Le CEO et co-fondateur de Sand to Green, Benjamin Rombaut
Dans un contexte où les projets d’énergies renouvelables connaissent une forte croissance au Maroc, des acteurs comme Nareva, ACWA Power, ENGIE, et Xlinks jouent un rôle clé dans cette transition énergétique. Cependant, près de 40 % de ces initiatives rencontrent des retards, souvent liés à des problèmes d’acceptabilité sociale et d’impact environnemental local. Face à ces défis, Sand to Green, une start-up franco-marocaine, se distingue par son approche innovante. Spécialisée dans l’agroforesterie adaptée aux environnements arides et semi-arides, l’entreprise propose des solutions qui allient développement durable et intégration harmonieuse des infrastructures énergétiques. Le CEO et co-fondateur de Sand to Green, Benjamin Rombaut, a accepté de répondre à nos questions pour les défis environnementaux et sociétaux posés par l’expansion des énergies renouvelables et des réponses à y apporter.
Comment Sand to Green se positionne-t-elle pour relever les défis liés à l’intégration sociale et environnementale des projets énergétiques ?
Le Maroc est en pleine transition énergétique, avec l’ambition de devenir un leader mondial des énergies renouvelables, en particulier dans le secteur de l’hydrogène vert en exploitant ses ressources naturelles en soleil et en vent. Cependant, 40 % des projets d’énergies renouvelables* rencontrent des retards en raison de problèmes d’acceptabilité sociale et d’impacts environnementaux. C’est dans ce contexte que Sand to Green se positionne comme un acteur clé dans l’intégration des enjeux sociaux et environnementaux au sein des projets énergétiques à travers son modèle d’agriculture régénérative. En utilisant des technologies telles que le dessalement, l’agroforesterie adaptée aux milieux, des modèles carbones, etc. nous transformons des zones arides en écosystèmes agricoles viables. Cette approche permet non seulement de capter du carbone et de restaurer les sols, mais aussi de créer des emplois durables pour les communautés locales, renforçant ainsi l’acceptabilité sociale des projets énergétiques. En intégrant ces solutions dans les projets énergétiques, nous apportons une réponse holistique qui prend en compte à la fois les besoins en énergie propre et les impératifs de durabilité sociale et environnementale.
Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à l’acceptabilité sociale des projets d’énergies renouvelables au Maroc et en Afrique ?
L’un des obstacles majeurs à l’acceptabilité sociale des projets d’énergies renouvelables au Maroc et en Afrique est la perception d’un déséquilibre entre les bénéfices pour les entreprises et ceux pour les communautés locales. Trop souvent, les populations rurales voient ces projets comme des initiatives extérieures qui n’apportent pas directement de bénéfices économiques ou sociaux à leur échelle. Pour surmonter cet obstacle, il est essentiel d’intégrer les communautés dans le processus, en les impliquant dès le début du projet. Chez Sand to Green, nous veillons à ce que nos projets aient un impact direct sur les communautés en créant des emplois locaux et en favorisant la sécurité alimentaire grâce à la régénération des terres arides.
Avec l’augmentation prévue de la demande mondiale d’électricité d’ici 2050, comment le Maroc et l’Afrique peuvent-ils s’adapter pour répondre à ces besoins tout en respectant les enjeux sociaux ?
Le Maroc et l’Afrique disposent d’un potentiel immense en matière de ressources renouvelables, notamment solaire et éolien, qui sont des atouts majeurs pour répondre à l’augmentation prévue de la demande mondiale d’électricité d’ici 2050. Pour relever ce défi tout en respectant les enjeux sociaux, il est essentiel de mettre en place des projets énergétiques intégrés qui combinent l’exploitation des énergies renouvelables et des initiatives de développement local. Chez Sand to Green, nous adoptons une approche innovante en utilisant l’énergie renouvellable pour dessaler l’eau, créant ainsi des oasis agricoles dans les déserts. Cette stratégie génère non seulement des ressources agricoles essentielles, mais capte également du carbone, contribue à la lutte contre la désertification, et surtout, crée des emplois locaux durables qui améliorent les conditions de vie des communautés rurales.
De plus, en intégrant des technologies telles que l’agroforesterie régénérative, nous optimisons l’utilisation des ressources naturelles tout en préservant la biodiversité et en réduisant la pression sur les terres arables. En combinant ces approches avec les projets énergétiques à grande échelle, le Maroc et l’Afrique ont la capacité de devenir des leaders mondiaux de la transition énergétique.
La production de CO2 biogénique à partir de la biomasse est un secteur émergent au Maroc. Comment Sand to Green peut-elle contribuer à développer ce type de filière agricole innovante ?
Sand to Green est parfaitement positionnée pour contribuer au développement de la filière du CO2 biogénique grâce à son expertise en agroforesterie dans les zones arides. Cette filière est cruciale pour créer des sources d’énergie durable tout en régénérant les sols dégradés. Pour éviter de concurrencer les terres arables, nous développons des plantations dans les déserts, combinant production agricole et biomasse tout en captant du carbone et en luttant contre la désertification.
De plus, nous utilisons la saumure issue du dessalement pour cultiver de la biomasse via l’agriculture biosaline, maximisant ainsi l’utilisation des ressources disponibles. Cette approche permet de valoriser la biomasse et les résidus agricoles, créant une économie circulaire qui alimente les processus industriels en CO2 biogénique, offrant une alternative durable aux énergies fossiles.
Pouvez-vous nous donner un aperçu des projets actuels de Sand to Green et de l’impact que vous avez déjà eu sur les communautés locales au Maroc ?
Actuellement, Sand to Green a lancé plusieurs projets pilotes au Maroc, dont des initiatives de restauration des oasis traditionnelles à Tiskmoudine, Tighmert, et Abeynoun, ainsi que des projets de création d’oasis sur des terrains de 20 à 40 hectares. En appliquant nos modèles agroforestiers innovants, ces projets démontrent l’efficacité de nos technologies, qui combinent dessalement solaire et agroforesterie.
Ces initiatives ne se contentent pas de produire des rendements agricoles importants ; elles génèrent également des crédits carbone et créent des emplois durables pour les communautés locales. Grâce à ces projets, nous améliorons la résilience des populations face à la désertification, tout en renforçant la sécurité alimentaire et en offrant des revenus supplémentaires. L’impact direct sur les communautés se traduit par une meilleure qualité de vie et des opportunités économiques à long terme dans des zones souvent marginalisées. Nous avons également des projets en cours au Sénégal, en Namibie et en Mauritanie.
De quelle manière les projets de Sand to Green au Maroc et en Afrique peuvent-ils être reproduits dans d’autres régions du monde ?
Les solutions développées par Sand to Green sont parfaitement adaptées pour être répliquées dans d’autres régions du monde confrontées à des problèmes de désertification et de stress hydrique. Notre approche clé en main est spécifiquement conçue pour les écosystèmes arides et semi-arides, dont les caractéristiques similaires facilitent la réplication de nos projets. De plus, en standardisant notre modèle agroforestier, nous l’avons rendu compatible avec des projets énergétiques souvent standardisés, ce qui en simplifie l’intégration.
Nous prévoyons également de licencier nos technologies afin que d’autres acteurs puissent déployer des projets similaires à grande échelle. Notre modèle peut ainsi contribuer à la lutte contre le changement climatique et à la restauration des sols dans des régions allant de l’Afrique subsaharienne au Moyen-Orient, jusqu’à l’Australie et l’Amérique du Sud.
* (Source : Science Direct)
Propos recueillis par Selim Benabdelkhalek