La Première ministre britannique Theresa May en campagne à Norwich, dans l'est de l'Angleterre, le 7 juin 2017 © AFP Ben STANSALL
L’Union européenne s’inquiète de la tournure prise par les élections législatives britanniques, plus serrées que prévu, craignant une absence de majorité absolue qui aurait des répercussions négatives sur les négociations du Brexit, quel que soit le vainqueur du scrutin.
Plus que l’élection elle-même, c’est bien la menace de voir ces négociations capoter qui concentre l’attention à Bruxelles – où beaucoup parient encore sur une victoire de l’actuelle Première ministre Theresa May.
Le négociateur en chef de la Commission, Michel Barnier, a prévenu que l’UE était prête à négocier dès que possible. Mais M. Barnier a aussi a averti Londres des risques d’un départ sans accord de sortie et sans accord de libre-échange post-Brexit.
Un « clash » après le début formel des négociations n’est « pas improbable », a déclaré à l’AFP une source européenne, sous couvert d’anonymat. « Un +no deal+ est possible, effectivement », a reconnu la même source.
L’Union européenne, qui espère débuter les négociations le 19 juin, soit une dizaine de jours à peine après le scrutin, n’a pas d’avis, officiellement, sur les élections qui se tiennent dans un de ses Etats membres.
Mais selon plusieurs sources, Bruxelles espère que le vote de jeudi fera émerger un leader de poids, doté d’un « mandat fort » pour les deux ans de négociations intenses qui s’annoncent.
Cette position peut paraître paradoxale. Mais pour les analystes, si Theresa May, par exemple, parvenait à renforcer sa faible majorité, elle serait moins redevable aux eurosceptiques de son propre parti conservateur.
Ce qui pourrait l’amener à faire des compromis sur des questions épineuses comme la facture – de 50 à 100 milliards d’euros, selon les estimations – que Bruxelles réclame à Londres ou les droits des ressortissants de l’UE vivant au Royaume-Uni.
Mais des sondages serrés publiés avant l’élection, où les travaillistes seraient au coude à coude avec les conservateurs, laissent penser qu’aucune des deux parties ne pourrait avoir de majorité absolue.
– ‘Dans l’expectative’ –
A Bruxelles, certains s’inquiètent par ailleurs du ton de plus en plus dur employé à propos du Brexit tout au long de la campagne. Le ministre du Brexit David Davis lui-même n’a pas hésité à répéter qu’il ne rechignerait pas devant une absence d’accord de retrait.
Michel Barnier a déjà répondu qu’il ne « (voulait) pas imaginer (…) une rupture des négociations ». « Je conseillerais à tout le monde de bien expliquer les conséquences d’un +no deal+ », avait-il suggéré.
Selon Andrew Duff, analyste au European Policy Centre (EPC) basé à Bruxelles, le Royaume-Uni et l’UE courent le risque de voir leurs positions « s’opposer diamétralement », ce qui devrait pousser l’UE à prévoir un plan B.
« Si on continue comme ça, les discussions (pourraient) échouer », écrit-il dans une étude.
Pour un diplomate européen rodé aux négociations internationales, il est impossible pour l’UE d’anticiper la stratégie du Royaume-Uni tant que celui-ci n’a pas rejoint la table des négociations.
« Tout le monde est dans l’expectative », résume Amandine Crespy, de l’Institut d’études européennes à l’Université libre de Bruxelles (ULB).
Selon elle, en cas de victoire de Theresa May, « le discours du +hard Brexit+ » risque de montrer « ses limites ». « Si elle est trop rigide, on le lui reprochera, car elle sera peut-être obligée de céder sur certains points », explique-t-elle.
Et si le chef de l’opposition, Jeremy Corbyn, marqué très à gauche, l’emporte, la situation est encore plus incertaine.
« S’il gagnait, ce serait intéressant, parce que ça rebattrait toutes les cartes », estime Amandine Crespy, bien que le dirigeant du Labour se soit engagé à respecter le résultat du référendum.
En attendant le résultat du scrutin, l’UE joue l’unité, et répète à l’envi que les discussions sur le Brexit ne la distrairont pas de sa volonté de se reconstruire après des années de crise et de montée de l’euroscepticisme.
Le bras droit de Jean-Claude Juncker, Martin Selmayr, déclarait encore récemment que le président de la Commission ne consacrerait qu’une demi-heure par semaine au Brexit.
L’élection en France d’Emmanuel Macron, un président très pro-européen, a en outre donné une nouvelle impulsion à l’UE, d’autant plus décisive que les Européens doivent faire face outre-Atlantique à un partenaire versatile avec Donald Trump.
LNT avec Afp