Des partisans de Moqtada Sadr dans le bureau du président du Parlement irakien, à Bagdad, le 27 juillet 2022
Des partisans de l’influent leader chiite Moqtada Sadr ont brièvement investi mercredi le Parlement en pénétrant dans l’ultra-sécurisée zone verte abritant à Bagdad institutions gouvernementales et ambassades, nouveau coup d’éclat pour dénoncer la candidature au poste de Premier ministre présentée par le camp politique adverse.
Près de deux heures après avoir pris leurs quartiers dans le Parlement, les centaines de manifestants ont amorcé un retrait, a constaté un correspondant de l’AFP, obéissant aux instructions lancées peu auparavant sur Twitter par le faiseur de roi Moqtada Sadr, joueur incontournable de la scène politique chiite.
L’impasse politique est totale en Irak dix mois après les législatives d’octobre 2021. Les tractations pour former un nouveau gouvernement piétinent, sur fond de marchandages en coulisses et querelles virulentes entre les barons de la politique qui dominent la vie publique depuis la chute du président Saddam Hussein en 2003.
Mercredi en fin d’après-midi, une fois entrés dans la zone verte, des centaines de manifestants se sont dirigés vers le Parlement qu’ils ont investi, malgré des tirs de gaz lacrymogènes de la police, a indiqué à l’AFP une source sécuritaire.
Les contestataires ont occupé le hall intérieur et l’hémicycle, brandissant des drapeaux irakiens et applaudissant, a rapporté un correspondant de l’AFP sur place.
« On rejette tout le processus politique », a fustigé le manifestant Bachar dans l’enceinte du Parlement. « On veut une personnalité indépendante au service du peuple », a-t-il fustigé.
– « Rentrez chez vous » –
Les manifestants dénoncent la candidature au poste de Premier ministre de Mohamed Chia al-Soudani, ancien ministre et ex-gouverneur de province âgé de 52 ans.
Il est le candidat du « Cadre de coordination », alliance de factions chiites pro-Iran regroupant la formation de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki et les représentants du Hachd al-Chaabi, ex-paramilitaires intégrés aux forces régulières.
« Révolution de la réforme et du rejet de l’injustice et de la corruption », a tweeté M. Sadr en guise de soutien aux manifestants.
« Votre message a été entendu (…) Vous avez terrorisé les corrompus », a-t-il ajouté, appelant les manifestant à faire une prière « avant de rentrer chez vous sain et sauf ».
« Nous obéissons au Sayyed », ont scandé les manifestants en quittant le Parlement dans le calme, en allusion au titre de descendant du prophète dont jouit M. Sadr.
Adepte des coups d’éclats, M. Sadr avait pourtant abandonné à ses adversaires la tâche de former un gouvernement, faisant démissionner en juin ses 73 députés: ils représentaient la première force au sein du Parlement de 329 députés.
M. Sadr rappelle régulièrement à ses adversaires qu’il continue de jouir d’une assise populaire dans la rue. A la mi-juillet, il avait mobilisé des centaines de milliers d’Irakiens pour une prière collective du vendredi à Bagdad.
Le Cadre de coordination a lui accusé mercredi le gouvernement de complaisance vis-à-vis des manifestants, réclamant des « mesures fermes pour maintenir la sécurité et l’ordre, et empêcher le chaos ».
– « Corrompus au pouvoir » –
Le Premier ministre Moustafa al-Kazimi avait appelé les manifestants à « se retirer immédiatement » de la zone verte, avertissant dans un communiqué que les forces de l’ordre veilleraient « à la protection des institutions étatiques et des missions étrangères ».
Avant d’investir ce quartier en plein coeur de Bagdad aux entrées surveillées, où journalistes et visiteurs doivent être munis d’un badge pour y accéder, les manifestants se sont rassemblés sur une place du centre, brandissant des drapeaux irakiens et des portraits de Moqtada Sadr, fustigeant le candidat du Cadre de coordination.
« Je suis contre les corrompus qui sont au pouvoir », a lancé le manifestant Mohamed Ali, travailleur journalier de 41 ans. « Je suis contre la candidature de Soudani, car c’est un corrompu qui fait partie du camp de Maliki », a-t-il fustigé.
La paralysie politique est totale, puisque depuis dix mois le pays attend non seulement la nomination d’un nouveau Premier ministre mais aussi d’un Président de la République.
Ce poste revient traditionnellement à un Kurde, mais sur ce dossier il y a aussi blocage: les deux grands partis kurdes historiques n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un candidat.
LNT avec Afp