La Nouvelle Tribune : Mme Tazi vous dirigez, Immorente, une société de gestion d’actifs immobiliers locatifs cotée à la bourse de Casablanca.
C’est cette activité même qui vient d’être encadrée par des OPCI, des organismes de placement collectif immobilier, collectant de l’épargne pour l’investir dans l’immobilier locatif.
A quelques années prés, Immorente n’a-t-elle pas été « précurseur « ?
Mme Soumia Tazi : Immorente est une société d’investissement ayant pour objectif d’acquérir ou de développer des biens immobiliers professionnels de qualité dans des emplacements « prime » loués à des locataires grandes entreprises, nationales et multinationales.
Elle verse à ses actionnaires, institutionnels et petits porteurs en bourse, le produit de ses loyers diminué des charges d’exploitation, et offre ainsi un rendement de 6 à 7.5% par an par rapport au prix d’introduction en bourse.
La qualité de l’actif et du locataire représentent la pierre angulaire de la décision d’investissement. Immorente prend soin également de respecter une bonne diversification et une bonne allocation de son portefeuille d’actifs.
L’objectif étant d’offrir à ses actionnaires un rendement immobilier récurrent issus des loyers perçus d’un portefeuille de diversifié (Actifs de bureaux abritant les sièges de Huawei,SII, FRI – Master franchisé McDonald, SDCC, actifs commerciaux loués à l’importateur des marques Seat, Honda et Ferrari, usine à Atlantic Free Zone louée à Faurecia, etc…)
. Immorente, c’est la possibilité d’accéder à un loyer tranquille pour tous, sans les tracas de la gestion, avec de la diversification, de la transparence, de la liquidité, c’est-à-dire la possibilité d’acheter ou de vendre totalement ou partiellement ses actifs quotidiennement à la Bourse de Casablanca et un ticket accessible et librement défini, à partir de 100 dh. Immorente, à travers son introduction en bourse, a fait naitre une nouvelle classe d’actifs : La pierre-papier.
Cette classe d’actif, qui regroupe à l’échelle internationale les REIT (Real Etate Investment Trusts), les SIIC en France (Sociétés d’investissement en Immobilier Cotées) ou OPCI au sens de la loi 70-14 au Maroc promulguée en aout 2016, représente environ 2000 milliards d’euros de capitalisation et plus de 750 foncières cotées.
C’est dire si ce mode d’épargne a du succès à l’échelle internationale. Nous avions à cœur d’introduire cette classe d’actifs sur les marchés marocains, qui s’apparente dans son comportement à une obligation, avec des rendements stables et récurrents mais qui demeure dans la classe actions avec une prime intéressante pour les actionnaires qui de l’ordre de 250 à 300 points de base par rapport aux fonds obligataires long terme.
En ce sens, nous avons été en effet précurseurs puisque Immorente est la seule foncière inspirée de ces modèles et disponible pour tous à la cote de Casablanca.
Pouvez-vous présenter à nos lecteurs le business model qui a prévalu à la création d’Immorente ? De l’initiateur du projet à son introduction en bourse, comment le capital et les actionnaires ont-ils évolué ? Quels sont les principaux chiffres qui traduisent son succès en terme d’actifs immobilier, de secteurs investis, de locataires et surtout de taux de rendements sur quels termes ?
Immorente est partie d’une idée simple : proposer au grand public de l’immobilier locatif sans tracas.
CFG Bank, le promoteur de ce projet a créé en 2011 Immorente afin de donner vie à cette idée et de manière plus large cette classe d’actifs. Immorente a connu 3 grandes phases depuis sa création.
- Les 2 premières années ont été dédiées à éprouver le business model avec les fonds et actifs de notre sponsor. C’est durant ces années que nous avons benchmarké, et créé la foncière.
- Nous avons ensuite, pendant les 3 années qui ont suivi, fait entrer dans le tour de table de nouveaux investisseurs comme AXA Assurance Maroc qui nous suit depuis lors et qui réitéré son engagement auprès de Immorente lors de son introduction en bourse. Cette deuxième phase a également été celle de la montée en régime au niveau des investissements. Nous avons durant cette phase diversifié nos actifs en investissant notamment dans des bureaux à la Marina de Casablanca loués à de grandes entreprises comme FRI (master franchisé de McDonald), SII (SS2I française), SDCC, sécurisé des investissements en bureaux additionnels loués à Huawei, une unité industrielle à Atlantic Free Zone à Kenitra construite pour le compte et louée à Faurecia, équipementier automobile français filiale de PSA etc… Ces actifs ont été financés, outre les fonds propres de départ, par une émission obligataire émise en 2016.
