Mme Amina Figuigui, Présidente du Salon Halieutis 2023
En marge de la tenue cette semaine de la 6ème édition du Salon Halieutis à Agadir, Mme Amina Figuigui, qui en est la Présidente, détaille pour nos lecteurs dans cet entretien, les enjeux et challenges d’un secteur stratégique pour l’économie nationale. Un entretien réalisé par Afifa Dassouli.
La Nouvelle Tribune : Le Salon Halieutis fait son grand retour après la parenthèse de la Covid-19, quels ont été les enseignements de cette période pour le secteur ?
Mme Amina Figuigui : Comme dans le monde entier, le Maroc a été frappé par cette pandémie qui a nécessité la mise en place de mesures strictes afin d’atténuer son incidence sur notre écosystème. Au-delà des mesures communes à tous, un dispositif spécifique à l’activité de pêche a été adopté, aussi bien à l’échelle des infrastructures de commercialisation (halles au poisson, villages de pêche, points de débarquement aménagés et marchés de gros au poisson) qu’au niveau des espaces de travail. La fermeture des frontières et les actions de prévention à l’échelle internationale ont eu un impact direct sur l’activité, notamment la perturbation de l’approvisionnement en intrants de production, matériel et équipements.
En concertation avec le Ministère de tutelle, le maintien de la continuité de l’activité dans les normes a été fortement encouragé en donnant la priorité à l’approvisionnement du marché intérieur. Les efforts des acteurs institutionnels et opérateurs économiques ont abouti à une certaine résilience face aux perturbations vécues.
Il faut dire que cette pandémie a permis d’améliorer le niveau de vigilance et d’anticipation des risques inhérents à l’activité, ayant les moindres taux de survenance, par la mise en place des dispositifs de continuité d’activité qui s’imposent.
Le Maroc est le leader africain de la production de poissons, comment aborde-t-il ses relations avec ses partenaires internationaux dans ce contexte ?
Le Maroc se positionne comme un partenaire de choix pour un nombre de pays, puisqu’il recèle un potentiel halieutique intéressant.
De ce point de vue, et depuis des décennies, le secteur halieutique marocain a mis en place des partenariats équilibrés. Dans ce cadre, le secteur entretient une coopération bilatérale avec un certain nombre de pays amis dans le domaine des pêches maritimes, dont la mise en œuvre se traduit par des transferts de technologie et des échanges d’expérience.
Quelles dispositions prend le Maroc pour préserver et pérenniser ses ressources halieutiques ?
Depuis 2009, le Maroc met en œuvre la stratégie sectorielle « Halieutis », axée sur la durabilité de la ressource halieutique. Dans ce cadre, le Département de la Pêche Maritime a mis en place un certain nombre de mesures comme le renforcement de la recherche halieutique, la mise en place d’aires marines protégées, l’instauration des plans d’aménagements de différentes pêcheries, la régulation à travers les quotas, etc.
Bien entendu, la forte corrélation entre le volume de production du secteur, sa contribution dans l’économie nationale, et les exigences en matière de durabilité de la ressource halieutique font que cette équation doit être surveillée et pilotée de près, régulièrement et de manière continue. Dans ce sens, les acteurs institutionnels du secteur sont engagés dans ce processus depuis plusieurs années et continuent à déployer les efforts nécessaires à cette fin.
Il est à noter qu’un investissement de plus de 150 millions d’euros a été réalisé pour renforcer les moyens de la recherche scientifique halieutique, en plus de la réforme de la législation en vue de l’accompagnement du développement de l’aquaculture marine et l’élaboration de vastes plans de gestion du secteur.
C’est également la raison pour laquelle, le secteur a fait le choix de mettre en place le Salon Halieutis, qui fait partie des grandes manifestations internationales pour la promotion du secteur. Cet évènement est une occasion pour la rencontre des différents acteurs nationaux et internationaux et une opportunité pour les réunir autour de tables rondes et conférences animées par des experts de haut niveau dans le but de débattre des outils et moyens de préservation de la ressource et communiquer autour des avancées en matière de durabilité.
Le secteur de la pêche pèse environ 2,5% du PIB national, quelles sont ses ambitions de croissance ?
Le secteur halieutique aspire à faire évoluer le niveau de valorisation actuel par le biais de plusieurs moyens, notamment, le renforcement du tissu industriel par le recours à des industries à plus forte valeur ajoutée et l’amélioration de l’excellence opérationnelle ; la promotion des exportations ; le rehaussement de l’efficience de la commercialisation par le recours à la digitalisation et la vente à distance à terme, face bien entendu à une stabilisation des captures ; le renforcement de la production aquacole et des investissements dans ce secteur, avec une diversification de la production vers des espèces à forte valeur ajoutée ; et l’amélioration de la consommation interne des produits de la mer compte tenu de l’importance du marché intérieur.
L’économie bleue est au cœur de l’édition de cette année, quels sont les leviers pour une pêche et une aquaculture, durables ?
Les plus hautes autorités du pays sont conscientes et soucieuses du développement d’une économie bleue durable. Cela se manifeste à travers le discours de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste, notamment celui prononcé à l’occasion du 45ème anniversaire de la Marche Verte, le 07 novembre 2020 : « Le moment est venu de mettre en valeur les nombreuses potentialités que recèle leur (les provinces du Sud) domaine maritime » ; « En parallèle, il faut continuer à promouvoir le secteur de la pêche maritime compte tenu de son rôle dans le développement de l’économie de la région ».
Le Maroc a placé la durabilité des ressources halieutiques, des emplois et des revenus comme pilier de la stratégie nationale du secteur de la pêche maritime.
L’adoption d’une Stratégie Nationale de l’Economie Bleue durable et inclusive, adaptée aux vocations territoriales, autour des composantes économiques notamment de la pêche, le tourisme et les activités portuaires, reste aujourd’hui nécessaire, tout en développant de nouveaux secteurs porteurs de forts potentiels de croissance (aquaculture, écotourisme, bioproduits marins ou biotechnologies, construction navale, énergies etc.). Cette vision permettra de renforcer la place du Maroc à l’international et dans les partenariats régionaux en tirant profit d’opportunités en termes de nouveaux instruments de financement de l’économie bleue et de la finance climat.
Propos recueillis par Afifa Dassouli