
Madame Charafat Afailal, ancienne ministre déléguée chargée de l'eau
Dans le cadre de notre numéro spécial « Regards de Femmes sur le Maroc de demain », nous avons rencontré Madame Charafat Afailal, ancienne ministre déléguée chargée de l’Eau et experte reconnue en gestion des ressources hydriques et en changements climatiques.
Issue d’un parcours d’ingénieure et marquée par un engagement politique précoce, elle a occupé des fonctions stratégiques au sein de l’ONEE et du gouvernement. Son expertise l’a propulsée au rang de membre expert au sein du Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels.
Dans cet entretien, Mme Afailal partage sa vision sur les défis de la gestion de l’eau au Maroc, l’urgence climatique et l’importance d’une gouvernance hydrique rigoureuse pour garantir un avenir durable. Elle revient également sur les politiques publiques mises en place et l’impact de son action en tant que ministre.
Madame Charafat Afailal, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Native de Tétouan et aînée d’une fratrie de cinq, j’y ai poursuivi une grande partie de mon parcours scolaire. lauréate de l’École Mohammadia d’Ingénieurs en 1997.
Après un bref passage au sein du CNESTEN, où j’ai occupé mon premier poste en tant qu’ingénieure responsable de la surveillance de l’environnement et des études d’impact, j’ai rejoint l’ONEE (anciennement ONEP), où j’ai accompli une grande partie de ma carrière professionnelle. Par la suite, j’ai été élue à la Chambre des représentants avant d’être nommée ministre déléguée chargée de l’Eau.
Issue d’une famille militante, j’ai grandi dans un environnement marqué par l’engagement politique. Mon père, d’abord militant au sein du PLS, puis du PPS, organisait des réunions dans notre modeste maison, où ses camarades se retrouvaient à l’abri des regards pour débattre et coordonner leurs actions.
Mon enfance a été marquée par ces événements dont je garde encore un vif souvenir : la distribution de tracts, la vente du journal Al Bayane lors des rassemblements du 1ᵉʳ mai, ainsi que les réunions organisées pour soutenir les familles des camarades détenus lors des événements de 1984. Autant de moments qui restent gravés dans ma mémoire.
Vous être ingénieure et à travers votre long passage à l’ONEP, office national d’eau potable fusionné en 2012 avec l’ONE (ex office national de l’électricité) devenu ONEE, (Office National de l’eau et l’électricité), vous vous êtes spécialisée dans les problématiques de l’eau avec le réchauffement climatique, à travers le monde et au Maroc en particulier, pouvez-vous nous parler de cet intérêt précoce de la gestion de l’eau et la préservation de l’environnement ?
Travailler et œuvrer dans le domaine de l’eau et du développement durable ne relève pas seulement de mon expertise, mais représente véritablement mon univers. Au fil des postes que j’ai occupés, humblement j’ai acquis un savoir-faire et une expertise qui me permettent aujourd’hui de naviguer aisément entre les différentes dimensions de ce secteur.
L’ONEP a été pour moi une véritable école de vie. J’ai rejoint l’Office à un moment cruciale, alors que l’Office lançait un ambitieux programme visant à généraliser l’accès à l’eau potable en milieu rural et à prendre en charge le secteur de l’assainissement, conformément aux orientations de la dernière session du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat tenue à Agadir en 2001.
Cette expérience m’a d’abord permis de découvrir notre beau pays. Connaître le terrain en profondeur était essentiel : nous avions parcouru le Maroc afin d’accompagner la mise en place du programme de généralisation de l’accès à l’eau potable notamment sur le volet études techniques.
Si le taux d’accès à l’eau potable actuel est une fierté nationale, c’est grâce à ces hommes et ces femmes qui, loin des projecteurs, travaillent avec dévouement et abnégation pour garantir ce droit universel qu’est l’accès à l’eau et aux services d’assainissement.
Question 3 : Qu’est-ce que le centre de recherches CNESTEN, où vous avez également commencé votre carrière ?est ce qu’il existe aujourd’hui? Comment a-t-il évolué ?