- Le début de la troisième phase a quant à lui été marque par la préparation et la réalisation de l’introduction en bourse qui nous a permis de consacrer l’implémentation du business model en offrant à tous les épargnants la possibilité d’accéder à une part d’un portefeuille d’actifs diversifiés, avec une taille de souscription librement définie à partir de 100 dh. Avec la liquidité offerte par la bourse, un épargnant peut ainsi avoir accès à un loyer tranquille tout en investissant le montant qu’il souhaite, et en ne gérant rien. Nous avons levé à travers cette IPO, en mai 2018, 400 mDh et avons vu notre noyau stable se renforcer avec la CAT et la SCR (Société Centrale de Réassurance) aux cotés de AXA Assurance Maroc et de CFG Bank.
Aujourd’hui, le portefeuille d’actifs de Immorente est très équilibré entre les classes d’actifs Industrie, Bureaux et Commerces qui représentent environ 1/3 chacune.
Pour conclure, Immorente est née d’une initiative de notre promoteur, CFG Bank de créer une nouvelle classe d’actifs : La Pierre Papier. Cette classe d’actif vient compléter le dispositif au Maroc mis à la disposition des épargnants, au-delà du monétaire, de l’obligataire et de l’action. Elle vient se situer en termes de couple rendement / risque entre l’obligataire et l’action et offre une perspective de rendement régulier, entre 6 et 7,5%. Promesse tenue en 2019 pour la 4e année, avec un dividende de 6 dh/action mis en paiement le 8 mai.
Immorente intervient sur un nouveau marché où elle n’est déjà pas le seul acteur. Pouvez-vous nous en parler ? Quelles sont les nuances de ce métier par rapport à celui des OPCI ? Serez vous obligés de convertir votre société en OPCI pour vous conformer à la nouvelle loi en la matière? Quels en seraient les freins?
En effet si Immorente a innové en matière de financement (IPO) et de structuration, elle agit sur un secteur ou d’autres acteurs sont aujourd’hui présents, foncières ou institutionnels (compagnies d’assurances, caisses de retraite, etc…) que ce soit dans le commerce, dans l’industrie ou le bureau.
Ces professionnels du secteur, existants aujourd’hui comme nous ou ceux qui se structurent, sont actifs dans les discussions autour des OPCI que nous attendons tous.
Les véhicules pierre-papier, (OPCI, REIT et SIIC) sont considérés au niveau international comme un formidable moyen de financer le secteur immobilier tout en libérant la capacité de financement des entreprises du tissu industriel et des services.
Par ailleurs, ils permettent de canaliser l’épargne longue des particuliers avec un couple rendement/risque attractif et également, sur un autre volet, donnent plus de transparence à la filière immobilière.
Pour ce qui est de Immorente, nous avons voulu nous structurer dès l’introduction en bourse comme un OPCI, mais un OPCI coté à la Bourse de Casablanca.
La cotation est un choix. Elle nous permet de ne pas variabiliser le capital comme un OPCVM ou gré des souscriptions et des rachats et ainsi de maitriser nos périodes d’investissement afin d’offrir une gestion la plus en ligne avec nos promesses dont la principale est d’offrir du rendement récurrent, résilient.
Notre métier ne diffère en rien opérationnellement de celui de la gestion d’OPCI. Les OPCI sont régis par une loi qui a été promulguée en septembre 2016 et qui en encadre la gouvernance et les règles.
Par ailleurs, l’AMMC sera responsable de l’octroi des agréments aux sociétés de gestions et aux futurs OPCI à l’instar de ce que cette Autorité fait déjà pour les sociétés de gestion d’OPCVM.
L’Autorité sera également en charge du contrôle des sociétés de gestion et des OPCI ainsi que de leur conformité aux règles édictées.
Parlant maintenant de Immorente et de sa stratégie au regard de cette nouvelle réglementation, nous nous étions déjà conformé, lors de l’IPO, à ce qui existait au niveau des textes disponibles en 2018.
Ces textes sont maintenant en cours de précision par les circulaires de l’AMMC et notamment celle qui a été approuvée et publiée concernant l’octroi des agréments aux sociétés de gestion.
