
Pour l’entreprise, les retards de paiement sont une contrainte de taille pour sa pérennité. Le constat n’étonne personne, particulièrement les chargés du recouvrement. En effet, subir des délais de paiement à rallonge entraîne l’entreprise dans un cercle vicieux dont il est souvent difficile de sortir. A rappeler dans ce cadre qu’en 2019, le volume des créances inter-entreprises s’élevait à 430 MMDH. Un montant bien plus élevé que l’encours des prêts bancaires accordés aux entreprises privées. Moins solides financièrement, les TPE et PME, elles, sont le plus souvent les premières à en subir les conséquences. D’ailleurs et selon Inforisk, les faillites d’entreprises ont augmenté de 17,4% en 2022 par rapport à l’année précédente, soit 12.397 entreprises qui ont mis la clé sous la porte l’année dernière. Pour Inforisk, la rupture des cycles de trésorerie liée à des délais de paiement trop longs est une des principales raisons.
En ce début d’année 2023, la loi n°69.21 relative aux délais de paiement a fait naitre une lueur d’espoir chez les patrons et bien d’autres fournisseurs de services. Adopté à l’unanimité en janvier dernier par le Parlement, le texte prévoit des dispositions sensées récupérer les liquidités dans les délais convenus. Ladite loi n°69-19, entrée en vigueur le 1er juillet dernier, ambitionne de resserrer l’étau sur les retards de paiement, considérés comme un obstacle majeur au développement des entreprises.
Tout récemment, au siège de la CGEM à Casablanca, une panoplie de fédérations professionnelles a bien voulu débattre autour de cette nouvelle loi sensée remettre de l’ordre dans les délais de paiement au Maroc.
Dans ce cadre, Chakib Alj, président de la CGEM, explique que les délais de paiement croissants sont dus aux comportements des chefs d’entreprises et à un cadre législatif obsolète. Et de poursuivre que dans l’ancienne réglementation, l’entreprise devait signaler les retards de paiement de ses clients, risquant ainsi de perdre des clients ou d’encourir des intérêts de retard : « Dans la précédente réglementation, l’entreprise devait dénoncer son client en déclarant qu’il la paye en retard. D’une part, l’entreprise dans ce schéma risquait de perdre son client et le risque s’accentuait si des intérêts de retard lui étaient facturés et d’autre part, si l’entreprise ne facturait pas, elle perdait un revenu, et elle pouvait être redressée si contrôle il y avait, car celle-ci n’avait pas facturé les intérêts de retard ». Et d’ajouter qu’aujourd’hui, « grâce aux efforts concertés du secteur privé et public, nous sommes arrivés à un texte de loi plus judicieux et surtout intégrant des principes à même de réduire les délais de paiement ».
Pour sa part, Youssef Alaoui, président du groupe CGEM à la Chambre des Conseillers la loi vient instaurer un délai de 60 jours si les délais ne sont pas convenus et à 120 jours si les délais sont convenus. Par la même occasion, il n’a pas manqué de rappeler que les premières déclarations sont dématérialisées auprès de la DGI et auront lieu dès le 31 octobre 2023, notant que les entreprises qui ne déclarent pas leurs délais de paiement s’exposent à des pénalités qui vont jusqu’à 250.000 Dhs par déclaration non faite.
De son côté, Faïçal Mekouar, président du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables a fait savoir que la principale nouveauté de la loi n°69-21 réside dans le fait que c’est au client, en faute par rapport à son fournisseur, de faire la déclaration et de calculer les pénalités de retard. Cette déclaration doit faire l’objet d’une vérification par le commissaire aux comptes, simultanément avec la déclaration faite à la fin de chaque trimestre, a-t-il expliqué, ajoutant que la responsabilité de la déclaration incombe aux dirigeants de l’entreprise et au management qui doivent s’assurer de la sincérité et de l’exhaustivité des factures impayés.
Pour rappel, la gestion de ce nouveau dispositif juridique, qui vise à consolider l’équilibre des relations inter-entreprises et à réduire les délais de paiement au sein du secteur privé, a été confiée à la Direction Générale des Impôts (DGI) qui veille à la mobilisation des moyens nécessaires en vue d’une application efficace de ladite loi, dans l’objectif de renforcer une culture de paiement responsable et de promouvoir l’éthique dans le domaine des affaires. Là, les différents intervenants dans le monde des affaires soulignent toutefois que le dispositif juridique, à lui seul, ne peut tout régler. Il est justement grand temps d’instaurer une nouvelle culture managériale à même de maîtriser les flux sortant, un levier crucial en matière de respect des délais de paiement…
H.Zaatit