
Madame Mbarka Bouaida, présidente de la région Guelmim-Oued Noun et de l'Association des Régions du Maroc
Entretien réalisé par Afifa Dassouli
Madame Mbarka Bouaida, présidente de la région Guelmim-Oued Noun et de l’Association des Régions du Maroc a un parcours politique marqué par des responsabilités nationales et internationales, qui témoigne d’un engagement profond pour la régionalisation avancée et le développement inclusif du pays.
Elle met en lumière dans cet entretien, les défis et opportunités liés à la décentralisation, tout en insistant sur le rôle central des femmes dans ce processus. Pour elle, la parité ne doit pas s’arrêter à une présence accrue des femmes en politique, mais doit s’accompagner d’un véritable leadership féminin capable d’influencer les décisions et les politiques publiques. Son ambition ? Mettre en place une budgétisation sensible au genre afin que le développement régional profite pleinement à toutes et à tous.
Madame Mbarka Bouaida, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Mme Mbarka Bouaida : Tout simplement, une citoyenne marocaine foncièrement convaincue que le Maroc est une belle puissance, une force douce et constante, une histoire millénaire cimentée par une dynastie qui est à l’écoute de son peuple et qui s’adapte aux évolutions des temps. Ma conviction, certainement génétique aussi, car j’ai grandi avec un père dévoué à la cause nationale, une famille aux valeurs patriotiques ancrées et fortement présentes dans notre quotidien. D’où ma modeste expérience politique depuis 2007, d’abord en tant que parlementaire, ensuite au gouvernement et enfin dans la région.
Justement vous êtes originaire de la région de Guelmim-Oued Noun, que vous présidez depuis 2021, votre engagement n’est-il pas d’abord personnel ? Vous avez occupé le poste de Ministre Déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, puis celui de Secrétaire d’État à la pêche maritime, avant de vous engager dans votre région, comment toutes ces expériences contribuent à votre réussite d’aujourd’hui ?
Certainement, mon engagement politique est fortement lié à mes origines, car il s’agit du Sahara Marocain. Il m’a toujours été difficile d’accepter l’existence même de ce pseudo conflit, car nous marocains sommes dans notre droit total et absolu. Une évidence historique, sociale et économique, totalement bafouée par nos voisins, et certains pays. Tout cela m’a toujours poussé à m’engager encore plus dans la politique ; d’abord au parlement en tant que présidente de la commission des AE, et aussi Co présidente de la commission mixte Maroc UE ; ensuite au gouvernement, et enfin dans la région. Pourquoi la région ? Sa Majesté a donné la priorité aux provinces du sud pour le déploiement du nouveau modèle de développement, sans oublier que l’essence même de la régionalisation avancée est le renforcement de la démocratie locale et régionale et aussi le transfert des pouvoirs aux élus locaux. C’est la base même de l’autonomie régionale.
Comme vous le dites la régionalisation avancée est au cœur de notre nouveau modèle de développement et confère aux régions marocaines de plus en plus de responsabilités pour façonner un Maroc plus prospère et plus inclusif, quels sont vos propres enjeux en tant que présidente de Guelmim et aussi en tant que Présidente de l’Association des Régions du Maroc ?
En effet, la régionalisation avancée confère plus de pouvoirs aux régions, dans le sens où la constitution marocaine a consacré une certaine suprématie aux régions comparée aux collectivités locales. La raison principale de cela est que les régions ont un rôle stratégique à mener : poser une vision dans le long terme reflétée dans un document de référence appelé le Schéma Régional d’Aménagement Territorial, ensuite décliner cette vision en des programmes quinquennaux appelés des plans de développement régionaux, sous forme de projets et axes que la région doit mener à bout. Sans parler des compétences dont disposent aujourd’hui les régions et celle dont elles peuvent disposer en envisageant un transfert de l’Etat Central vers les régions.
Concrètement, comment ça se traduit pour votre région ?
La régionalisation pour ma région Guelmim Oued Noun, signifie d’abord rattraper le retard en matière d’infrastructure et de développement socio-économique, et garder en vue notre vision stratégique d’ici 2035, qui est celle de faire de la région GON une capitale internationale de l’Hydrogène vert. Cela signifie pour nous de relever plusieurs défis : celui de l’infrastructure et du transport, celui de la formation et la préparation de nos ressources humaines, celui de l’attractivité économique sous tous ses aspects, et enfin celui de mettre en place les jalons pour une économie intégrée capable de créer de l’emploi autour de l’hydrogène vert, en amont comme en aval, en partant de la production des énergies solaires et éoliennes, tout en passant par le dessalement de l’eau de mer utile également pour l’agriculture et pour l’eau potable, et en arrivant à la production et transport de l’électricité ou encore à l’ammoniac vert. L’expérience marocaine qui date de presque 10 ans maintenant depuis l’adoption de la loi organique, a démontré que les régions peuvent aller plus vite dans le déploiement des politiques publiques avec un impact plus fort et plus reconnu.
En cette occasion de la fête internationale des femmes, quelle est l’implication des femmes dans ce chantier stratégique de notre pays qu’est la régionalisation ? En tant que femme leader au niveau régional, comment inspirez-vous les jeunes femmes à participer activement à la vie économique et politique locale ?
Il faut dire que la dernière loi électorale a permis d’augmenter la représentativité féminine au sein des conseils des régions. Au minimum le tiers des élus est formé de gente féminine. Le hic est plutôt dans le leadership. Seule 1 région sur 12 est présidée par une femme. A mon niveau, j’ai essayé de respecter le principe de la parité au moins dans la présidence des commissions permanentes au sein de la région. Mon prochain défi que j’espère pouvoir relever avant la fin de ce mandat est celui de décliner la budgétisation sensible aux genres dans ma région.