Au siège de JP Morgan Chase, sur Park Avenue à New York, le 12 décembre 2013 © AFP/Archives STAN HONDA
L’intérêt de JPMorgan Chase pour le service de paiements britannique Worldpay marque le réveil de l’appétit des grandes banques américaines pour les acquisitions et pourrait enclencher une nouvelle course à la croissance externe, estiment des experts.
La première banque américaine en termes d’actifs a certes renoncé mercredi à racheter Worldpay, faisant une croix sur ce qui devait être sa plus grosse acquisition depuis les rachats des établissements en difficulté Bear Stearns et Washington Mutual en 2008 en pleine crise financière.
Mais sa marque d’intérêt est le signe que « l’ère du démantèlement des grandes banques est révolue », fait valoir Richard Bové, analyste chez Rafferty Capital Markets. « Ce n’aurait pas été possible il y a quelques semaines », renchérit Gregori Volokhine chez Meerschaert.
L’ambition de JPMorgan Chase intervient en effet quelques jours seulement après que la banque centrale (Fed) a donné son feu vert aux projets de distribution de liquidités — dividendes, rachats d’actions et acquisitions — des établissements financiers.
Elle signe une rupture avec les huit dernières années au cours desquelles les banques américaines ont été contraintes par l’administration Obama, de se séparer des activités risquées et de renforcer leurs fonds propres pour en finir avec le fameux « Too Big to fail » (« trop important pour faire faillite »), nom donné aux firmes dont la faillite déstabiliserait l’ensemble du système financier.
Au terme des tests de résistance (stress tests) annuels, dont les résultats ont été annoncés la semaine dernière, les principales institutions financières américaines ont augmenté leurs fonds propres de plus de 750 milliards de dollars depuis 2009, d’après le cabinet MorningStar.
– Contrer Apple et PayPal –
Outre le versement de gros dividendes aux actionnaires, cet argent pourrait servir à avaler des concurrents et des entreprises technologiques qui sont en train de contester le monopole des banques dans certaines activités traditionnelles.
« Il faut que les banques se secouent pour ne pas s’enliser dans une espèce de routine (car) elles n’ont plus de croissance organique », avance M. Volokhine, ajoutant s’attendre à ce que celles ayant une « importante exposition internationale » se lancent dans des acquisitions.
Bank of America, US Bancorp, PNC Bank et Goldman Sachs pourraient être tentées par de grandes manoeuvres, énumère Richard Bové: « il faut gagner plus de clients et pour avoir plus de clients il faut faire davantage d’acquisitions », développe l’expert.
La nouvelle donne s’expliquerait par le fait que l’administration Trump a envoyé des signaux positifs sur un prochain assouplissement de la règlementation financière.
Le livre Blanc publié récemment par le Trésor suggère que 171 des 370 règles mises en place par la loi de régulation Dodd-Frank, adoptée en 2010 pour éviter une nouvelle crise, vont être modifiées.
Donald Trump a également nommé d’anciens banquiers à des postes stratégiques comme Steven Mnuchin et Gary Cohn, respectivement secrétaire au Trésor et chef du conseil économique du président (NEC). Joseph Otting, nominé pour diriger le régulateur bancaire OCC et Randal Quarles pressenti pour être le « Monsieur Banques » à la Fed sont tous deux également d’anciens financiers.
« Vous avez un changement total dans la structure, la pensée et les hommes pour incarner la régulation bancaire, ce qui suggère que les grandes banques vont être autorisées à effectuer des acquisitions », en déduit Richard Bové.
Des acquisitions sont également susceptibles de permettre à ces firmes de protéger leurs activités des attaques des « Fintech ». Ces sociétés technologiques développant des services financiers sont en train de transformer le secteur bancaire, profitant de la bienveillance des autorités, notamment en Europe, et du fait que les consommateurs utilisent de plus en plus leur téléphone portable pour effectuer leurs transactions financières.
Les grandes banques n’ont pas par exemple de contrôle sur les monnaies virtuelles tel le bitcoin et ne jouent pas les premiers rôles dans les paiements électroniques, dominés par PayPal, Apple Pay, AliPay, Square entre autres.
En voulant s’emparer de Worldpay, JPMorgan cherchait à renforcer son propre système de paiements électroniques Chase Pay, au moment où l’Union européenne s’apprête à ouvrir ce marché à de nouveaux acteurs autres que les réseaux de cartes bancaires tel Visa, qui est détenu par des banques. « C’est nécessaire si elles veulent continuer de compter ne pas devenir petit-à-petit +has been+ » ou obsolète, conclut Gregori Volokhine.
LNT avec AFP