
Dans la foulée des dernières mesures annoncées par l’Office des changes en ce début d’année, le directeur de l’Office, M. Hassan Boulaknadel, a bien voulu apporter à nos lecteurs, dans cet entretien, des explications et précisions détaillées sur les avancées de la politique des changes du Maroc.
La Nouvelle Tribune : Comment présenter la collaboration de l’OC avec BAM dans l’élaboration et les avancées de la politique de change ?
M. Hassan Boulaknadel : Acteurs majeurs de la sphère économique et financières du Royaume, Bank Al-Maghrib et l’Office des Changes accompagnent le choix d’ouverture de l’économie nationale, soutiennent son intégration dans les chaînes de valeur mondiales et appréhendent ses défis présents et futurs. La réforme du régime de change est pilotée en étroite collaboration avec les autorités en charge, à savoir le Ministère de l’Economie et des Finances et la Banque Centrale.
La mise en place d’un régime plus flexible du taux de change a comme objectif de renforcer la résilience de l’économie nationale aux chocs exogènes, de soutenir sa compétitivité et d’améliorer son niveau de croissance. Ce régime devrait accompagner les mutations structurelles qu’a connues l’économie marocaine durant ces dernières années, notamment en termes de diversification, d’ouverture et d’intégration dans l’économie mondiale.
La concrétisation de cet objectif reste tributaire, et dans une large mesure, du renforcement de la confiance des opérateurs publics et privés et de la redynamisation de l’investissement privé. Dans ce sens, le rôle de l’Office des Changes est d’assouplir certaines règles relatives à la réglementation des changes, afin que les opérateurs puissent bénéficier des mêmes mécanismes de gestion de leurs positions vis-à-vis du taux de change et vis-à-vis des produits de base qui entrent dans leurs cycles de production. Son rôle est également d’outiller, d’assister, de sensibiliser et de former les opérateurs publics et privés, tout en veillant bien sûr à la préservation des équilibres macroéconomiques.
Dans cet esprit, l’Office des Changes s’est engagé, plus que jamais, à assurer son rôle de facilitateur et d’accompagnateur de l’entreprise marocaine. Il est pleinement déterminé à accompagner la relance de notre économie et l’accompagnement du tissu économique national.
Cela étant, l’élaboration de la réglementation des changes repose sur une approche à la fois réaliste et pragmatique. Son évolution, au fil des ans, s’est inscrite dans une logique d’assouplissement graduel qui prend en compte à la fois les impératifs macroéconomiques du pays et les besoins des personnes morales et physiques.
Dans ce contexte de pandémie Covid 19, les réserves de change du Royaume s’établissent à des niveaux très confortables, cette situation permettra-t-elle de contenir les pressions externes ?
L’année 2021 a été marquée par un début de relance de l’économie marocaine. Dans cette lignée, les principaux indicateurs, notamment le volume des exportations (293,2 Mds DH à fin novembre 2021, en hausse de 53,8 Mds DH par rapport à fin novembre 2020), les recettes IDE (27,3 Mds DH à fin novembre 2021, en progression de 2,5 Mds DH), les transferts des MRE (86,5 Mds DH, soit +25,2 Mds DH) envoient des signaux encourageants de reprise.
Dans ces conditions, les avoirs officiels de réserve se sont renforcés à 331,2 milliards de dirhams au 31 décembre 2021, représentant une couverture de plus de 7 mois d’importations de biens et services. Cette situation est de nature à assurer au marché national une offre en devises non négligeable, lui permettant de faire face à tout choc externe sur la balance des paiements.

En quoi le FMI intervient dans nos décisions, est-ce qu’il nous a accompagné sur ce chemin de la libéralisation du dirham ?
Les différentes réformes économiques et financières entreprises par le Royaume ont toujours été des décisions souveraines, émanant de la volonté des autorités et préparées de manière réfléchie, coordonnée et concertée entre les différentes parties prenantes.
