Au-delà de la décision de réduire le taux directeur, la réunion trimestrielle du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), tenue mardi à Rabat, a été l’occasion d’aborder plusieurs sujets structurants pour le système financier national. Parmi ceux-ci figurent le développement du marché à terme, les dispositifs de soutien aux très petites entreprises (TPE), ainsi que les mesures prudentielles concernant les établissements publics et le secteur bancaire.
Accélération du marché à terme interbancaire
Le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a annoncé la poursuite du développement du marché à terme interbancaire, avec le lancement récent d’un marché des swaps de change et des swaps de taux au jour le jour. Ce projet s’inscrit dans la continuité de la réforme amorcée en 2018 avec la mise en place du marché interbancaire des devises.
Avec l’assistance technique de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), cette initiative vise à doter le système financier marocain d’instruments de couverture des risques financiers plus performants, en particulier pour la gestion des taux d’intérêt et des devises.
M. Jouahri a souligné que les banques marocaines ont traversé une phase d’adaptation pour intégrer ces nouveaux instruments, les volumes échangés étant en croissance progressive. Toutefois, il estime qu’il faudra encore du temps pour atteindre un rythme soutenu d’utilisation, soulignant que ces outils renforcent la liquidité du marché et contribuent à une meilleure gestion des risques.
Un soutien renforcé aux TPE
Le financement des très petites entreprises (TPE) a également occupé une place centrale lors de cette réunion. Représentant près de 88 % du tissu économique national, les TPE sont un levier clé pour la croissance et l’emploi. Conscient des difficultés d’accès au crédit rencontrées par ces structures, Bank Al-Maghrib a annoncé la mise en place d’un nouveau programme de soutien.
Ce dispositif permet aux banques participantes de bénéficier d’un refinancement à un taux préférentiel inférieur de 25 points de base au taux directeur. L’objectif est d’améliorer les conditions de financement pour les TPE, tout en incitant les établissements bancaires à assouplir les procédures d’octroi de crédit.
Dans cette optique, une réunion tripartite entre BAM, les banques, Tamwilcom et la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) est prévue au cours du premier semestre. Les discussions porteront sur plusieurs axes, notamment la simplification des procédures bancaires, la réduction des délais de traitement des demandes de crédit et l’adaptation des produits financiers aux besoins spécifiques des TPE.
Le Wali de BAM a également évoqué la révision du programme Intelaka, lancé en 2020, en vue d’évaluer son efficacité et d’envisager des ajustements pour renforcer son impact.
Gestion prudentielle des établissements publics
Un autre point abordé lors de cette rencontre concerne la gestion des besoins de financement des entreprises et établissements publics, en particulier dans le cadre des projets d’investissement à venir, notamment en lien avec la préparation à des événements majeurs tels que la Coupe du Monde 2030.
M. Jouahri a précisé que le secteur bancaire sera sollicité pour financer une partie de ces projets, aux côtés d’autres sources telles que les partenariats public-privé et les financements extérieurs. Il a toutefois rappelé que l’octroi de crédits aux établissements publics est soumis aux règles prudentielles en vigueur, notamment en matière de pondération des risques et de division des risques.
Concernant les entreprises publiques marchandes, il a indiqué que leur capitalisation sera scrutée de près, soulignant qu’il appartient à l’actionnaire public de veiller à l’équilibre financier de ces entités, notamment par des augmentations de capital si nécessaire.
Le Wali a par ailleurs abordé la rentabilité du secteur bancaire marocain, qui demeure soutenue, tout en restant attentif à l’évolution des créances en souffrance. Il a rappelé que BAM continue de suivre de près la qualité des actifs bancaires, précisant que des mesures ont été prises pour encadrer la distribution des dividendes, en demandant aux banques de renforcer leur niveau de fonds propres si nécessaire.
Il a également mentionné la réforme en cours visant à développer un marché secondaire des créances en souffrance. Ce projet devrait permettre aux banques de céder une partie de leurs créances non performantes, dégageant ainsi de la capacité pour financer davantage l’économie.
Enfin, la réunion a été l’occasion d’évoquer les discussions en cours avec les institutions européennes concernant l’application des nouvelles directives encadrant les opérations des banques non européennes, notamment dans le cadre de la directive CRR6.
M. Jouahri a insisté sur l’importance pour le Maroc de préserver la fluidité des services bancaires pour les Marocains résidant à l’étranger, rappelant que les dépôts des MRE représentent près de 20 % des dépôts bancaires nationaux. Des concertations sont en cours avec les partenaires européens pour s’assurer que l’application de ces nouvelles règles n’entrave pas les activités des banques marocaines à l’étranger.
Selim Benabdelkhalek