La loi n° 69-21 qui introduit l’obligation du respect des délais de paiement, est aujourd’hui rendue opérationnelle par la circulaire Numéro 734.
Elle concerne toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 2 millions de dirhams, qui devront déclarer trimestriellement, tous leurs fournisseurs y compris les mauvais payeurs à la direction des impôts.
Et, après une concession réservée aux entreprises dont le chiffres d’affaires est inférieur à 50 millions de dirhams pour l’année 2023, la loi sur les délais de recouvrement va se généraliser en 2024 à toutes les entreprises privées et publiques à caractère marchand.
Par essence, celle-ci légifère sur le délai de paiement en une phrase claire « Quand le délai de paiement n’est pas convenu entre les parties, il est fixé à 60 jours à compter de la date de facturation », qui se continue par la précision que « lorsque le délai de paiement est convenu entre les parties, il peut aller à 120 jours à compter de la date de facturation ».
Donc, pour passer de 2 à 4 mois de délai de paiement, les entreprises n’ont qu’un pas à faire celui d’établir des conventions avec leurs fournisseurs. Ce qui fausse la facilitation du recouvrement pour conforter la trésorerie des petites et moyennes entreprises, par le rallongement du délai de paiement.
Ainsi, les grandes entreprises appartenant ou pas à un groupe, sont entrées dans une course contre la montre pour faire signer des conventions à leur fournisseurs qui imposent les 120 jours de délai de paiement avant les premières déclarations qui doivent intervenir fin octobre courant.
Sachant que la loi a fixé le délai de paiement selon que les parties prenantes aient ou pas fixé le délai de paiement, les conventions voire contrats entre les parties battent leur plein. Et pour cause, sans accord préalable, le délai de base de 60 jours s’impose, et avec accord entre les parties, il double à 120 jours. Il revient ainsi au délai de 4 mois fixé par la précédence loi qui n’a pas été efficiente en la matière.
En conséquence, depuis le mois de septembre les petites et moyennes entreprises se voient envoyer pour signature sans consultation préalable des conventions qui fixent toutes les délais de paiement à 120 jours.
De surcroit, ces dernières introduisent par la même occasion des conditions de facturation à leurs fournisseurs, introduisant non seulement une date d’émission des factures, mais aussi l’obligation du dépôt des factures groupées à fin de mois, pour rallonger les 120 jours de délai de paiement de 30 jours supplémentaires.
Et, comme si cela ne suffisait pas, les grandes entreprises, censées être les mieux organisées, introduisent une étape supplémentaire à la réception des factures fournisseurs, celle du bon de livraison justifiant la conformité de la réception. Last but not least, ces entreprises se réservent 7 jours de plus qui suivent le jour de la réception pour vérification des factures qui bien sûr s’ajoutent une nouvelle fois au délai de paiement.
Ainsi, « les engagements préalables » autorisés par la nouvelle loi sur les délais de paiement, contiennent différentes possibilités pour rallonger le début du comptage de jours du délai de paiement. D’abord en cumulant toutes les factures à la fin du mois quand certaines sont datées du début de celui-ci, puis en imposant un bon de livraison qui détaille les opérations et services rendus quand les libellés des factures sont censés le faire et de plus en incluant un délai de correction en sus. Et comme si cela ne suffisait pas pour ne rien changer à leurs habituels longs délais de paiements, ces entreprises imposent à leurs fournisseurs non pas des conventions mais des contrats lesquels rajoutent les délais de justice à chaque contestation à leurs fournisseurs.
Face à cette situation, les PME et les TPE n’ont que leurs yeux pour pleurer ! Dans quelle mesure peuvent-elles opposer à de grandes entreprises voire grands groupes leurs propres contraintes au risque de voir ces derniers les boycotter et se tourner vers celles qui vont se soumettre à leurs contraintes ?
Où est la place de la TPME que la loi veut protéger contre les mauvais payeurs ?
Sans compter que, ces mêmes TPME, se trouvent partagées entre leur propre réorganisation interne pour répondre à de nouvelles obligations légales et le respect les désidératas de leurs clients en matière de facturation, dépôt de factures et documents annexes à fournir.
En définitive, la nouvelle loi sur les délais de paiements censée soutenir les TPME est partie pour constituer un nouveau poids pour elles, sans pour autant ni raccourcir les délais de paiements de leurs clients, ni alléger leur trésorerie. Usant de la loi du plus fort, les grandes entreprises font ainsi tout pour contourner la nouvelle loi sur les délais de paiements, à force de conventions et de contrats, rédigés en leur faveur. Preuve en est, ils n’y ont pas eu recourt avant l’introduction de la loi sur les délais de paiement…
Pourtant, hier dans une réunion de l’observatoire des délais de paiement, Mme Nadia Fettah, Ministre de l’Economie et des Finances, a appelé « à accorder une attention particulière à la problématique des délais de paiement compte tenu de son impact sur la pérennité de l’entreprise, la dynamisation du tissu économique et l’amélioration du climat des affaires ».
Afifa Dassouli
Encadré : Communiqué de presse de l’Observatoire des Délais de Paiement
Madame Nadia Fettah ALAOUI, Ministre de l’Economie et des Finances (MEF) et Monsieur Chakib ALJ, Président de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) ont co-présidé, le 23/10/2023, au siège de ce Ministère à Rabat, la cinquième réunion de l’Observatoire des Délais de Paiement.
Cette réunion s’inscrit dans la continuité de la dynamique insufflée par les Hautes Orientations Royales contenues dans le Discours Royal du 20 août 2018 à l’occasion du 65ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple et qui ont appelé à accorder une attention particulière à la problématique des délais de paiement compte tenu de son impact sur la pérennité de l’entreprise, la dynamisation du tissu économique et l’amélioration du climat des affaires.
Cette réunion avait pour objectif de faire le point sur les actions entreprises et celles envisagées en vue de poursuivre le déploiement de la feuille de route mise en place par l’Observatoire pour l’amélioration des délais de paiement et la préservation des droits de l’entreprise.
A cet égard, l’Observatoire des Délais de Paiement s’est félicité de la mise en place du dispositif de sanctions à l’encontre des retards de paiement, instauré par la loi n° 69-21 modifiant la loi n° 15-95 formant code de commerce et édictant des dispositions particulières relatives aux délais de paiement entrée en vigueur à compter du 1er juillet 2023 et qui vise la consolidation de l’équilibre des relations inter-entreprises et la réduction des délais de paiement au sein du secteur privé.
La gestion de ce dispositif est confiée à la Direction Générale des Impôts qui prévoit la mobilisation des moyens requis en vue d’une application efficace dudit dispositif dans l’objectif de renforcer une culture de paiement responsable et de promouvoir les valeurs d’éthique dans ce domaine.
Parallèlement, l’Observatoire a approuvé et donné son accord pour la publication de son 3ème rapport annuel qui confirme les tendances constatées au niveau des deux rapports publiés, respectivement, en 2021 et 2022, en matière de réduction des délais de paiement, notamment, dans le secteur public (Etat, Collectivités Territoriales et Etablissements et Entreprises Publics) et ce, malgré un contexte économique tendu marqué, notamment, par les tensions inflationnistes.