reportings des intermédiaires et de leur proposer des restitutions fiables et intègres quant à leur activité.
Elle vient ainsi remplacer les déclarations qui se faisaient sur papier et présentaient des difficultés lors de leur exploitation, alors qu’aujourd’hui, les chiffres concernant la production, les commissions perçues, etc., sont disponibles pratiquement en temps réel, soit une semaine après la fin de chaque trimestre. L’information est non seulement facilement exploitable, mais surtout très riche.
La nouvelle Autorité du contrôle du secteur des assurances a aussi mis en place une gestion électronique de ses documents. En effet, toute information qui arrive sous forme matérielle est scannée et archivée.
Le courrier est informatisé dans l’objectif d’avoir un accès plus simple à la documentation et pour que tous les échanges avec ses interlocuteurs soient digitalisés afin de gagner en productivité et de raccourcir les délais.
Considérant que l’ACAPS est aujourd’hui opérationnelle, son Président, M. Hassan Boubrik, a bien voulu répondre à nos questions dans l’entretien qui suit.
La Nouvelle Tribune :
M. Hassan Boubrik, La 5ème édition du Rendez-Vous de l’Assurance, qui s’ouvre ce mercredi 4 avril 2018, porte sur un sujet révélateur de l’évolution du secteur des assurances, « la disruption » qui traduit les mutations qui y sont intervenues. Comment le régulateur compte appréhender ces évolutions disruptives ?
M. Hassan Boubrik :
Les nouvelles technologies ont induit des bouleversements conséquents à tous les niveaux. Elles ont eu des impacts non négligeables sur les services financiers, notamment sur le secteur des assurances.
Ces évolutions créent des opportunités extraordinaires, mais nous mettent également, en tant que régulateur, face à un certain nombre de défis. Comment profiter pleinement des opportunités offertes, tout en assurant une protection appropriée aux assurés. Quel accompagnement pour les acteurs, notamment pour le réseau de distribution pour qu’il puisse s’adapter à ces changements. D’autres problématiques comme la protection des données personnelles ou le cyber-risque sont aussi à prendre en compte.
Vous êtes à la tête de l’ACAPS depuis deux années, pouvez-vous nous parler des principaux changements apportés par cette nouvelle autorité au secteur des assurances et de la prévoyance sociale ?
Je voudrais tout d’abord rappeler que la création de l’Autorité avait pour objectif de donner à la supervision des assurances et de la prévoyance sociale l’indépendance et la flexibilité nécessaires pour remplir ses missions. Ce faisant, notre pays se conforme aux meilleurs standards internationaux.
L’ACAPS a presque deux années d’existence. Depuis sa création et en plus des nombreux chantiers internes, elle s’est également attelée à poursuivre un certain nombre de chantiers réglementaires importants. Ainsi et s’agissant du secteur des assurances, nous avons d’abord préparé une circulaire générale de l’autorité dont l’objectif est de regrouper et de codifier les textes règlementaires éparpillés entre de nombreux décrets, arrêtés ou circulaires. Cette circulaire générale apporte également des nouveautés importantes, notamment en matière de gouvernance ou de cadre régissant la réassurance.
Cette circulaire a été examinée par la commission de régulation en novembre 2016. Elle a été également homologuée par le ministère de l’Economie et des Finances et est actuellement en cours d’étude au Secrétariat Général du Gouvernement (SGG). D’ailleurs, nous travaillons assidument avec les équipes du SGG pour une publication que nous espérons très prochaine au Bulletin Officiel.
Nous avons également préparé une série des textes d’application concernant les assurances contre les événements catastrophiques, le Takaful et la TRC/RC décennale. Tous ces textes ont été examinés en commission de régulation et transmis au Ministère de l’Economie et des Finances pour examen et signature ou homologation.
S’agissant du secteur de la prévoyance sociale, nous avons entamé le processus de contrôle prévu par la loi. Ce contrôle a d’ailleurs fait l’objet d’un rapport qui a été destiné au Chef du Gouvernement et qui a donné lieu à plusieurs recommandations. Nous avons par ailleurs travaillé sous la coordination des services de la primature et avec l’ensemble des parties prenantes, sur les textes d’application relatifs à l’extension de la protection sociale aux travailleurs non-salariés.
Vous avez parlé de nouveautés induites par la circulaire générale concernant la réassurance, pouvez-vous nous en dire plus ?
Cette circulaire, une fois publiée, apportera effectivement des changements notables au cadre régissant la réassurance. Ce changement est devenu nécessaire compte tenu de la suppression de la cession légale dont bénéficiait la SCR.
Ainsi, les créances sur les réassureurs seraient désormais admises en couverture des réserves techniques en fonction de leur rating. Nous gardons néanmoins aux réassureurs nationaux le traitement réservé aux meilleures notations.
Par ailleurs, nous abandonnons la logique d’approbation à priori des traités, en allant vers plus de responsabilisation des organes des entreprises d’assurances et un contrôle a posteriori. Désormais, chaque entreprise devra faire approuver par son conseil, dans le cadre du rapport de solvabilité, les principes directeurs et la stratégie devant régir sa politique de réassurance. Celle-ci devra obéir à trois critères : une couverture adéquate des risques, (ne pas laisser de risques dépassant la capacité de l’entreprise non couverts), une utilisation appropriée des capacités locales et une diversification et une bonne qualité des réassureurs.
Quelles sont les autres nouveautés introduites par la nouvelle circulaire générale des assurances ?