Concernant la réforme du régime de change, cette décision n’a été ni dictée ni imposé par aucune institution financière internationale. Le Maroc a entamé cette réforme de manière choisie et il s’agit d’une décision souveraine, prise en coordination avec le ministère de l’Économie et des Finances et Bank Al-Maghrib.
Rappelons à ce sujet, que le Fonds Monétaire International a constamment soulevé la question de la réforme du système de change lors des consultations annuelles. La banque mondiale a, également, évoqué la réforme du système de change et ce depuis le milieu des années 1990, et dans son rapport sur l’économie marocaine de 2006.
Toutefois et dans une démarche empreinte de sagesse, de prudence et de pragmatisme, le Maroc a pris le temps nécessaire pour réaliser les études et analyses nécessaires et pour évaluer l’impact d’une telle réforme sur l’économie nationale qui n’a été entamée qu’en 2018.
Aujourd’hui, la priorité à court terme devrait rester la consolidation et l’accélération de la reprise économique amorcée ces derniers mois, la préservation des équilibres macroéconomiques et de la stabilité financière ainsi que l’amélioration de la productivité avant le passage à une nouvelle phase de la transition vers un régime de change plus flexible.
Pourquoi les nouvelles mesures de l’OC à un moment de crise économique, en quoi seraient-elles des mesures d’accompagnement ?
L’élaboration des textes de la réglementation des Changes s’est toujours fondée sur la connaissance des mutations de l’économie nationale et internationale et s’inscrit dans une logique d’assouplissement graduel et progressif, qui prend en considération les impératifs macroéconomiques du pays et les besoins grandissants des citoyens.
Après les mesures de soutien budgétaire et monétaire qui ont permis une atténuation de l’impact de la pandémie (notons par exemple l’allégement du déficit de la position extérieure globale de 28,8 Mds DH en 2020), notre pays aura réuni les conditions en vue de réamorcer un départ sur des bases plus saines lui permettant d’enclencher un nouvel élan et de placer l’économie nationale sur un sentier de croissance forte, durable et inclusive.
S’inscrivant dans la lignée de l’effort national de relance de l’économie du Royaume, la publication de l’Instruction Générale des Opérations 2022 répond aux besoins d’accompagnement des opérateurs économiques opérant à l’international, en leur offrant davantage de souplesse et de flexibilité dans la réalisation de leurs opérations à l’international.
La nouvelle Instruction accompagne l’ouverture de l’économie marocaine par l’augmentation à 200 millions de dirhams du plafond des transferts annuels au titre des investissements à l’étranger des personnes morales. Ce plafond était fixé à 150 millions de dirhams, réparti entre les investissements en Afrique pour 100 millions et 50 millions pour les autres continents.
Sur un autre volet, les nouvelles dispositions contribueront de manière substantielle à l’essor des Start-ups en assouplissant les conditions d’investissement à l’étranger pour les jeunes entreprises innovantes répertoriées par l’Agence du Développement du Digital (ADD) et en augmentant la dotation commerce électronique à un million de dirhams. Ce plafond était limité à 500.000 dirhams.
La nouvelle instruction tend, également, vers la promotion de l’acte d’exporter par l’allègement des règles de gestion des comptes en devises et en dirhams convertibles pour les exportateurs.
Aussi, les nouvelles dispositions visent à faciliter et à assouplir le régime de règlement des importations de biens et de services en instaurant une tolérance de 5% en matière de règlement d’acompte et en mettant en place une dotation commerce électronique plafonnée à 200.000 dirhams (déterminée sur la base 100% de l’impôt payé), en faveur des personnes morales marocaines ne disposant pas de comptes en devises ou en dirhams convertibles, permettant de régler les importations de services par carte de paiement internationale .
Au regard de ces différentes mesures, l’Office des Changes confirme son rôle de facilitateur et d’accompagnateur de l’entreprise marocaine. Il est pleinement déterminé à accompagner la relance économique à travers les outils de régulation dont il dispose en mettant en place un cadre réglementaire flexible en phase avec les impératifs et les réalités d’un monde nouveau.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli