C’est un fait implacable. Le rythme de la digitalisation à travers le monde s’accélère d’année en année. Ceux qui ne l’ont toujours pas compris ou ne veulent toujours pas le comprendre, risquent gros. Aujourd’hui, puisque tous les espaces de la vie se digitalisent, les Etats les plus compétitifs sont, entre autres, ceux qui ne cessent de développer leur capital numérique.
Qu’en est-t-il alors de notre pays ? Sommes-nous à jour ? A-t-on pu réussir à mettre en place un système e-gov à même de répondre aux contraintes d’un Service Public appelé à performer avec des prestations électroniques destinées aux citoyens ? Ceci sans pour autant renier ses notions classiques de continuité, de disponibilité, de gratuité, d’efficacité et autre impartialité…
Pour un pays qui se veut émergent comme le Maroc, la numérisation de l’administration est de l’avis de beaucoup un outil fondamental pour l’efficacité et la transparence. Un outil aussi pour renforcer la confiance entre l’administration et le citoyen, améliorer les conditions de travail des agents publics et partant, instaurer une nouvelle culture relationnelle entre les gouvernants et les gouvernés.
Il est important de souligner également que le Nouveau Modèle de Développement où l’usager est placé au cœur de son plan d’actions, adopte un certain nombre de projets et de programmes visant à améliorer les services administratifs, à simplifier les procédures et à les numériser au service du citoyen et de l’entrepreneur. Le tout dans le grand espoir de permettre d’atteindre un changement qualitatif dans la vie administrative de l’usager, ce qui allégera plusieurs fardeaux et difficultés, tels que les déplacements, les dépenses et la complexité des procédures. Encore plus important la transparence et l’intégrité dans la relation du contribuable avec son espace administratif. Ne dit-on pas que la technologie n’a pas de ‘‘poche’’ ? Ni d’‘‘amis’’ et autres ‘‘Bak Sahbi ’’!
Actuellement, au Maroc, plusieurs services publics traditionnellement physiques, ont été digitalisés et sont désormais accessibles en ligne. Ces évolutions ne cessent de bouleverser la relation administration-usager. Laquelle relation est encadrée par un certain nombre de textes législatifs et réglementaires dont on cite notamment, la loi n°53-05 relative à l’échange électronique de données juridiques, la loi n° 55.19 relatives à la simplification des procédures et des formalités administratives, la loi n° 43-20 relative aux services de confiance pour les transactions électroniques, la loi n° 61-16 portant création de l’Agence de Développement du Digital et d’autres textes spécifiques en rapport avec l’administration électronique.
Ces textes ont pour objectifs d’une part, d’édicter les principes généraux et les modalités que l’administration doit suivre afin de promouvoir un climat de confiance entre les administrations et les usagers et à mieux encadrer l’action de digitalisation des services publics selon des procédures transparentes et des normes bien définies et d’autre part, d’inciter à la digitalisation des démarches et procédures administratives.
Certes, le nombre de services en ligne disponibles actuellement au Maroc est important, mais c’est la qualité des services aux usagers qui est au centre des préoccupations de l’administration. Il est à rappeler que les administrations sont tenues de procéder à la numérisation / digitalisation des procédures et formalités administratives au plus tard cinq ans à partir de l’entrée en vigueur de la loi n° 55.19 précitée. Le recours à la digitalisation a été boosté par les effets de la pandémie du Covid-19 et le recours des usagers au numérique pour effectuer leurs démarches et à l’administration pour fournir ses services. Ainsi, par exemple et selon le rapport annuel 2019 de la DGI, 230 734 nouvelles adhésions aux téléservices de la DGI ont été enregistrées. 86% de la recette brute globale (hors TSVA) recouvrée par la DGI ont été télépayées, soit 129.9 MDH via plus de 7 millions d’opérations. Par ailleurs, le Maroc a mis en place en 2008 sa première Carte Nationale d’Identité Electronique (CNIE), bénéficiant à 32 millions de Marocains, dont 2,7 millions de MRE et couvrant plus de 85% de la population totale du pays. Ce document sera dorénavant la clé de voûte de tout le dispositif de digitalisation des procédures administratives et de transactions de tout genre.
Concrètement, les administrations marocaines de premier plan, à savoir la DGSN, la TGR, la Douane, la DGI, l’Intérieur (CNIE, Passeport biométrique) l’ANP avec sa plateforme PortNet… mettent grandement à profit l’outil numétique.
L’importance du capital humain
Il est par ailleurs important de souligner que sans une forte mobilisation et adhésion du capital humain, la transition numérique de l’administration marocaine escomptée risque de ne pas aboutir. D’ailleurs, l’élément humain de l’administration marocaine a toujours été au centre de sa réforme. Car promouvoir une société numérique est tributaire de la formation, la formation continue, la sensibilisation et de la conduite du changement.
Pour réussir à offrir des services publics numériques, simplifiés, fiables, efficaces et adaptés aux besoins en constante évolution des usagers, il importe de transformer les façons de travailler de l’administration, inculquer la pensée numérique et veiller à l’intégration d’une culture du numérique. La concrétisation de cette vision sera possible grâce à l’application de normes, standards et bonnes pratiques digitales reconnues et intégrées dans le corpus de l’administration.
A cet égard, on apprend que les ministères se sont déjà engagés dans un programme de renforcement des compétences des fonctionnaires en matière de digitalisation, qui vise 10.000 personnes au niveau central et local, et plus de 2.000 administrations ont déjà des modules applicatifs développés par l’ADD, via le volet Smart Gouvernement.
L’intéropérabilité et le partage des données entre les différents services de l’administration marocaine est aussi un chantier colossal et prioritaire. Car en plus d’un certain nombre de problématiques liées le plus souvent à la connectivité et la mise à jour, le partage des données entre les différents services administratifs est le parent pauvre de notre administration, qui reste toute même et malgré tout toujours aussi ‘‘jalouse’’ de ses données et ses décisions. Un héritage à éradiquer absolument pour la société d’information et d’économie numérique à laquelle aspirent vivement les citoyens marocains, les jeunes en particulier.
Hassan Zaatit