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Depuis quelques jours, une vidéo de Feu Sa Majesté le Roi Hassan II circule sur les réseaux sociaux et apporte un éclairage historique aux événements dignes d’une guerre civile qui ont émaillé la France depuis le décès d’un jeune de 17 ans, tué par un policier lors d’un contrôle routier.
Feu Hassan II, dans des interviews différentes, dont une menée par Anne Sinclair, donne son opinion sur la situation des immigrés marocains en particulier en Europe et en France. C’est en tant que monarque qu’il s’exprime, avec la qualité oratoire qu’on lui connait et la profondeur historique. Ses mots sont donc pesés et choisis.
Pourtant, il affirmait notamment, à propos des immigrés de seconde et troisième génération en Europe, qu’« ils ne seront jamais intégrés… que ce seront de mauvais Français (Hollandais, Italiens, etc.), ils ne seront jamais 100% Français et on finira par le leur reprocher. » Pour nous donc Marocains, ceux qui vivent en Europe sont des « Marocains résidants à l’étranger ».
Ce point de vue historique permet de mettre en perspectives les émeutes et leur violence en France. L’indignation, la colère et la tristesse qu’ont suscité le décès de Nahel sont légitimes et que les pairs de ce jeune adolescent de tous les « quartiers » de France aient ressenti le besoin d’extérioriser leurs émotions était prévisible. Mais, comme souvent justement lorsque la communauté d’origine maghrébine ou africaine est impliquée, c’est la boite de Pandore qui s’est renversée en France.
Pays de la philosophie, le débat prend vite la direction de savoir si c’est la poule qui fait l’œuf ou inversement. Pourquoi les banlieues s’embrasent-elles aussi vite ? Parce que l’intégration n’a pas réussi, ou parce que les habitants n’ont pas voulu s’intégrer ? La police a-t-elle un comportement violent et raciste envers les jeunes des quartiers ou est-elle exposée en permanence à la défiance et la haine de jeunes dont le quotidien banalise l’usage et la vente de drogues ou encore celui des armes ? En bref, Nahel a-t-il eu ce qu’il méritait ou est-il la victime d’une énième bavure policière elles-mêmes banalisées ?
On laissera le soin aux analystes experts en huile sur le feu de BFM ou de Cnews pour trancher ces questions. En revanche, ce qui est sûr, c’est que sur Tiktok, les vidéos des émeutes qui montrent des jeunes scander « Franca n7ergouha » en dévalisant des magasins comme des zombies postapocalyptiques, n’apaiseront pas la peine d’une mère qui a perdu son fils.
De même, les comparaisons vaseuses qui nous expliquent qu’au Maroc ces émeutes n’auraient pas été possibles parce qu’elles auraient été réprimées plus efficacement sont pleines d’insinuations, dans un contexte où les donneurs de leçons devraient plutôt être dans l’autocritique.
Parce que le fond du problème c’est que derrière la façade de l’intégration, en France, se cachent la misère, la pauvreté, l’ostracisation sociale voire le racisme ordinaire et que ce sont des communautés entières de Français d’origine africaine qui les matérialisent et représentent aux yeux de tous les autres « bons Français ».
Au Maroc, il y a des inégalités sociales prégnantes, on ne cherche pas à le nier. Mais, la société marocaine ne contient pas une ethnie en marge ou une communauté minoritaire en joue en permanence. Outre atlantique, aux Etats-Unis, le schéma est en partie le même avec la communauté afro-américaine qui stigmatise à elle seule les plus grosses difficultés économiques et les statistiques morbides.
Alors la poule, l’œuf ou une omelette avec des œufs cassés ?
Zouhair Yata