Mon premier poste en tant que jeune lauréate a été celui d’ingénieure en charge de la surveillance de l’environnement au sein du Centre National de l’Énergie, des Sciences et des Techniques Nucléaires (CNESTEN). Ma principale mission consistait à réaliser des études d’impact des activités du centre sur l’environnement et à mettre en place des mesures d’atténuation pour limiter leurs impacts.
Le CNESTEN, établissement public relevant du Ministère de la Transition Énergétique et du Développement Durable, a pour vocation la recherche dans le domaine nucléaire et la promotion de ses applications, notamment dans les secteurs de la santé et d’autres domaines socio-économiques.
Madame Afailal, pour couronner votre spécialité dans l’eau, vous avez été ministre de l’eau en 2012 pour 5 ans, à ce titre comment l’État prenait il en charge la question de l’eau ? Quel a été son plan d’actions et les résultats obtenus ?
La politique de l’eau a toujours bénéficié d’un intérêt particulier des pouvoirs publics. Feu Hassan II, avec sa vision éclairée, savait que la sécurité et la stabilité du Maroc passaient avant tout par la sécurisation de ses ressources en eau. C’est dans cette optique qu’il lança la politique des grands barrages, une initiative qui, à l’époque, suscitait des contestations au sein de la classe politique. Certains estimaient que les investissements publics devraient plutôt être orientés vers l’industrialisation, arguant que le pays disposait de ressources abondantes et qu’il n’était pas nécessaire de prioriser les aménagements hydrauliques
Aujourd’hui, face au niveau de stress hydrique que nous avons atteint, on mesure l’importance de ces investissements, qui ont garanti l’accès à l’eau pendant les périodes de sécheresse les plus difficiles.
Prendre les rênes du secteur de l’eau n’a pas été une tâche difficile pour moi. Dès ma nomination, je me suis immédiatement mise au travail, forte de ma connaissance approfondie des grands chantiers du département de l’eau. Plusieurs plans et chantiers ont été élaborés et lancés, notamment :
- La révision du Plan National de l’Eau et des Plans Directeurs d’Aménagement Intégré des Ressources en Eau.
- L’élaboration du Plan National de Réutilisation des Eaux Usées.
- Le Plan National d’Assainissement Mutualisé en partenariat avec le ministère de l’intérieur .
- La révision de la loi sur l’eau.
- Actualisation du Plan de Protection contre les inondations
Ma conscience est tranquille, Hamdoulilah. Partout où je passe, même dans les endroits les plus reculés, mon empreinte est visible.
Nous avons travaillé sur de nombreux chantiers, avec pour devise le principe de justice territoriale. La région du Sud-Est en est un témoignage concret : Zagora, Errachidia, Ouarzazate et Tinghir ont bénéficié de plusieurs projets structurants, qu’il s’agisse de grands aménagements, de mesures de protection contre les inondations ou encore de la mobilisation des ressources souterraines..
Le projet qui me tenait le plus à cœur était d’assurer l’approvisionnement en eau potable de la population de Zagora grâce aux initiatives mises en place, notamment le barrage d’Agdez et la station de minéralisation installée par l’ONEE. Ce défi a nécessité des réunions marathoniennes, des allers-retours incessants à Zagora et un plaidoyer constant pour sauver la population de la soif.
Je garde en mémoire ces femmes portant leurs bébés sur le dos et avec des bonbonnes vides, venues protester pour réclamer leur droit à l’eau. Pendant ce temps, les agriculteurs des pastèques exploitant la nappe de Faija — seule ressource de la région — empêchaient les services de l’ONEE de creuser des puits pour approvisionner la population. Sans le soutien des autorités et du ministère de l’Intérieur, ce projet n’aurait jamais pu voir le jour.
De fait le ministère de l‘eau s’appuie sur l’expérience internationale en la matière et en profitait sur le plan technique et technologique. Pouvez-vous nous en parler ?
Le Maroc occupe une place privilégiée au sein de la communauté internationale de l’eau et est reconnu comme un modèle à l’échelle continentale et régionale en matière de gestion intégrée des ressources en eau (GIRE).
D’ailleurs, le seul prix décerné lors de la cérémonie d’ouverture du Forum Mondial de l’Eau, en présence de chefs d’État et de hauts responsables, est le Grand Prix Hassan II de l’Eau, témoignant ainsi de la reconnaissance internationale en matière d’engagement et des efforts de notre pays dans ce domaine..
