Un patrouilleur iranien passe devant un pétrolier près du terminal pétrolier l'île de Khark, en Iran, en mars 2017 © AFP/Archives ATTA KENARE
Les navires-citernes, ou tankers, comme ceux attaqués jeudi en mer d’Oman, naviguent sur des mers agitées entre risques de piraterie, de collision et, désormais, d’éventuelles attaques géopolitiques.
Quelque 60 millions de barils de produits pétroliers voguent chaque jour par bateau, selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA).
Et environ un tiers d’entre eux passe par le détroit d’Ormuz, le principal point de trafic de pétrole au monde qui relie le Golfe persique à la mer d’Oman, là où ont eu lieu les attaques mercredi. La plupart des exportations de brut de l’Arabie saoudite, de l’Iran, des Emirats arabes unis, du Koweit ou de l’Irak y transitent. C’est aussi la principale voie pour le gaz naturel liquéfié exporté par le Qatar.
Les autres grands passages stratégiques sont le détroit de Malacca, entre Singapour et l’Indonésie, suivi du Canal de Suez, en Egypte, et du détroit de Bab el-Mandab, reliant la mer Rouge au golfe d’Aden.
Ces corridors rendent les navires « vulnérables aux vols des pirates, aux attaques terroristes, aux troubles politiques (…) et aux incidents maritimes pouvant conduire à des marées noires désastreuses », remarque l’EIA dans son rapport de 2017.
– Gardes armés –
Pour Alexander Booth, du cabinet Kpler, les navires sont surtout habitués aux attaques de pirates qui se sont beaucoup développées dans certaines zones comme le détroit de Malacca ou le Golfe d’Aden, aux larges des côtes de la Somalie.
« Ils font souvent savoir qu’ils ont des gardes armés à bord quand ils passent dans certaines zones », remarque le spécialiste.
Les attaques comme celles de jeudi sont, à ses yeux, « atypiques, très rares ».
Pourtant, elles interviennent tout juste un mois après des « actes de sabotage » contre quatre navires – deux saoudiens, un norvégien et un émirati – au port de Fujairah, au large des Emirats arabes unis. Et « après des mois d’escalade de tensions au sujet du programme nucléaire iranien, de la guerre au Yémen, et de la course aux armes dans la région », rappelle Anthony Cordesman, spécialiste au Centre des études stratégiques et internationales.
Selon lui, il plane désormais la « menace d’une guerre hybride », où l’Iran pourrait par exemple, sans lancer officiellement une offensive majeure, initier des attaques sporadiques contre des navires dans la région du Golfe. Les moyens abondent: missiles, sous-marins ou petits bateaux téléguidés bourrés d’explosifs, ou encore des mines flottantes.
Par ailleurs, avec la mise en oeuvre par Washington de sanctions contre le pétrole iranien, les tankers affrétés par Téhéran « éteignent souvent leur signal satellite » pour tromper sur le niveau de pétrole exporté par le pays, remarque Matt Smith, du cabinet ClipperData.
En l’absence de ces signaux, qui servent normalement à indiquer la position du bateau aux autres navires, ces derniers font face « à un risque accru de collision ». En janvier 2018, le « Sanchi », un pétrolier iranien transportant 136.000 tonnes d’hydrocarbures légers, avait ainsi pris feu après un choc avec un autre vaisseau au large des côtes chinoises.
Les affréteurs prennent en compte tous ces éléments et peuvent décider de modifier certains trajets en conséquence, assure Alexander Booth.
« Le transport des matières premières est une question d’optimisation », assure-t-il. « Les voies utilisées ne sont pas forcément les plus évidentes sur une carte mais se décident en fonction des facteurs macroéconomiques, de la composition des produits, de l’activité des raffineries, etc. Il peut arriver qu’un cargo change cinq fois de direction au milieu de l’Atlantique avant d’arriver à sa destination. »
Au total, quelque 94.000 cargos voguent de par le monde, selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement.
Si les navires convoyant des matières premières solides comme le charbon ou les céréales représentent, en tonnage, la plus grande partie de la marine marchande mondiale (42,5%), ceux acheminant du pétrole brut ou transformé en représentent près de 30%. Egalement dans la catégorie des tankers, les méthaniers (gaz liquéfié) et les chimiquiers (produits chimiques) représentent 5,6% du trafic maritime.
LNT avec Afp