Nous étudions de près la possibilité de demander un tel agrément et la possibilité, quand la circulaire sur les OPCI sera prête, de transformer Immorente en OPCI.
Ceci n’est bien entendu pas une obligation, mais il nous semble naturel d’étudier notre mise en conformité avec les OPCI et de la proposer à notre assemblée générale qui est souveraine dans cette décision après lui avoir exposé les conclusions de notre analyse.
Nous étudierons en temps voulu la règlementation, la fiscalité et les implications comptables une fois toutes les circulaires prêtes ainsi que le plan comptable, non encore voté à l’heure ou l’on se parle.
Qu’il s’agisse de votre statut actuel ou celui d’un OPCI, pouvez-vous nous expliquer quels sont les avantages fiscaux de cette nouvelle activité: en quoi consiste la transparence fiscale ? Comment l’exonération fiscale qui en découle profiterait elle aux épargnants ? Quid des amortissements des immobilisations dans le cas d’exonérations fiscale de l’IS?
En 2016, le Maroc a adopté une loi sur les OPCI destinée à créer cette classe d’actifs, la pierre-papier, sur ses marchés financiers.
Afin de permettre l’application effective de cette loi, des décrets d’application, des circulaires, un plan comptable ont été proposés.
En tout début de semaine dernière, nous apprenions que la circulaire précisant les conditions d’octroi d’agrément à la société de gestion ainsi que son suivi et contrôle a été validée, ce qui nous rapproche encore plus de l’applicabilité de la loi !.
Les grands principes du dispositif OPCI grand public sont les suivants :
- L’objet de l’OPCI est la construction et l’acquisition, directement ou indirectement de biens immobiliers exclusivement en vue de leur location, (y compris en l’état futur d’achèvement) et non de leur revente.
- Le dossier de l’OPCI doit être agréé et visé par l’AMMC. L’OPCI doit être géré par une société de gestion agrée par l’AMMC. L’OPCI répond aux obligations des sociétés faisant appel public à l’épargne.
- L’OPCI doit diversifier son portefeuille selon une allocation définie dans la loi. Par ailleurs, il doit répondre à une politique d’investissement et de gestion clairement définie dans le règlement de gestion.
- L’OPCI grand public se finance maximum à hauteur de 40% (loan-to-value).
- L’OPCI doit être évalué 2 fois par an par 2 évaluateurs indépendants agréés par une commission et dont la liste est fixée par l’AMMC.
- L’OPCI n’est pas soumis à l’IS pour tous ses revenus locatifs et n’est pas soumis aux droits d’enregistrement.
- En contrepartie de cette exonération d’IS, l’OPCI doit distribuer 85% au moins de ses résultats distribuables sous forme de dividendes imposés à 15% pour les personnes physiques. Un abattement de 60% est prévu pour les personnes morales.
- Les OPCI sont dispensés de doter les amortissements sur les biens leur appartenant.
Nous constatons que cette transparence fiscale, à conditions de rentabilité identiques, devrait profiter aux épargnants puisqu’elle permet à l’OPCI de ne pas payer d’IS sur les revenus locatifs. Le résultat distribuable devrait ainsi, à rentabilité identique, augmenter en conséquence.
Le marché de l’immobilier locatif est un peu investi par les institutionnels comme c’est le cas d’AXA qui est un des actionnaires d’Immorente, pensez-vous qu’ils se désisteraient en faveur des nouvelles sociétés de gestion en immobiliers locatifs que sont les OPCI ?
Que pouvez-vous nous dire sur ce marché ?
En effet, le marché de l’immobilier locatif est aujourd’hui très investi par les institutionnels compagnies d’assurance.
Nous ne pouvons prédire de l’avenir mais si les implications notamment en matière de fiscalité sont avantageuses s’agissant d’apport de ces actifs dans des OPCI, nous devrions assister à une externalisation de la gestion vers des sociétés de gestion agréées qui leur permettront de loger leurs immobilisations dans des véhicules OPCI transparents.
Ceci pourrait être vrai pour les compagnies d’assurances, les caisses de retraite, les banques ainsi que les patrimoniaux disposant d’un portefeuille immobilier à vocation locative. Le chiffre officiel ayant été communiqué par le ministère des finances sur l’univers des actifs éligibles aux OPCI est de 200 milliards de Dh. Reste à savoir quelle part de marché les OPCI prendront sur cet univers des possibles.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli