Entre bienveillance et autoritarisme, la manière peu orthodoxe de gouverner de Lee Kuan Yew permettra à ce petit pays sous-développé qui acquiert son indépendance en 1965 de devenir, en 3 petites décennies, l’un des 4 dragons d’Asie et surtout l’un des acteurs incontournables de l’innovation dans le monde !
Pourtant, Singapour souffre encore aujourd’hui d’une image de pays extrêmement rigide connu pour ses “châtiments corporels” et ses peines de morts encore pratiqués de nos jours !
Ces pratiques, héritées du mode de gouvernance de Lee, doivent-elles forcément nous inciter à conclure que le premier ministre, resté 30 ans au pouvoir, était en réalité un dictateur tyrannique et sans pitié qui a opprimé son peuple ?
Analyse du règne d’un personnage fascinant de l’histoire et de la culture singapourienne…
De la définition d’un dictateur…
Le mot dictateur est un terme souvent associé à la tyrannie et au bafouement des droits de l’homme dans beaucoup de sociétés !
Les exemples de dictateurs ayant commis des atrocités ne manquent pas et ont tendance à donner raison à ceux qui prétendent qu’un dictateur ne peut être souhaitable pour un peuple !
Pourtant, l’histoire incroyable du développement de Singapour et l’exemple de la gouvernance de 30 ans de Lee Kuan Yew tendent à contredire cette affirmation et à donner au mot « dictateur » un sens très différent…
Lee Kuan Yew
Lee Kuan Yew, un géant de l’histoire asiatique !
Lee Kuan Yew était effectivement un dirigeant autoritaire et intransigeant qui détient le record du plus vieux ministre en exercice lorsqu’il démissionne de son poste en 1990 !
Mais Lee est surtout connu aujourd’hui pour être un homme visionnaire qui avait une stratégie politique pionnière et adaptée pour sauver son peuple des différents dangers engendrés par la précarité et les difficultés économiques d’un tout petit pays sous-développé qui venait de gagner son indépendance !
En vérité, Lee Kuan Yew est un homme qui a dédié toute sa vie à la cause nationale de son pays !
Cette longévité au pouvoir, en général souvent synonyme de dictature imposée, est le résultat d’une combinaison équilibrée entre un autoritarisme paternaliste et une efficacité redoutable dans la gestion politique et économique.
Ce qu’il a réussi à accomplir (transformer un tout petit pays sous-développé sans ressources naturelles en une des économies les plus florissantes de la planète en l’espace de 3 décennies, le placent, de facto, parmi les géants qui ont le plus compté dans l’histoire du 20ème siècle !
Bâtir un système éducatif de classe mondiale !
Le principe de gouvernance de Lee, qui guidera toute sa politique, était qu’un peuple bien éduqué ayant intégré les valeurs ancestrales du confucianisme, allait forcément devenir un peuple riche et pacifique !
Dès lors, l’éducation deviendra pour Lee une véritable obsession nationale durant tout son règne !
Le système éducatif qu’il mettra en place donnera aux singapouriens toute leur spécificité culturelle qui est, nous le verrons un peu plus tard, étroitement liée à l’excellence de la recherche et de l’innovation du pays !
Ce système repose principalement sur la culture du mérite : les élèves passent des examens rigoureux aux différents niveaux de scolarité et seuls ceux ayant obtenu d’excellents résultats scolaires en plus d’avoir démontré d’excellentes capacités mentales pouvaient espérer intégrer les universités et les instituts polytechniques prestigieux du Pays.
En plus d’être d’un très haut niveau, l’éducation était aussi très stricte au niveau du civisme et du comportement social !
Les professeurs et les chercheurs, quant à eux jouissent d’une estime sociale très élevée et leurs salaires sont volontairement maintenus à un très haut niveau pour continuer d’attirer les meilleurs éléments dans cette fonction hautement stratégique pour le pays.
Combattre la corruption et le crime de manière systémique
Comme tous les pays de la planète, Singapour a été confronté elle aussi aux problèmes de corruption.
Pour lutter efficacement contre ce fléau qui pouvait grandement retarder le développement de son pays, Lee mettra en place une stratégie basée sur 2 axes :
- Créer un environnement favorable aux comportement honnêtes et nationalistes
- Punir sévèrement les cas de corruptions et les actes anti-sociaux !
Pour s’assurer de conserver un gouvernement propre et honnête, Lee décida que les haut fonctionnaires devaient être suffisamment bien payés : Les salaires des ministres, juges et autres hauts responsables étaient donc alignés sur ceux des du secteur privé permettant ainsi de recruter et de retenir des talents au service du secteur public !
Le système répressif repose quant à lui sur des lois très strictes sur le comportement social !
Le maintien de l’ordre est assuré par un corps de police dont la plus grande partie des membres agit en civil, permettant ainsi de surveiller toute entorse à la loi de manière plus efficace.
Le confucianisme comme modèle sociétal
Lee était un fervent défenseur du confucianisme. Ce mode de pensée millénaire a été développée par le philosophe chinois Confucius.
Pratiqué dans une très grande partie de l’Asie, cette philosophie place la famille au centre de l’équilibre sociétal.
Il sut habilement cultiver cette doctrine de vie déjà présente dans la culture des différentes ethnies qui composaient le peuple singapourien (chinois bien sûr mais aussi malaisiens et indiens) pour en faire l’un des fondements de la société singapourienne.
Le célèbre enseignement du maître fut appliqué à la lettre par Lee puisqu’il l’installa comme principe de gouvernance.
« Si vous voulez organiser l’État, réglez votre cercle familial ; pour régler le cercle familial, il faut viser d’abord à développer sa propre personnalité ; pour développer sa propre personnalité il faut d’abord rendre son cœur noble ; pour ennoblir son cœur il faut rendre sa pensée digne de foi ; pour rendre sa pensée digne de foi, il faut perfectionner d’abord son savoir ! »
Nous verrons dans le prochain article comment l’héritage culturel et politique de Lee à contribué à produire une culture de l’excellence et de la performance à l’échelle de tout son pays…