Le Maroc, reconnu comme un pionnier, a posé les bases d’une gestion intégrée des ressources en eau, en adoptant une approche décentralisée à l’échelle des bassins, fondée sur la consultation et la participation active des parties prenantes.
Cette vision s’est traduite par l’adoption d’une législation avancée avec la loi 10/95 sur l’eau, pour la création d’agences de bassins.
Face à cela, la politique des grands barrages a permis l’émergence d’une ingénierie de pointe, de bureaux d’études de renom et d’entreprises reconnues à l’échelle mondiale.
Quels sont les organismes et organisations internationales partenaires du Maroc en la matière ? Vous m’aviez parlé du Global Water Partnership et l’UN Water pouvez-vous nous les présenter à travers leurs contributions ?
Le Maroc a développé un large partenariat international, tant bilatéral que multilatéral. Plusieurs conventions et mémorandums d’entente ont été signés, visant à favoriser l’échange d’expertise et à développer un partenariat gagnant-gagnant avec un accent particulier sur la coopération Sud-Sud, qui constitue un choix stratégique pour le pays.
En fait, à la fin de ma mission en tant que ministre, plusieurs organisations internationales m’ont approché pour me proposer de rejoindre leurs Bords, reconnaissant l’expertise que j’avais développée tant sur le plan technique que sur le plan de stratégie et de gouvernance. J’ai ainsi été membre du Comité Directeur du Global Water Partnership (GWP) pour le mandat 2021-2023. Ce partenariat mondial, créé par la Banque mondiale et les Nations Unies, œuvre pour promouvoir la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) comme modèle de gestion durable des ressources hydriques, à travers ses bureaux régionaux.
Je siège également au sein du Strategic Advisory Group d’une commission de l’UN Water, dont la mission est d’évaluer les pays membres des Nations Unies concernant l’atteinte de l’ODD 6 relatif à l’accès à l’eau et à l’assainissement.
Aujourd’hui, vous continuez à travailler sur le sujet de l’eau après votre expérience ministérielle, quelle est votre démarche et quels sont vos objectifs ? Quel est votre diagnostic ? Avez-vous des chiffres pour l’étayer ? En tant que spécialiste comment voyez-vous l’avenir de la rareté hydrique ? Le Maroc pourra-t-il la maîtriser ?
De par sa situation géographique, le Maroc se trouve dans une zone qualifiée de « hot spot », véritable laboratoire des changements climatiques où se manifestent de manière exacerbée tous les phénomènes extrêmes. Cela inclut des périodes de sécheresse prolongées et successives, ainsi que des inondations dévastatrices.
Ce dérèglement impacte directement le cycle traditionnel de l’eau, affectant les précipitations.
Les ressources en eau ont connu une baisse significative au fil des décennies. En 1960, la dotation annuelle par habitant était d’environ 2 560 m³, tandis qu’aujourd’hui, elle est à seulement 620 m³/habitant/an. Cette tendance baissière inquiétante se poursuit, et l’on risque d’atteindre moins de 500 m³/habitant/an d’ici 2030, seuil considéré comme celui de la pénurie en eau.
Au cours des six dernières années, les apports moyens en eau étaient entre 5 et 6 milliards de mètres cubes, soit un déficit dépassant 70 % par rapport à la moyenne 22 milliards de m3 officiellement déclarée par les services de la Direction Générale de l’Hydraulique..
D’ailleurs, cette moyenne, souvent utilisée pour la planification sectorielle et le dimensionnement de certains projets, me semble nécessiter une révision. On ne peut pas hypothéquer le développement d’un pays sur la base des données qui ne sont plus valables au regard du contexte climatique actuel. Dans cette optique, planifier des investissements dans de grands barrages dans des bassins où les données hydrologiques ne révèlent pas de ressource additionnelle mobilisable reviendrait à engager des investissements inutiles.
Actuellement, le Maroc traverse une situation très critique, marquée par la sixième année consécutive de sécheresse, atteignant des niveaux alarmants et touchant même les grandes villes du pays.
