Zineb Mekouar, après avoir fait ses études en France, a été l’une des premières marocaines à rejoindre l’équipe d’Emmanuel Macron. Passionnée depuis toujours par l’écriture, elle s’est lancée dans la rédaction de son premier roman, « La Poule et son Cumin », qui raconte l’histoire, un brin inspirée de sa propre vie, de la cohabitation de deux jeunes filles qui viennent de milieux opposés, et qui sont un peu le reflet des disparités et des inégalités de la société marocaine. Très vite remarquée par la critique, son oeuvre a été sélectionnée pour le Prix Goncourt du premier roman. Rencontre avec l’une des plumes les plus prometteuses du Royaume.
La Nouvelle Tribune : Pourriez-vous, dans un premier temps, vous présenter à nos lecteurs ?
Zineb Mekouar : J’ai grandi à Casablanca jusqu’à mes 18 ans et je suis arrivée à Paris après le baccalauréat pour des études à Sciences-Po puis à HEC. Je vis en France depuis. Entre temps, j’ai passé un an en Italie pour mon Erasmus et quelques mois à New-York. Je trouve que, dans la vie, comme en littérature, le plus important est de toujours se décentrer, d’aller à la rencontre de l’Autre autant que possible, par les voyages ou par les mots. Car lire, c’est finalement voyager. Mes études m’ont beaucoup permis ça, entre autres ! Sinon, j’ai toujours été engagée dans des causes liées au « vivre ensemble ». Ah oui, le plus important : j’adore le chocolat noir, le café, le jazz, le rock et la lumière méditerranéenne !
Comment êtes-vous allée vers le chemin de l’écriture ?
J’ai toujours écrit, depuis toute petite. Quand j’allais en vacances chez mes grands-parents à Rabat, je gribouillais des histoires que je lisais à ma grand-mère qui, elle, me lisait des romans. C’est elle qui m’a transmis l’amour des mots. Encore aujourd’hui, lorsque j’ouvre un livre ou que je commence à écrire, j’ai toujours, à un moment ou un autre, une pensée pour elle. « La Poule et son Cumin » est une fiction mais l’une des seules choses que j’ai tirées de ma vie est le surnom que je lui donnais : Mamizou. D’ailleurs, mon premier roman lui est dédié, à elle ainsi qu’à « cette jeunesse qui se libère et qui vit passionnément ».
Quelles ont été vos plus grandes inspirations (auteur(e)s ou situations sociales) ?
Toute scène du quotidien est source d’inspiration : aller au supermarché, marcher dans la rue, prendre la voiture ou le métro… Chaque rencontre est une occasion de rester ouvert, d’être dans l’empathie et du coup de découvrir que l’inspiration peut-être partout. Après, je pense que nous sommes toujours marqués par notre enfance, notre histoire familiale et le pays dans lequel on a grandi. Ces thèmes-là ne sont pas les seules sources dans lesquelles plonger pour trouver des idées d’écriture, mais ils n’en restent pas moins très importants dans mon rapport à la création. Par exemple, ayant passé mon enfance et mon adolescence à Casablanca, j’ai été marquée (pour ne pas dire traumatisée) par les enfants qui mendient. L’enfance ne mérite pas cela et, forcément, on retrouve ce thème dans mon livre. Concernant les auteurs, je suis une inconditionnelle d’Albert Camus et de Marguerite Duras. J’aime aussi beaucoup Mario Vargas Llosa et, en général, j’essaye de lire un auteur de chaque pays où je vais en voyage, pour m’imprégner de la culture par les mots… lire un roman lorsque l’on décide de visiter un endroit aide énormément à comprendre le lieu où l’on se trouve, et les interactions sociales. Je vous le conseille vivement !
Comment réagissez-vous face à l’engouement autour de votre livre ?
Je suis heureuse et émue que les thèmes de mon roman soient mis en avant par la sélection du Goncourt du premier roman et, surtout, que des lectrices et lecteurs de partout s’en saisissent. A chaque retour de lecture, je suis comme une petite fille, fascinée et heureuse que quelqu’un ait lu mon texte. C’est parce-que je sais à quel point un livre peut entrer en nous, en notre solitude, nous déconstruire et nous reconstruire différemment que je suis autant, et à chaque fois, touchée par les retours de lecture de chacun de vous. Surtout, ce roman aborde des thématiques qui m’importent immensément et qui sont d’une actualité criante : l’émancipation de la femme mais aussi de la jeunesse marocaine en général, et puis le rapport de la France à la figure de l’étranger. Je pense que la littérature est un espace où l’on peut aborder, avec apaisement puisqu’il n’y a pas de jugement, des réalités et des comportements qui dérangent. C’est aussi l’un des rôles de l’écriture.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes écrivain(e)s ?
Si vous avez cette envie en vous, je dirai même plutôt cette obsession ou cette pulsion, alors allez-y. Écrivez dès que vous le pouvez, travaillez, faites-vous relire, travaillez encore. L’écriture d’un roman n’est pas quelque-chose d’inné, c’est le fruit d’une envie forte et de beaucoup beaucoup beaucoup (beaucoup) de travail. C’est possible, si vous vous donnez le temps de vous y consacrer ! Tout est réalisable, le tout est de vraiment passer à l’action.
Pouvons-nous attendre un tome II ?
Beaucoup de personnes me le demandent… ! Je suis vraiment touchée que les personnages de « La Poule et son Cumin » soient attachants au point que l’on veuille la suite… Qui sait ? La vie réserve tellement de surprises !
Entretien réalisé par Yasmin Yata