Des personnes entrent dans une boutique de vêtements Zara, le 11 mai 2020 à Paris, au premier jour du déconfinement en France © AFP THOMAS COEX
« Plaisir » de consommer contre angoisse de retourner en magasins, achat local malgré un pouvoir d’achat restreint, envie de « changer le monde » face à des inégalités qui se creusent… A l’heure du déconfinement, en quoi la crise du coronavirus a-t-elle bouleversé nos habitudes de consommation?
Selon une enquête de l’Observatoire Cetelem, 57% des Français considèrent que beaucoup de choses vont changer dans leur mode de vie après le confinement, les 43% restants envisageant plutôt cette période comme une simple parenthèse.
« Si les trois quarts d’entre eux se jugent épargnés au point de vue économique, ils sont tout de même 25% à déplorer des pertes importantes dans leurs revenus et 80% (+40 points depuis mars) à estimer que les prix ont augmenté en parallèle, ce qui pèse sur leur budget », souligne l’Observatoire.
Après cette période de frugalité contrainte, 47% des Français espèrent retrouver rapidement le « plaisir de consommer » et 53% manifestent au contraire une intention de « ralentir » à ce niveau.
Enfin, souligne l’étude, pour soutenir l’économie (87%) mais aussi les producteurs en difficulté (89%), le « made in France » est un objectif pour 83% des Français: « consommer moins, mieux et local est plus que jamais au cœur de leurs préoccupations ».
– division et frustrations –
Des envies fortes, mais également des inquiétudes, bien perçues par Philippe Moati, co-fondateur de l’Observatoire société et consommation (Obsoco), qui expliquait récemment sur France Culture que le choc économique lié au Covid-19 allait « accélérer la division de la société en deux parts pas du tout égales: ceux qui vont vouloir accélérer la transition vers autre chose », – le fameux « consommer moins mais mieux » – et « ceux qui ont hâte de retrouver le monde d’avant, avec toutes les frustrations que cela risque d’engendrer » en raison d’une situation financière dégradée.
Selon Emmanuel Le Roch, directeur général de la Fédération du commerce spécialisée Procos, « ce n’est pas pour l’appétence des gens vers la consommation que l’on doit s’inquiéter mais pour les flux dans les magasins », moins fréquentés à cause de « la crainte d’aller dans des endroits où il y a du monde », sachant que la surface de chaque boutique sera divisée en moyenne par quatre du fait de la « distanciation sociale ».
Contrairement à l’avant-confinement durant lequel les clients flânaient beaucoup sans acheter, « les seuls qui viendront en magasin désormais n’iront pas pour s’y promener », mais avec une idée précise d’achat, qu’il faudra concrétiser rapidement par peur d’une éventuelle contamination, un comportement qui risque par ailleurs de nuire, au moins dans un premier temps, aux achats dits « d’impulsion », comme les petits cadeaux faits de façon spontanée, souligne M. Le Roch à l’AFP.
– communauté –
« On sort d’un moment angoissant et compliqué pour le commerce et on va entrer dans un moment plus compliqué encore parce qu’il va falloir repayer les salaires, les charges etc… sans être sûrs de voir des revenus rentrer », s’inquiète-t-il.
Pour Carole Walter, directrice générale du cabinet de consultant pour la distribution Easyence, deux tendances pré-existantes à la crise mais qui se sont « très fortement révélées » durant, se dégagent côté consommateur, « plus consomm’acteur que jamais ».
Tout d’abord, affirme-t-elle à l’AFP, les gens « ont redécouvert » leurs commerces de proximité: cette tendance à acheter local « s’est quasiment imposée », avec un besoin « d’être dans une communauté, qui va rester sur long terme et avoir des conséquences tant au niveau marketing que dans les assortiments en magasin ».
Autre tendance très forte: « la fin du concept du client-roi » et l’avènement du client « membre d’un écosystème », qui va désormais « faire attention à la vendeuse et à celui qui met en rayons et accepter de faire la queue ou de mettre un masque si ça doit protéger les autres ».
Au final, concluait M. Moati, « je ne serais pas étonné (…) que beaucoup se rendent compte qu’avoir du temps pour soi, à passer avec ses proches, à s’adonner à ses passions, aux loisirs, (soit) peut-être plus important que travailler comme une bête pour avoir de l’argent qu’on dépense bêtement ».
LNT avec Afp