Malgré les efforts déployés pour accélérer la mise en œuvre des investissements prévus dans le programme prioritaire de l’eau potable et de l’irrigation, supervisé par Sa Majesté le Roi en personne, si certains choix de politiques publiques ne sont pas réévalués et remises en cause, nous risquons simplement, à mon avis, de retarder l’échéance de la crise
Les rapports et évaluations menés par de nombreux experts de renom et organismes internationaux s’accordent unanimement sur un constat alarmant : le mode de production et de développement du pays dépasse largement son capital hydrique. D’ailleurs le dernier rapport du Centre Africain pour les Études Stratégiques et la Digitalisation a souligné, dans un langage sans équivoque, l’urgence d’une réforme incontournable en matière de gouvernance de l’eau.
Mme Afailal, en quoi consiste la politique actuelle du Maroc face à la rareté de l’eau qui s’installe ? A-t-il un PLAN EAU, lequel et en quoi consiste il ?
La politique hydrique du Maroc a toujours été une politique proactive et dynamique, se basant sur les données historiques pour anticiper et relever les défis futurs.
Dans ce cadre, la loi sur l’eau 36/15 impose l’élaboration d’un Plan National de l’Eau (PNE) avec un horizon de planification de 30 ans. Le Ministère de l’Équipement et de l’Eau a ainsi élaboré, en concertation avec l’ensemble des départements ministériels concernés, le PNE 2020-2030, en intégrant les orientations des Plans Directeurs d’Aménagement des Ressources en Eau (PDAIRE) établis à l’échelle des bassins hydrauliques. Ces documents constituent un cadre de référence essentielle pour les décideurs, en définissant les mesures nécessaires pour accompagner le développement du pays, répondre aux défis de la croissance démographique et garantir la sécurité hydrique nationale.
D’autre part, et face à la situation critique que traverse le Maroc et au déficit hydrique constaté depuis 2018, un programme prioritaire pour l’eau potable et l’irrigation, dont le cout s’élève à 143 milliards de dirhams, a été élaboré en concertation avec l’ensemble des départements ministériels concernés.
Cependant, le secteur de l’eau est particulièrement exigeant en ressources financières, nécessitant une mobilisation de fonds bien au-delà des capacités budgétaires de l’État. Cette contrainte explique en partie les retards parfois enregistrés dans le lancement des projets dans les délais impartis. On a tendance à ne pas accorder la priorité au secteur de l’eau dans l’affectation budgétaire lors des périodes d’abondance. À mon sens, c’est une erreur majeure qui pourrait avoir des conséquences négatives sur la sécurité hydrique. Chaque année de retard dans le lancement des projets se traduit par une année supplémentaire
Dans son discours, Sa Majesté le Roi a donné ses instructions au gouvernement afin de respecter les échéances de mise en œuvre du programme prioritaire, quelle que soit l’année hydrologique, qu’elle soit humide ou sèche.
Jusqu’à récemment, les infrastructures et aménagements hydrauliques étaient exclusivement financés par le budget de l’État. Ce n’est qu’avec l’adoption de la loi 86/12 sur le Partenariat Public-Privé (PPP) que l’État a ouvert la voie aux capitaux privés, notamment à travers le modèle BOT (Build-Operate-Transfer). »
Toutefois, l’intégration des capitaux privés pour financer les investissements dans ce secteur ne doit en aucun cas compromettre le caractère public du service d’accès à l’eau. Le partenariat public-privé doit ainsi s’inscrire dans une approche socialement responsable, garantissant l’accessibilité et l’équité.
Le Maroc devrait, à mon sens, explorer davantage les opportunités offertes par les fonds internationaux, notamment le Fonds d’adaptation, le Green Climate Fund (GCF) ou encore le Fonds pour pertes et dommages récemment adopté.
Malgré la complexité des procédures d’accès à ces mécanismes de financement, ils représentent une réelle opportunité pour mobiliser des ressources supplémentaires en faveur du secteur de l’eau.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli
FOCUS
Le dessalement au Maroc : une solution d’avenir à structurer
Face au niveau critique du stress hydrique que connaît le Maroc, le Programme Prioritaire de l’Eau Potable et d’Irrigation prévoit l’accélération des investissements dans les ressources non conventionnelles, notamment le dessalement. L’objectif est de mobiliser 1,7 milliard de mètres cubes d’eau d’ici 2030.
Au regard de l’engagement de l’État en faveur d’une transition énergétique, dans le cadre de la promotion d’une économie bas carbone, les nouvelles usines de dessalement seront, en grande partie ou entièrement, alimentées par des énergies propres. Cela souligne la nécessité de promouvoir le concept Nexus au Maroc, aussi bien sur le plan institutionnel que stratégique.
Toutefois, cette technologie est entièrement importée, et le tissu industriel marocain reste encore peu développé dans ce domaine. Il est donc essentiel d’investir dans le développement d’une expertise nationale, en mettant en place des laboratoires de recherche, en encourageant l’innovation technologique et en soutenant l’entrepreneuriat à travers la promotion de startups spécialisées dans les technologies propres.
État actuel et perspectives du dessalement au Maroc
Actuellement, le Maroc dispose de 15 stations de dessalement d’une capacité de production de 192 millions de mètres cubes. Six autres stations sont en cours d’installation, et 13 supplémentaires sont programmées à l’avenir, ce qui permettra d’atteindre un objectif de 1,7 milliard de mètres cubes.
Les principales stations de dessalement actuellement en construction
Usine de dessalement du Grand Casablanca
Avec une capacité de production annuelle de 200 millions de m³, extensible à 300 millions de m³, elle desservira une population de 7,5 millions d’habitants. Son coût est estimé à 9 milliards de dirhams. Cette usine, financée dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé, fonctionnera grâce à l’énergie éolienne.
Usine de dessalement de Dakhla
Entièrement alimentée par des énergies éoliennes, elle aura une capacité de production annuelle de 37 millions de mètres cubes, dont 7 millions de mètres cubes seront destinés au renforcement de l’accès à l’eau potable.
Quelques recommandations
Il est recommandé de repenser le cadre institutionnel et règlementaire de la voie de dessalement.
L’émergence d’un nouvel acteur, l’OCP, dans le domaine du dessalement marque une évolution significative. À l’origine, son objectif était de mobiliser l’eau dessalée pour répondre à ses propres besoins industriels, notamment sur les sites de Jorf Lasfar et Safi.
Cependant, face à une période de sécheresse particulièrement critique, l’OCP a joué un rôle essentiel en soutenant les efforts du gouvernement. Aujourd’hui, la ville d’El Jadida est entièrement approvisionnée en eau dessalée grâce aux infrastructures du site de Jorf Lasfar.
À cet effet, un partenariat entre l’Office et le gouvernement a été conclu.
Gouvernance et encadrement du dessalement
À mon sens, il est essentiel de repenser la gouvernance du dessalement en élevant son cadre institutionnel à celui d’une agence dédiée, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays.
Cela permettrait de mutualiser les efforts, d’optimiser les investissements et d’encadrer cette technologie, souvent critiquée pour son impact environnemental, notamment sur la vie aquatique et le littoral.
Il y a lieu de signaler qu’il existe une carence en matière de cadre réglementaire régissant la technologie de dessalement. Il est donc essentiel d’élaborer des normes spécifiques pour les rejets des usines de dessalement.
L’absence de réglementation crée un vide juridique pouvant entraîner des atteintes néfastes à l’environnement. Actuellement, seules des bonnes pratiques sont mises en œuvre, sans qu’un texte réglementaire ne définisse précisément les exigences environnementales, notamment concernant les saumures à forte concentration en sel et en bore.
Le retour de ces rejets directement en mer représente une menace pour la vie aquatique.
Tarification de l’eau dessalée pour l’agriculture
Il est essentiel que les grands exploitants agricoles des cultures à forte valeur ajoutée paient l’eau dessalée à sa juste valeur.
Il est également impératif d’inciter l’agriculture destinée à l’exportation à recourir à l’eau dessalée et à en payer le juste prix, afin de préserver les ressources conventionnelles pour l’eau potable et les petits agriculteurs.
Il serait illogique que le gouvernement subventionne, sous quelque forme que ce soit, l’eau dessalée au profit des agriculteurs exportateurs.
En fin de compte, c’est le petit agriculteur qui paie le prix de cette injustice.
Par Charafat Afailal