Droit de Grève : 2025, l’année du déblocage après plus d’un demi-siècle !
Très polémique, la loi organique n° 97.15 encadrant le droit de grève a été adoptée au forçeps en octobre de cette année. Ce texte est censé établir un cadre juridique pour l’exercice du droit de grève.
Sur le plan syndical, il est important de rappeler que 2025 reste une année qui a été marquée par l’adoption de loi organique n° 97.15. Un dispositif juridique qui touche l’essence même de l’action syndicale, voire sa raison d’être. En effet et après un demi-siècle de verrouillage, le texte a vu le jour cette année avec comme objectif principal : remodeler profondément l’exercice du droit de grève au Maroc, en renforçant les garanties des travailleurs tout en veillant à la continuité des services essentiels.
Néanmoins, son adoption n’a pas été chose aisée. Bien au contraire, c’est un texte qui a été au centre de vifs et houleux débats entre les syndicalistes, les partis de l’opposition et la majorité gouvernementale : « D’un droit constitutionnel à un piège juridique » ! C’est de la sorte que les syndicalistes de tout bord ne cessent, jusqu’à présent, de qualifier cette loi organique régissant l’exercice du droit de grève, tout en soulignant avec force qu’il s’agit là d’une grave atteinte à un droit constitutionnel et un regrettable retour en arrière en matière des libertés syndicales.
Pour d’autres, plus qu’une simple réglementation, cette loi organique reste un cadre légal censé offrir un nouveau souffle, voire une nouvelle approche à même d’assurer un exercice plus au moins correct de ce droit constitutionnel.
Mais pour d’autres encore, après plus d’un demi-siècle, il était grand temps d’adopter une nouvelle formule juridique jusqu’alors non spécifiée par un texte d’application clair, en vue d’être à jour des défis et autres contraintes socio-économiques de l’heure. Et de poursuivre que ce texte vise un « rééquilibrage » entre les droits de la classe ouvrière, la continuité des services essentiels et les droits des employeurs.
Unanimes, toutes les centrales syndicales continuent de rappeler à qui veut bien l’entendre que sans le respect du droit de grève, le syndicalisme n’aurait pas de sens. Ils sont, depuis des années déjà, contre le principe d’élaboration d’une loi organique qui réglemente le droit de grève (depuis déjà 1962), optant pour le renforcement du dialogue social, la modernisation des relations professionnelles et la conclusion de conventions collectives pour éviter les grèves, citant dans ce sens, l’exemple de la France qui ne dispose pas d’une loi organique sur la grève.
En effet, entre la procédure obligatoire imposée pour l’appel à la grève et le délai dont le non-respect est assorti d’illégalité, cette législation serait une atteinte aux droits des travailleuses et travailleurs du pays. Ce texte a été massivement rejeté par les principales centrales syndicales, notamment l’UMT, la CDT et l’UGTM, qui l’ont qualifiée de ‘‘loi d’interdiction de la grève’’.
Dans la même lignée d’idées, il faut rappeler que le droit de grève est garanti par la Constitution marocaine depuis 1962. Pourtant, faute de législation organique dédiée, son exercice s’effectuait jusqu’ici de manière relativement empirique, laissant place à de nombreuses interprétations parfois divergentes. Des conflits sociaux survenaient régulièrement, notamment dans le secteur privé, sans cadre légal clair pour fixer la durée, les modalités de préavis ou encore les obligations réciproques des employeurs et des salariés. Parallèlement, la loi impose également des conditions strictes pour le déclenchement d’une grève, comme l’approbation par un syndicat représentatif ou un pourcentage de salariés.
Depuis 2016, plusieurs projets de loi ont circulé sur la table du gouvernement et au Parlement, suscitant un vif débat parmi les syndicats, qui craignaient que certaines dispositions ne restreignent leur liberté d’action. Le texte aujourd’hui adopté se présente donc comme un compromis. Il entend, selon le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite Entreprise, de l’Emploi et des Compétences, “protéger d’abord le droit de grève” tout en assurant la continuité de l’activité dans les services vitaux pour la société.
H.Zaatit