Cette circulaire introduit également des dispositions concernant les règles à observer en matière de procédures de calcul et de tenue des provisions techniques, l’objectif étant d’assurer une transparence et une permanence dans ces règles et d’éviter les situations où certaines compagnies interviennent sur les provisions pour ajuster leur résultats, (constater par exemple plus de provisions techniques lorsque les résultats financiers sont bons ou doter moins ou faire des reprises dans le cas où les marchés financiers et les portefeuilles de placements performent moins bien).
De nouvelles dispositions concernant les créances sur les intermédiaires ont été également apportées. Ces dernières étaient provisionnées selon le bon vouloir de chaque compagnie et ceci a donné lieu à des comportements qui n ‘étaient pas sains et qui ont conduit à une progression importante du stock de ces créances.
LA DAPS avait émis une circulaire il y a plus de deux ans, pour mettre un peu d’ordre et commencer à traiter le problème. Cette circulaire portait, entre autres, sur le reversement des primes.
Cette circulaire a été complétée avec des dispositions qui obligent les compagnies à provisionner les créances sur les intermédiaires pour primes non reversées dans les délais réglementaires.
D’autres dispositions concernent la gouvernance et l’agrément des dirigeants et des Commissaires aux Comptes des entreprises d’assurances.
La procédure d’agrément pour les agents d’assurance et les courtiers en assurance est-elle toujours appliquée ?
Oui, du fait que le projet de loi modifiant profondément cette réglementation est encore en examen auprès du Secrétariat Général du Gouvernement.
Le texte supprimera l’examen pour les agents d’assurances et le maintiendra pour les courtiers en assurances. L’objectif étant d’amener les compagnies à plus de responsabilité par rapport à leurs agents que ce soit en termes de formation, de qualification ou d’accompagnement.
En attendant, il y a lieu de rappeler qu’un examen professionnel vient de se dérouler en février 2018 et auquel quelques 1300 candidats « agents » et « courtiers » d’assurances se sont présentés.
Les candidats ont été soumis à un questionnaire informatisé (QCM) et les admissibles se sont ensuite présentés à une épreuve orale devant un jury. Sur les 1300 candidats et plus, 377 candidats ont été reçus.
Qu’en est-il des nouvelles assurances obligatoires ?
Comme je l’ai mentionné auparavant, nous avons préparé les textes d’application concernant ces nouvelles assurances et nous les avons transmis au Ministère de l’Economie et des Finances.
C’est le cas pour l’assurance contre les événements catastrophiques qui va concerner demain une partie significative de la population. En effet, et à titre d’exemple, l’assurance automobile comprendra obligatoirement une clause portant couverture contre tout événement catastrophique, tel qu’un tremblement de terre, une inondation, etc. Cette assurance couvrira non seulement le véhicule et ses occupants, mais également l’assuré, son conjoint et ses enfants à charge même s’ils ne se trouvaient pas dans le véhicule au moment de l’événement
Pour les victimes non assurées, un fonds de solidarité contre les événements catastrophiques permettra de les indemniser. Il sera alimenté d’une part, par les primes payées en contrepartie de cette clause et versées par les compagnies et d’autre part, par le Fonds de solidarité des assurances.
Je pourrais également vous parler des assurances sur les chantiers, la construction et la responsabilité décennale, que l’on appelle TRC-RCD.
L’assurance Tous Risques Chantier (TRC) assure une couverture aux tiers contre les dommages corporels et matériels causés à l’occasion des travaux de chantier (dont les dommages aux constructions mitoyennes). Cette assurance bénéficie également au maître de l’ouvrage, désormais garanti pour les dommages affectant son ouvrage par le fait et/ou à l’occasion des travaux de chantier.
L’assurance Responsabilité Civile Décennale (RCD) apporte une protection des investissements des acquéreurs et des futurs propriétaires. L’obligation de cette assurance permettra aux acquéreurs et aux propriétaires d’être indemnisés, en cas d’effondrement ou de danger d’effondrement de leur construction, rapidement et sans recherche de responsabilité et ce, indépendamment de l’existence ou non du civilement responsable et de sa solvabilité au moment du sinistre.
Il est également attendu que ces obligations d’assurance, qui sécuriseront les investissements des opérateurs, contribuent indirectement à la professionnalisation du secteur du BTP et à l’amélioration de la qualité des constructions, en renforçant le respect des normes.
Concernant ces assurances, les textes réglementaires et autres circulaires d’application sont en cours d’approbation au niveau du Ministère de l’Economie et des Finances.
Et les produits d’assurances alternatifs, n’êtes-vous pas un peu en retard du fait que les sociétés de financement participatif sont déjà en exercice ?
Le processus d’élaboration et d’adoption des textes d’application de l’assurance Takaful est actuellement bien avancé. Ces textes ont été préparés par l’ACAPS, en concertation avec le secteur et transmis au Ministère de l’Economie et des Finance et au Secrétariat Général du Gouvernement. Des présentations ont été faites au Conseil Supérieur des Oulémas car, comme vous le savez, son avis conforme est requis sur tout texte de loi ou réglementaire, ainsi que sur les produits entrant dans le cadre du Takaful et de la finance participative. Ces projets de textes sont aujourd’hui en examen par ce Conseil et nous attendons son avis. Une fois cet avis rendu, Il reviendra alors aux opérateurs d’entrer en scène…
Entretien réalisé par Afifa Dassouli