
Au cas où vous l’auriez oublié, en septembre 2021, auront lieu les prochaines élections législatives au Maroc. Difficile de s’en rappeler dans un contexte où l’actualité est littéralement focalisée depuis mars 2020 sur la pandémie sanitaire mondiale et ses effets sur notre pays. S’il est évidemment indispensable de tenir toutes les échéances électorales, quel que soit le contexte, pour respecter les prescriptions de la Constitution et consolider les acquis démocratiques, force est de constater que cette fois encore, le rendez-vous des Marocains avec les urnes risque de ne pas avoir lieu.
L’état d’urgence, l’interdiction des rassemblements, la distanciation sociale obligatoire, les déplacements entre les villes contrôlés, sont autant de freins opérationnels et objectifs à la tenue d’une année électorale normale. Les partis politiques, déjà inaudibles auprès de la majorité de nos concitoyens, sont devenus invisibles, sans que rien ne soit entrepris pour remédier à la fracture existante ni au contexte particulier du moment.
Pourtant, s’il y a un bénéfice que le Maroc pourrait retenir de cette triste période que nous vivons, c’est la digitalisation accélérée de TOUS les Marocains. Agile par excellence, le digital a été la solution refuge de nombreux secteurs de l’économie nationale avec succès et surtout rapidité. Nos supermarchés nous livrent à domicile et nos épiciers prennent leurs commandes sur WhatsApp, mais nos partis politiques préfèrent continuer à partager des « replays » de leurs interventions télévisées sur leur page Facebook.
Pourtant à croire nos politiques, les préoccupations des Marocains sont leur priorité, et leurs programmes doivent répondre à celles-ci. Paradoxe ultime lorsqu’on est absent du quotidien des internautes marocains.
Malgré l’ébullition d’avis et de commentaires quotidiens des internautes sur la chose publique au Maroc, la conversion de cette indignation virtuelle ne s’exprime que très peu lorsqu’il s’agit de passer à l’isoloir. Et la faute est aux partis politiques qui ne prennent pas la mesure des changements qui s’opèrent sous leurs yeux.
Alors oui tous les partis ont des pages Facebook mais leurs communautés ne reflètent aucune réalité. Quand l’Istiqlal et l’USFP, les plus vieux partis nationaux, cumulent quelque 100 000 abonnés, le RNI et le PJD en ont au moins un million chacun, tandis que le PPS, supposé petit parti, en totalise plus de 300 000. En revanche, tous ont le même niveau, ridiculement bas, d’engagement sur leurs publications et les dizaines de « likes » ou de commentaires font pauvre mine face au nombre d’abonnés affiché.
Pas d’introspection ou de nouvelle stratégie donc après une année pratiquement de confinement, mais plutôt une politique de l’autruche qui peut s’avérer payante.
Parce que la vraie question est de savoir si les partis politiques ont un quelconque intérêt à motiver les Marocains à voter, à leur présenter des programmes détaillés, à contredire le bilan des sortants sous le principe de la reddition des comptes ou encore, ô folie, à proposer une approche innovante dans quelque domaine que ce soit.
Aucun parti n’a ressenti le besoin de s’accaparer l’écologie ou les nouvelles technologies pour séduire une nouvelle clientèle, ni n’a d’ailleurs adoubé de nouveaux visages jeunes ou féminins par exemple. Silence radio également sur tous les sujets de société qui nous préoccupent.
Si Obama a gagné son second mandat grâce à internet et aux réseaux sociaux en… 2012, les partis politiques marocains tablent sur l’effet inverse. En n’impliquant peu ou pas les citoyens dans le processus électoral, même avec une abstention record, les élections produiront un résultat avec lequel ils peuvent et savent composer, suivant l’adage « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». A ce rythme, ce n’est pas demain qu’on parlera de « démocratie locale participative » au Maroc.
Alors pour mettre un bon coup de pied dans la fourmilière de l’immobilisme et des réticences au changement de notre chère classe politique, parce qu’ils préfèrent surement que nous ne le fassions pas, votons.
En notre âme et conscience. Pour justifier de toutes nos indignations quotidiennes, souvent digitalisées. Avec nos propres critères. Votons pour le moins pire, le plus jeune, la seule femme, les plus expérimentés, les plus sympathiques, les plus honnêtes, les plus travailleurs, les plus convaincants. Parce que si la terre tremble un peu, l’autruche devra lever la tête.
Zouhair Yata