Malmené depuis le début de la campagne électorale, le Premier ministre sortant du Canada Justin Trudeau est passé à l’offensive jeudi contre son principal adversaire conservateur lors du premier débat télévisé, à moins de trois semaines du scrutin.
A la tête d’un gouvernement minoritaire depuis octobre 2019, Justin Trudeau rêve de retrouver la majorité à la chambre des Communes. Espérant surfer sur une bonne gestion de la campagne vaccinale, il a déclenché des élections mi-août.
Mais le début de campagne a été très chaotique pour le leader libéral, poursuivi à chaque meeting par une foule de manifestants hostiles aux mesures vaccinales, et qui a tardé à sortir sa plate-forme électorale.
L’enjeu était donc fort pour lui dans ce premier débat où il avait un avantage : une meilleure maitrise du français que son adversaire conservateur, Erin O’Toole.
« Vous ne connaissez pas votre dossier, M. O’Toole! », « Vous n’avez chiffré aucune de vos réformes. Ce n’est pas sérieux comme approche », a notamment lancé Justin Trudeau à son principal opposant.
Il l’a accusé aussi de double langage sur certains dossiers comme la santé, avec une médecine « à deux vitesses », ou encore sur les armes à feu.
Se présentant comme le « changement », face à « l’immobilisme » de M. Trudeau, Erin O’Toole a promis d’être dans « l’action ».
Il a aussi à plusieurs reprises dénoncé les calculs politiques de Justin Trudeau qui place « ses intérêts avant les intérêts des Canadiens », évoquant le déclenchement des élections à un moment qu’il juge inopportun en raison de la remontée des cas de Covid-19 dans le pays.
Une attaque reprise par les deux autres chefs présents pour ce premier débat: Jagmeet Singh, du Nouveau Parti démocratique (NPD, gauche), et Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois (indépendantiste).
Avant la dissolution du Parlement, les libéraux comptaient 155 sièges, les conservateurs 119. De leur côté, le Bloc québécois et le NPD en ont respectivement 32 et 24. A cela s’ajoutent deux députés verts, cinq indépendants et un siège vacant.
La pandémie a occupé une bonne partie de ce premier débat, avec notamment la question de la vaccination obligatoire. Mais il a aussi été question des garderies, du racisme systémique, de la santé et un peu d’environnement.
– « Non-réponses » –
« Justin Trudeau a mobilisé un langage très familier, et ses quelques montées ont rappelé le politicien empathique qui a charmé les Canadiens en 2015 », estime auprès de l’AFP Félix Mathieu, politologue à l’université de Winnipeg.
Geneviève Tellier de l’université d’Ottawa estime de son côté que « les non-réponses de M. O’Toole pourraient en agacer plus d’un », pour autant elle n’identifie pas de vainqueur dans ce débat.
« Trop peu de temps a aussi été consacré à la réconciliation et l’environnement », note le professeur de science politique Daniel Béland de l’Université McGill. Des thèmes pourtant importants aux yeux des jeunes électeurs, dont le vote pourrait être crucial.
D’après les derniers sondages, conservateurs et libéraux sont maintenant au coude à coude avec dans certains sondages une avance pour les troupes d’Erin O’Toole.
Ces derniers temps, les mauvaises nouvelles se sont en effet accumulées pour Justin Trudeau qui voit sa campagne perturbée par des opposants aux mesures sanitaires. Vendredi dernier, il a dû annuler un meeting et il annonce donc maintenant chacun de ses déplacements à la dernière minute.
Mercredi, un mauvais chiffre s’est abattu sur celui qui brigue un troisième mandat : l’économie canadienne s’est contractée au deuxième trimestre, signe d’une reprise économique plus fragile qu’anticipé.
« Présentement, on ne peut pas écarter l’idée qu’Erin O’Toole pourrait l’emporter », explique à l’AFP le politologue et expert du conservatisme Frédéric Boily, qui note que « les aiguilles politiques ont bougé » récemment en faveur des conservateurs dans le Canada anglais.
Pour que son parti reprenne le pouvoir à Ottawa, cet ancien militaire et avocat de 48 ans, doit marquer des points au Québec, deuxième province la plus peuplée et seule province francophone du pays.
Deux autres débats, organisés par un regroupement de médias, sont prévus les 8 septembre en français et le 9 septembre en anglais. La chef du Parti vert Annamie Paul, première femme noire à la tête d’un parti fédéral, se joindra aux quatre chefs lors des prochains rendez-vous.
LNT avec Afp